L’Édito du mensuel Enbata
Notre Pays Basque a perdu un homme d’exception, un guide, un visionnaire, un constructeur. D’une société enkystée dans la tradition, claquemurée dans ses tutelles institutionnelles, Mixel Berhocoirigoin, dans une complicité fusionnelle avec sa compagne Mikele, a su bâtir des contre-pouvoirs pour un meilleur vivre-ensemble. En l’espace de sa vie active, il a métamorphosé le monde paysan basque au plus profond de chaque etxe dans son mode de travail, ses relations intergénérationnelles, ses productions et leurs débouchés commerciaux vers le monde urbain. Cette révolution tranquille, il l’a en grande partie décrite durant des années par ses chroniques régulières dans l’hebdomadaire, puis mensuel Enbata qui, réunies, pourraient être le document testimonial de Mixel.
Dépassant son magistère de l’esprit, Mixel en est devenu l’artisan de sa mise en oeuvre. Au milieu des siens, à leur tête souvent, il a non seulement dénoncé les carcans des féodalités professionnelles qui niaient la spécificité de l’agriculture basque pour créer une contre-société rurale dont une chambre d’agriculture parallèle deviendra l’outil collectif emblématique. Euskal Herriko Laborantza Ganbara associera structurellement Basques de la ville et des champs qui partagent l’engagement commun de notre prise en main devant construire un nouveau pays. Mais on ne dérange pas impunément l’ordre établi sans qu’il se rebiffe. Mixel Berhocoirigoin, avec des manières plus policées que pour les militants clandestins mais tout autant déterminées et brutales, est ainsi, un temps, devenu pour l’État le Basque à abattre. Ses procès, les ukases préfectoraux et fiscaux, n’ont fait que conforter la solidarité populaire qui finira par un rendu judiciaire couronnant sa “contre-institution” paysanne comme le fut, en son temps, la contre-école de l’euskara. Dès lors, il était disponible pour mettre fin à la lutte armée d’ETA devenant l’un des acteurs majeurs des Artisans de la Paix.
Comme pour une pastorale, des centaines de voitures étaient parquées dans des cours de fermes ou des prairies ouvertes ce 12 mai ensoleillé dans son village de Gamarthe pour un hommage et remercier Mixel dont l’humilité a rendu plus forte encore sa trace sur cette terre.
Pour la seconde fois, les élections départementales des 20 et 27 juin se dérouleront selon un scrutin totalement renouvelé. D’unidimensionnel il est devenu binominal et paritaire, femme-homme. Les cantons ont été regroupés en respectant les limites de nos trois provinces historiques et le différentiel de nos élus se réduira avec ceux du Béarn, passant pour nous de 21 à 24, sur un total de 52. Le conseil départemental est désormais renouvelé dans sa totalité tous les six ans, au lieu de par moitié tous les trois ans. En revanche, pour atteindre le second tour, la barre a été fixée très haut car il faut dépasser le seuil de 12,5% des inscrits, ce qui nécessite avec une abstention habituelle à 50%, un score de 25%. C’est dire qu’à part quelques personnalités fortement enracinées, c’est le duo de candidats arrivé second, même avec un faible score, qui lui sera opposé. Ceci devrait placer les abertzale en bonne position pour être courtisés au second tour. Ils seront soit des candidats de l’alternative soit des électeurs très courtisés. C’est là que les consignes de l’exécutif d’EH Bai devront être respectées afin d’affirmer le poids politique des abertzale dans le panorama d’Iparralde. Pas une voix de nos amis ne devra manquer à nos candidats dont la plupart ont refusé le cumul de mandats locaux. En revanche, EH Bai n’ayant donné aucune consigne pour l’élection régionale, je voterai pour la liste départementale EELV conduite par l’avocat des militants basques et de leur cause, Jean- François Blanco.