J’écoutais récemment dans ma fromagerie, d’une oreille distraite, l’auteure Fatou Diome invitée de France Inter venue parler de son nouveau recueil de nouvelles ; elle disait qu’elle avait appris de son grand père “à apprendre à avoir le pied marin” et non “avoir le pied marin”.
Je me suis dit que cette formulation pouvait à plusieurs titres convenir à ce que j’ai appris de Michel Berhocorigoin : il avait l’audace du marin, le sens de l’équilibre, tout en ne cessant de ramer, en sachant vers quel horizon il voulait aller, apprenant de chaque expérience.
Au delà des images, d’un point de vue pragmatique, dans les batailles partagées avec Michel à ELB, Laborantza Ganbara, Lurrama, avant de dénoncer, de défendre, de réagir, d’agir, de construire, il nous a montré l’importance des mots. Il s’agissait de concevoir l’idée, le projet, de le faire avec les autres, émettre des doutes, douter de soi, rassembler les arguments, écrire l’idée et enfin construire.
Dans ce processus, cet exercice qui va de l’émergence de l’idée, son écriture collective, jusqu’à l’élaboration de l’action, Michel était moteur on le sait.
Son moteur à lui ? L’utopie, l’amour de sa terre, la quête de justice probablement en partie… Ces valeurs on les retrouve d’une certaine façon dans les déclinaisons concrètes des pétales de l’agriculture paysanne que Michel a définie avec la Conféderation paysanne : le travail avec la nature, la qualité des produits, l’autonomie, la répartition équitable des moyens de production, la transmissibilité, le développement local et du territoire.
De plus, dans la “démarche de l’agriculture paysanne” comme la concevait Michel, le mot “démarche” a toute sa place et sa légitimité. Car chacun peut avec son envie et son humilité entrer dans la démarche en partant parfois de loin. Enfin dans les grands principes énoncés en amont des six pétales la marguerite de l’agriculture paysanne, il en est un que Michel ne perdait pas de vue, celui de raisonner à long terme et de façon globale.
Dans la “démarche de l’agriculture paysanne”
comme la concevait Michel,
le mot “démarche” a toute sa place et sa légitimité.
Car chacun peut avec son envie
et son humilité y entrer en partant parfois de loin.
Une vision complète, radicale même. Mais, la radicalité n’est pas toujours là où on croit. Dit autrement, en l’illustrant sur l’agriculture paysanne, il ne suffit pas d’être “radicalement bio”, ou “radicalement équitable”, ou “radicalement dans le développement local ou le partage des moyens de production”, ou enfin, radicalement quelque chose mais seul à le faire. Ce que j’ai compris avec Michel c’est que l’enjeu, la force du projet réside à l’embrasser entièrement et ensemble.
Puis, on peut prendre sa part à la hauteur de ses capacités et de ses moyens, mais en s’inscrivant dans cette vision locale, globale et collective. Le parcours près et à côté de Michel compte et va continuer de compter.