La galerie Arte bideak présente jusqu’au 31 octobre des œuvres de l’artiste navarrais.
C’est l’homme du bois. Zurgintza, mahasturia, professions qu’il a exercées, n’ont pas de secret pour lui. Mais Juan Gorriti est bien davantage. Il est poète et enfant de son pays, des forêts et des montagnes qui l’entourent.
Son œuvre déjà longue prend sa source dans ce qu’il vit et ressent autour de lui : txori langak, il en porte un brodé dans le dos de son costume, babarrunak (série sur les célèbres haricots rouges de sa région), behiak, poutres calcinées de l’église de Sare, on n’en finirait plus d’égrener les sujets d’inspiration d’une œuvre forte et foisonnante. Le public prit la mesure de sa dimension en 2016, lors de l’exposition emblématique Aralar itsasmira, dans les salles et les jardins du Palais Miramar à Donostia.
Juan Gorriti est aujourd’hui l’invité de la galerie Arte Bideak à Ziburu. Elle présente un ensemble de peintures et de sculptures qui donnent un aperçu assez varié de sa démarche d’artiste. Morceaux de poutres charbonneuses très émouvantes tant elles font référence à ce Pays Basque des lointains qui résiste encore au-delà des épreuves, ou bien aux restes de foyers retrouvés par les archéologues dans le sous sol d’Euskal Herria. Empreintes ou points de croix inclus sur d’épaisses feuilles de papier chiffon faites à la main. Fragment d’outillage agricole et planches de charpente ancienne —provenant de sa maison ancestrale— peintes de couleurs bariolées et où percent parfois des visages. Elles font penser à quelques grands noms de l’art brut, une étiquette dont Gorriti n’a que faire, un courant dont il n’a en réalité appris l’existence que bien après avoir commencé à créer. Enfin cloisons traditionnelles faites d’entrelacs de noisetier et de torchis, que l’artiste revisite pour leur donner une nouvelle vie.
Car c’est bien là tout son talent. Se saisir de rebuts, d’objets, d’outils abandonnés par notre indifférence et la vacuité de notre regard, ils sont «si riches dans la pauvreté, si rares dans l’abandon et tant aimés dans le dédain» (1)… et tout à coup, Gorriti les remet sur le devant de la scène, les réenchante. D’abord poète, il a ce talent et il est aussi conteur. Tel «l’homme incertain de ses fins» cher à un autre grand poète, il fait toujours refleurir «en avril, l’arbre fruitier». A l’image du chandelier de la chapelle de Saint-Sauveur d’Iraty et ses légendes, Juan Gorriti éclaire notre Pays Basque avec le regard panthéiste qui est le sien. Ce pouvoir poétique tisse un lien aussi indéfectible que le fil tout puissant, l’échange amoureux des regards, entre notre plus lointain passé et la vie d’aujourd’hui. Cette continuité-là, cette transmission si capitale et en péril pour l’identité même du Pays Basque, font de Juan Gorriti un artiste majeur.
Relevons aussi le talent de la galerie Arte Bideak, petite quant à sa surface, mais grande par la qualité de sa programmation. Ses animateurs, Anne-Marie et Pierre Bidegain, ont su présenter cette série d’œuvres. La mise en place, en lumière, est comme la mise en page et la typographie dans l’édition, un art des égards. Sa qualité première est sa discrétion, il faut qu’on l’oublie, pour d’abord valoriser l’artiste invité. Avec grâce, la galerie Arte bideak a su une fois encore tirer son épingle du jeu. Elle a également fait l’effort de publier un catalogue.
(1) Shakespeare, King Lear, 245.
Gorriti, denbora eta kolorea, Galerie Arte bideak
Anne-Marie et Pierre Bidegain,
2 rue Pocalette karrikan, 64500 Ziburu.
Ouverte jusqu’au 31 octobre
du jeudi au samedi de 11h à 13h et de 16h à 19h,
le dimanche de 10h à 13h
et sur RDV.
Mail : [email protected]
Mug : 06 76 27 16 44 edo 06 89 98 65 48