La manifestation massive pour le droit de vivre et de se loger a posé les bases, le 20 novembre dernier à Bayonne, d’un véritable Batera du logement qui ouvre désormais ses chantiers pour réguler méthodiquement le marché du foncier et de l’immobilier.
La tête du cortège grimpait déjà les Allées Paulmy que certains piétinaient encore place Saint André, au départ de la manifestation qui serpentait le long de l’Adour, Allées Boufflers, pont Mayou et jusqu’au ras de la Sous-préfecture. De mémoire de manifestant, on aurait pu penser qu’un journal basque venait d’être fermé ou que revenait le temps de la revendication d’un département Pays Basque. Les spéculations allaient bon train pour quantifier cette masse dans les rues de Bayonne alors que des bénévoles, aux endroits clés, comptaient méthodiquement les participants. Tout un symbole quand le but de cette marche était justement de se compter. Pas tant pour gonfler ses muscles en engageant un bras de fer contre les autorités. Plutôt pour poser les bases d’un front large en faveur du droit de vivre et de se loger au pays.
Des élus de tous bords étaient d’ailleurs présents dans cet équipage hétéroclite, à quelques distances de la tête de la manifestation et sans banderole distinctive et le président de la Communauté d’Agglomération, Jean-René Etchegaray, avait même convié tout son exécutif, qui avait inégalement répondu. A ceux qui ont pu s’étonner de cette présence d’élus en cherchant vers qui était dirigée cette manifestation, la réponse est arrivée sans tarder, dès que les 8.000 participants ont fini de défiler.
“Les solutions existent, ont scandé les organisateurs. Des solutions locales, qui dépendent de la volonté ou du courage politique des élus locaux. Dans les mairies, à la Communauté d’agglomération Pays Basque, il convient de prendre des mesures d’urgence qui assurent l’accès à un logement digne à l’ensemble de la population”. Ces mesures sont contenues dans les cinq revendications de la manifestation (lire ci-dessous) et prônent notamment la maîtrise publique du foncier ou un dispositif dit “de compensation” pour limiter les locations meublées de tourisme. Aux élus locaux de jouer leur partition, en quelque sorte, pendant que les organisateurs de la manifestation annoncent la leur : “des solutions passeront aussi par des changements législatifs nécessaires que nous devrons obtenir à force de mobilisations”.
Dans ce sens, les 32 organisations syndicales, politiques ou associatives à l’origine de cette manifestation d’ampleur se sont engagées à poursuivre ce chantier en annonçant la création d’un espace de travail commun, ouvert à tous et à toutes. Un front commun qui rappelle, justement, cette revendication pour un département Pays Basque portée par la plateforme Batera. Car la méthode est la même : cibler un objectif atteignable et l’atteindre par étape en rassemblant le plus largement possible. Cette première manifestation est ainsi l’élément fondateur du collectif Vivre et se loger au Pays Basque qui doit prospérer pour réguler le marché foncier et de l’immobilier. Elle peut déjà compter sur cette mobilisation de 8.000 personnes. Un chiffre éloquent, tant au Pays Basque, où ce thème était une première pour défiler dans la rue, que dans tout l’Hexagone, où la mobilisation sociale sur ce sujet ne dépasse jamais les 4.000 personnes. C’est donc avec cette assise large à Bayonne que ce Batera du logement entend faire du Pays Basque rien moins qu’un territoire d’expérimentation, permettant notamment d’installer des mécanismes d’encadrement des prix de ventes et des loyers ou d’imposer des clauses anti-spéculatives.
Avec cette assise large à Bayonne,
ce Batera du logement entend faire du Pays Basque
rien moins qu’un territoire d’expérimentation,
permettant d’installer des mécanismes
d’encadrement des prix
ou d’imposer des clauses anti-spéculatives.
Et de mettre en place “un véritable observatoire permanent, indépendant et paritaire rassemblant tous les acteurs du logement sur le territoire”. Cette démarche, visant bien sûr à réguler le marché, s’accompagne d’autres impératifs, notamment la maîtrise publique ou collective du foncier qui permet d’empêcher la spéculation. Dans les mesures immédiates à mettre en place, il s’agit de sanctuariser le foncier agricole et de généraliser le Bail réel solidaire (BRS). Contre les résidences secondaires, qui constituent au Pays Basque nord plus d’un logement sur cinq, il est demandé de majorer la taxe d’habitation, ainsi que les droits de mutation lorsqu’une vente transforme un bien habité en résidence secondaire.
Concernant la location, les axes prioritaires concernent l’augmentation des hébergements d’urgence ou d’insertion, un développement conséquent du logement social et un plafonnement des loyers, expérimentation déjà mise en œuvre dans plusieurs grandes villes françaises mais pour l’instant impossible au Pays Basque.
Enfin, ce chantier doit être mené dans la perspective des urgences écologiques, notamment pour densifier les villes et réhabiliter les logements existants.
Un front commun qui ouvre plusieurs chantiers simultanément et dans l’esprit de Batera, mise sur le travail collectif pour parvenir à son objectif ultime et balayer en tout cas le fatalisme communément érigé en loi du marché.
Les cinq axes de revendications de la manifestation
La régulation du marché immobilier et foncier pour empêcher sa fameuse main invisible de pousser la population locale à l’exil. Les maisons et appartements doivent avant tout être des logements, et non des objets spéculatifs. (par exemple, priorité doit être donnée aux locations à l’année plutôt qu’aux meublés touristiques permanents de type AirBnb)
Le droit d’avoir un logement passe avant celui d’en avoir deux (avec par exemple la limitation du nombre de résidences secondaires et des mesures fiscales dissuasives)
La compatibilité avec les urgences écologiques et climatiques, et la poursuite d’objectifs zéro artificialisation nette et de souveraineté alimentaire (par exemple densifier l’habitat, construire de la ville sur de la ville, réhabiliter et rendre habitable à l’année les logements vacants et les résidences secondaires…)
La maîtrise publique ou collective du foncier et du logement (par exemple en renforçant les politiques communales et intercommunales d’acquisition foncière, en sanctuarisant le foncier agricole, et en systématisant les mécanismes de type BRS (Bail Réel Solidaire) empêchant les logements en accession sociale à la propriété de tomber dans le marché spéculatif)
L’application réelle du droit à un logement digne et abordable pour toutes et tous (avec par exemple l’encadrement renforcé des loyers, une forte augmentation de la production de logement social, et notamment du logement très social, et la création d’un nombre suffisant de places d’hébergement d’urgence)