Reprendre les bases (2)

GlobalWarning

Les réponses à la pandémie dans la plupart des Etats occidentaux révèlent à quel point la perte du sens de l’interdépendance, alliée à la verticalité des injonctions, amènent à une déresponsabilisation générale dont les plus faibles paient le prix. De quoi en tirer quelques enseignements pour tout ce que nous avons à construire.

Suite à l’article du mois dernier sur la réponse globale à la pandémie, intéressons-nous à ce qui détermine l’inaction ou l’action face aux risques systémiques. Sachons tirer le meilleur parti du consensus scientifique et nous organiser depuis la base.

Les sources de l’inaction

On peut esquisser deux grands parallèles dans les obstacles auxquels ont fait face la prévention de la propagation d’un virus pandémique et la prévention du changement climatique:

– les rêves de technique qui va nous sauver la mise sans que nous ayons à changer d’un millimètre des modes de vie et de production non soutenables : pulvériser du soufre en haute atmosphère pour réfléchir vers l’espace le rayonnement solaire, stocker le CO2 dans la roche, construire tant et plus de centrales nucléaires ; faire reposer toute la réponse à la pandémie sur des vaccins (dont aucun pour l’instant ne donne d’immunité durable ni stérilisante) ou sur tel nouvel antiviral (qui comme les vaccins n’ira pas en priorité aux plus pauvres). Ces approches qui ne remettent pas en cause les inégalités actuelles participent de la sécession des riches.

– les paralogismes et sophismes “rassuristes” : on a connu Claude Allègre, Vincent Courtillot, feu Jacques Duran, Bjørn Lomborg et autres qui se sont évertués, à l’aide d’analyses trompeuses ou de données falsifiées, à minimiser l’ampleur voire nier l’existence même du changement climatique. Pour se donner à peu de frais une image de contrarien iconoclaste et vendre des livres, ou pour faire avancer l’agenda des lobbys des énergies fossiles, les implications concrètes de leurs discours étant qu’il n’y aurait aucune raison d’ordre climatique de modifier notre mode de production et nos modes de vie. Et, pour mieux asseoir leurs sophismes, prétendre que la raison était de leur côté, et que ceux (le GIEC et les militants climat) qui lancent l’alerte sur l’ampleur du danger étaient mûs par la peur, la déraison et le désir de restreindre les libertés. On n’entend plus aujourd’hui ces “rassuristes” climatiques (l’évolution du climat a eu malheureusement assez d’occasions de leur donner tort), mais ils ont énormément freiné la prise de conscience du danger et la mise en place d’actions sérieuses pour y faire face.

Sans surprise, depuis la pandémie, nous avons eu droit à la transposition de ces mêmes discours dans le domaine de la santé publique, avec les mêmes lobbys des énergies fossiles finançant les think-tanks qui prônent l’inaction.

Leviers d’action

Si le discours de l’inaction, ou celui de la foi absolue en la technique (qui d’une autre façon justifie également l’inaction) a gagné autant de terrain, c’est en grande partie faute de pouvoir imaginer des alternatives concrètes qui puissent être l’objet d’une prise en main collective par la base.

Une des raisons est un manque d’information générale sur les risques systémiques et les phénomènes multiplicatifs, que nos amatxi qui ont grandi dans un monde beaucoup moins sécure que le nôtre prenaient au sérieux et dont elles avaient une compréhension instinctive. Mais la raison majeure est à chercher du côté de la perte générale de lien : le monde de l’hyperconnexion est aussi celui de l’atomisation, de l’affaiblissement des réseaux de solidarité, laissant un grand vide qu’occupent les injonctions venues d’en haut.

C’est ainsi que les mesures visant à freiner les contagions ne se sont pas nommées préventions mais restrictions. Il y a énormément de choses en jeu dans l’usage de l’un ou l’autre terme, qui, répété dans les médias pendant plusieurs mois, affecte dans un sens ou dans l’autre la perception de la crise et la capacité collective à agir sur les événements.

Dans un monde de restrictions, une instance, située au-dessus de nous, nous ordonne de faire ou de ne plus faire, individuellement, tel ou tel geste et activité, sous peine de contravention ou de privation d’accès à tel lieu.

Avec un calendrier et des explications souvent confuses, parfois non-justifiées scientifiquement (le masque en extérieur), tandis que d’autres d’importance majeure (la ventilation), sont trop peu mises en avant. Chaque erreur commise dans la mise en place des restrictions alimente la déresponsabilisation et les sophismes de l’inaction.

À l’opposé, dans un monde de prévention solidaire, l’interdépendance est palpable, nous ne dédaignons aucune catégorie de personnes (précaires, âgés, “à risque”…), des liens se retissent à partir du sentiment de responsabilité vis-à-vis d’autrui, nous comprenons que prendre soin d’autrui est indirectement prendre soin de soi-même, et nous sommes en mesure de tirer le meilleur parti du consensus scientifique pour mettre en pratique, de façon collectivement autogérée, ce qui à la fois prévient le risque et évite de l’augmenter.

Enjeu global

Si cette pandémie est un événement majeur de notre époque, outre du fait de son lourd bilan en vies humaines (perdues ou durablement abîmées), c’est parce que la réponse apportée à ce problème systémique est un indicateur de notre capacité globale à répondre à des problèmes d’une ampleur et d’une complexité supérieures, comme le changement climatique.

Ajouter un problème supplémentaire à ceux auxquels nous devions déjà faire face – et réduire ce faisant notre capacité à y faire face –, ou bien faire en sorte que la résolution d’un problème global développe en nous les qualités nécessaires à la résolution de problèmes globaux d’une plus grande complexité.

C’est cela qui est en jeu aujourd’hui. 

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4 réflexions sur « Reprendre les bases (2) »

  1. Voila encore une fois un discours pessimiste de cette génération écologiste , anti-progrès , antimondialiste , anticapitaliste et bien sur anti OTAN ( responsable d’avoir pousser le pauvre Poutine a se défendre face a l’impérialisme américains . Un monde ou les Kadyrov ou le fameux Arkan , le tigre des Balkans ne sont plus des seigneurs de guerre mais des victimes des USA .) .
    Un discours dans lequel le monde est dominé par des hommes sans visage , en costume cravate , au dernier étages d’une tours de verre de New York .
    Mais tu peux encore aider la planéte en plantant 1 millions d’arbres en Pays Basque avec les bonnes volontés des 800 militants de Bizi . Les Syndicat de vallée de Soule , Cize et Baigorri dispose de dizaine de milliers d’hectares de fougére parfois en forte pente et non exploiter .
    Et oui le progrès technique vas sauver la planéte . Le projet Eole Water permettra par exemple de rendre cultivable des millions d’hectares de terres semi désertique a travers le monde .
    L’exploitation minières de la lune permettra de rapporter sur la terre de l’Hélium 3 . Un carburant non radioactif qui vas remplacer l’Uranium des centrales nucléaires mais aussi ouvrir la voie a la construction de vaisseaux spatiaux a propulsions nucléaire . Voila l’avenir . Et le Pays Basque vas y participer !!

  2. Voilà un sacré empilement de procès d’intention sortis de nulle part et d’élucubrations hors sujet, je me demande si vous avez vraiment lu ce que j’écris.
    Je vais quand même partir du principe que vous êtes de bonne foi et répondre à ce que vous mettez en avant (du moins à ceux de vos propos qui sont en lien avec ce dont je parle ici):

    – le progrès: mon propos est que nous avons tout intérêt à tirer parti du consensus scientifique pour faire en sorte que nos modes de vie et de production soient soutenables c’est-à-dire vivables dans le présent sans hypothéquer le futur. Faire cela serait un énorme progrès par rapport au fonctionnement actuel qui génère tant et plus d’externalités negatives balayées sous le tapis. Progrès aux deux sens du terme : amélioration par rapport à une situation précédente, et amélioration du sort des plus défavorisés. Le progrès se base sur la science, la science se base sur le doute et le réalisme. Faire confiance, pour résoudre les problèmes actuels de l’humanité, à des techniques dont on ne connaît pas la faisabilité, ni les délais dans lesquels elles pourront être opérationnelles, ni l’ordre de grandeur de ce qu’elles pourront fournir, ni surtout leurs externalités négatives, cela n’est pas du progrès, c’est de la pensée magique ou du fétichisme.
    L’extractivisme est tout sauf soutenable. Extraire les ressources fossiles jusqu’à les épuiser l’une après l’autre, et une fois vidé tout ce qu’il y a sur terre continuer dans l’espace: ça se passe de commentaire. Il est temps de descendre de la Lune et de remettre les pieds sur terre. Nous avons besoin de progrès, pas de lubies.

    – la globalisation (ça s’écarte du sujet mais je vous réponds quand même): ses impasses nous sautent aux yeux aujourd’hui où une grande puissance extractiviste et exportatrice agricole (qui plus est la plus grosse rétrotopie du monde) a lancé une guerre impérialiste sur une nation voisine également exportatrice agricole. Des centaines de millions d’humains directement menacés de famine. De moindre gravité mais significatif: Shenzen confinée, des millions d’équipements électroniques en panne sur toute la planète faute de pièces de rechange. En 2021 c’était la sécheresse à Taïwan qui a réduit la production de puces électroniques (dont la moitié au niveau mondial est produite sur cette île), production qui demande énormément d’eau. La globalisation c’est de l’optimisation en flux tendu qui crée des dépendances énormes et des grandes fragilités, dont les plus pauvres – toujours les mêmes – paient le prix du moindre accroc au scénario du meilleur des mondes.

    – optimisme/pessimisme: donner des gages d’optimisme pour prouver son acceptabilité, on n’a de temps à perdre avec ça. La situation actuelle est claire, ce qui est à faire l’est aussi. Il est déjà tard pour maintenir le réchauffement en dessous de 1.5°C, nous ne savons pas si nous pouvons espérer stabiliser le climat avant un trop grand nombre de seuils d’emballement, mais espoir ou pas, nous n’avons pas d’autre choix que de tout faire pour. Il n’y a plus à tergiverser.

    1. Il est vrai que je cogne un peu fort sur le anti OTAN ( hors je pense que tu sais faire la différence entre pays démocratique et dictature ) . Mais depuis 20 jours , on a tous constater a qu’elle point la propagande de Poutine depuis une quinzaine d’année , a infiltrer l’esprit faible de certain abertzale .

      Mais pour le pessimisme , je conserve mes propos . Les gens n’ont pas besoins de savoir qu’ils vont mourir dans 50 ans . La vie est assez dure comme sa , alors en plus rajouter Greta Thunberg , qui pleure devant les caméras a un effet contre productifs .

  3. Je suis d’accord avec bon nombre d’éléments de ton analyse,
    Et beaucoup de ces éléments sur la gestion de la crise c’était ce que l’on dénonçait au sein du mouvement anti passe !
    Ce qui a été incroyable pour moi, jusqu’en janvier dernier, c’est que la plupart des critiques sur la gestion de la crise que tu fais maintenant, nous les faisions et elles étaient reprises dans les médias et associées systématiquement au package : antivax, complotiste et personnes œuvrant pour la désinformation ; ce raccourci, on peut le comprendre assez facilement vu le système actuel médiatique, par contre que je ressente cela au sein même de mon propre mouvement militant a été source de colère et je pense de bien de clivages qui nous ont peut-être affaiblit.
    Bien sûr, dans ce mouvement anti passe, il y avait une partie de personnes contre tous les vaccins (la généralisation « antivax » et contre la concentration des moyens sur ce vaccin ARN pour le moment est très répandue), convaincues d’un complot… mais tout mettre dans le même paquet de la part des « journalistes checknews, décodeurs… » ne laissait pas s’exprimer dans les médias mainstream pendant cette période la plupart des éléments que tu apportes maintenant. Le contraire d’une info libre et indépendante ! mais nous le savons c’est le problème de l’indépendance des médias général.
    Pourquoi alors ce froid, voire cette colère que j’ai resentie pendant ces mois de la part des personnes de mon mouvement altermondialiste, écologiste, féministe… ? Sans doute car nous n’avons pas su nous écouter.
    Oui il y avait des personnes adeptes de la théorie du complot dans les manifs anti passe,
    Mais toutes n’étaient pas complotistes
    Oui il y avait des personnes sans doute aux idées racistes… mais toustes ne l’étaient pas.
    Et non ce mouvement n’a pas rien construit, des collectifs se sont constitués ici comme Ez Pass de liberté, des groupes locaux, des caisses de soutien pour les soignants…
    Au lieu de cela dans mon propre mouvement j’ai ressenti ce froid, j’ai ressenti des critiques comme quoi en refusant ce vaccin qui d’ailleurs n’est pas devenu obligatoire nous n’étions pas rationnel.les.
    Or le bénéfice risque pour les plus jeunes n’était pas clair.
    Oui à la solidarité bien sûr avec toustes et les personnes les plus fragiles. Les premières, avec les plus agés, les malades, les personnes qui galèrent pour s’en sortir… sont les enfants car tout simplement en développement. Etre aussi léger sur leur intérêt (voir les avis du conseil national d’éthique) de la part du gouvernement reflète le peu de cas qu’on fait aux générations futures. Ne pas dire cela au sein de notre mouvement parce que peut-être (ou pour d’autres raisons que j’ignore) on a peur d’être classé covido-sceptique, rassuriste, complotiste, me pose problème éthiquement, stratégiquement.
    Faire le lien entre covidoseceptiques et climatosceptiques, pourquoi pas, même si je ne sais pas si cela est forcément utile ; mais par contre comparer un consensus scientifique de 30 ans à une crise sanitaire pour le moment de 2 ans pour moi n’est pas exact. Même si effectivement le mouvement climat a galéré et galère face à une véritable stratégie de désinformation mondiale. Le consensus scientifique était là, en ce qui concerne la sortie des vaccins ARN, il n’y avait pas 30 ans de consensus scientifique.
    Il y a des choses à creuser sur l’information/la désinformation et la gestion actuelle de ces thèmes dans les médias.
    Pourquoi ne sommes-nous pas parvenus à s’écouter, se comprendre et avancer stratégiquement y compris pendant ces mois ? Certes il y a eu un débat en novembre et qui n’a pas été constructif plus que cela. ça aurait pu être un premier pas vers quelque chose.
    L’idée que tu as de se projeter sur que ferions-nous une prochaine fois prend tout son sens vu les clivages est top, commençons maintenant ! Selon moi nous devons renforcer notre cœur de mouvement, notre vision sur le fait que nous voulons construire ensemble cette alternative, et que la priorité est d’écouter les conflits, les désaccords.
    Soyons heureux de nos désaccords, de nos idées différentes, construisons ce qui nous unit et nous verrons que ce qui nous éloigne peut ne plus être contre-productif mais utile dans notre réflexion stratégique.
    Notamment aborder les mouvements sociaux dans une posture plus équilibrée que risquer d’être dans une posture de jugement d’un mouvement social. Cela est très difficile seul car nous avons nos convictions et aussi nos biais cognitifs. Alors le collectif prend tout son sens.
    Notre responsabilité est de préfiguré le vivre ensemble que nous souhaitons construire, car selon moi, c’est dans l’intelligence collective que nous dépasserons la complexité des problèmes.

    A bientôt peut-être !

    (je reste anonyme publiquement mais suis tout à fait prête à discuter plus directement)

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