Peu enclins à regarder vers l’Europe, les abertzale semblent peu à peu en attendre la résolution de leurs blocages. L’arrêt définitif des actions armées proclamé par ETA le 20 octobre 2011 n’a pas fait bouger d’un iota la position inflexible des gouvernements espagnol et français. Le rapprochement des preso, encore moins leur libération, bien qu’au cœur des multiples manifestations de la société civile, n’a pas connu la moindre avancée. Tout comme la médiation du groupe international de contact conduit par Kofi Annan, Gery Adams et Pierre Joxe, promoteurs de la conférence d’Aiete d’octobre 2011, n’a en rien ébranlé l’immobilisme de Madrid. Le processus de paix amorcé par l’invitation à négocier de la Norvège fin 2011 au chef historique d’ETA, Josu Ternera, a tourné court par son expulsion en février dernier devant la stérilité d’un dialogue qui ne s’enclenche pas.
Rien, même le cessez-le-feu définitif d’ETA et l’asile pour le dialogue d’un pays neutre, ne parvient à infléchir la détermination du Parti populaire au pouvoir en Espagne. Rien, seule l’Europe crée une opportunité puisque la Cour européenne des droits de l’homme peut d’ici quelques semaines casser, en appel, la trop fameuse doctrine Parot et permettre ainsi la libération immédiate d’une cinquantaine de preso.
L’Europe, apparemment si lointaine et si souvent brocardée, est l’instance de recours qui nous extrait, pour partie, de notre enfermement dans les Etas-nations. Ce cheminement-là fut ouvert solennellement le 25 octobre 2006 où, par 321 voix favorables contre 311 et 24 abstentions, le Parlement de Strasbourg a apporté son soutien au processus de paix en Pays Basque. Or, présentement, ce processus butte sur le sort des preso que l’arrêt des armes unilatéral et non négocié d’ETA a laissé à la mobilisation pacifique du peuple abertzale. Alors qu’il nous faut libérer plus de 600 prisonniers, ETA, toujours pourchassé, envoie depuis Aiete 37 de ses membres allonger la liste des embastillés. Brisons ce cercle infernal. Le meeting du 15 juin à la Halle d’Iraty de Biarritz pourrait être l’heureux point d’orgue de l’arrêt de la Cour européenne et de la dissolution d’ETA.
L’acte III de la décentralisation devient un exercice d’aménagement du territoire. Nous avons dit ici que le statut spécifique prévu pour la métropole de Lyon pourrait être la formule adaptée à notre institution Pays Basque. Samedi 1er juin, nous étions des milliers dans les rues de Bayonne à demander la reconnaissance institutionnelle d’Iparralde. Chacun, voyant bien la difficulté à y parvenir, rajuste sa vision maximaliste à la réalité. L’ensemble du monde abertzale a ravalé sa propre formule pour soutenir le projet qui fait consensus, élaboré par plusieurs années de travail en commun au Conseil de développement et des élus: la collectivité territoriale à statut particulier.
Ainsi, le collectif Autonomia eraiki par son colloque à l’IUT de Bayonne le 18 mai, a enrichi la démarche en élargissant son spectre à la construction européenne. Trois eurodéputés —Alain Lamassoure (UMP), François Alfonsi (Corse), Isaskun Bilbao (PNV)— y étaient convoqués.
Samedi matin 1er juin, Abertzaleen batasuna en assemblée générale a réfléchi à son positionnement aux élections européennes de 2014.
Les abertzale ne peuvent plus désormais aborder l’Europe comme une simple échéance électorale relevant plus de la posture que de la conviction. Certes la circonscription électorale —pour nous les deux régions Aquitaine et Midi-Pyrénées réunies— laisse peu de marge de manœuvre pour y mesurer notre poids politique. Mais ce scrutin prend réellement pour la première fois une dimension extra-étatique par l’élection au Parlement de Strasbourg du président de la Commission européenne.
En effet, en application du Traité de Lisbonne, c’est le suffrage universel des 500 millions d’européens qui désignera le chef de l’exécutif de l’Union qui sera responsable devant le parlement. Ainsi, chaque famille politique aura pour ces élections de 2014 son propre candidat transnational, de Bilbao à Varsovie, à la présidence du Conseil de l’Europe. Exit les prétendus irresponsables eurocrates de Bruxelles.
Le bulletin de vote abertzale changera donc de nature. Il élira toujours ses eurodéputés mais il aura surtout la vertu de concourir à la désignation du président de l’exécutif européen, quelle que soit la position des chefs d’Etat et gouvernements des 27. C’est l’occasion de parvenir à la prise en compte de deux ou trois de nos revendications abertzale majeures par les candidats potentiels à la présidence de la Commission.
En pleine crise, l’Europe devient de plus en plus prégnante.
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