Qui mieux que les Basques peuvent refuser l’abaissement d’une langue maternelle par l’instillation d’expressions étrangères ? En expert, Jean Haritschelhar défend le bon usage du français.
En cet an de grâce 2013, le néologisme anglais “bashing” est tout à fait à la mode. Le “Hollande bashing”est l’idéal de la droite et devient la feuille de route de la “manif pour tous”. Même le “Bercy bashing” relève du vocabulaire commun au moment même où il est question de remaniement ministériel, même si le président de la République le déclare “pas pour maintenant”.
Donc, un néologisme de plus en provenance de l’anglais pour lequel je ne fais aucun complexe d’infériorité qui serait dû à sa méconnaissance, m’étant fort bien débrouillé aux Etats-Unis avec le basque, l’espagnol et le français. Toutefois, ma curiosité naturelle m’a poussé à en découvrir le sens et j’ai pu lire très récemment que ce “néologisme qui puise ses racines dans le verbe anglais “to bash”(cogner) accolé au nom de la victime que l’on souhaite discréditer, le “bashing” peut se traduire par “dénigrement”.
Fatigué de lire ou d’entendre à foison des néologismes issus de l’anglais, j’ai donc intitulé cette chronique “dénigrement” pour m’exprimer en bon français, ou encore “gaitzesten” s’il était écrit en basque. Donc, point de “bashing”!
Le dénigrement est la base même de la politique politicienne, singulièrement utilisé par les oppositions, qu’elles soient de droite ou de gauche selon les résultats des diverses élections. On ne fait pas dans la nuance, on cogne, on veut avoir verbalement le dessus, triompher, mettre l’adversaire à terre. Toute initiative prise par les hommes au pouvoir ne peut être que néfaste pour ceux qui sont dans l’opposition et l’on se plait à pousser “le bon coup de gueule». En un mot, le “bashing” ou encore le “dénigrement” marque l’absence ou le renoncement à la démocratie.
Nous, Basques, nous connaissons
et subissons le dénigrement.
En premier lieu, celui de la langue.
L’école en a été le vecteur essentiel
pendant des décennies.
Nous, Basques, nous connaissons et subissons le dénigrement. En premier lieu, celui de la langue. L’école en a été le vecteur essentiel pendant des décennies. En effet, elle assurait la prédominance du français, langue noble de l’enseignement et, très souvent, l’euskara, la langue maternelle, était stigmatisée comme néfaste à la bonne connaissance du français et le meilleur moyen de bien apprendre la langue officielle était de se débarrasser de l’autre, celle de la famille et, souvent, celle de la communauté villageoise. Le bilinguisme était considéré comme un obstacle à l’acquisition du français selon les directives officielles.
Le dénigrement était (et est dans une certaine mesure) social, en particulier en ville. Le contact des langues, l’inégalité sociale symbolisée par les bourgeois bascophones qui utilisaient l’euskara avec les gens à leur service, mais ne le transmettaient pas à leurs enfants, correspond à l’histoire à la fois linguistique et sociologique du Pays-Basque.
Le dénigrement est toujours politique et, pratiquement depuis deux siècles, la revendication d’un département Pays-Basque, puis, plus récemment, d’une collectivité territoriale, est refusée par les divers gouvernements de droite comme de gauche en brandissant le spectre du terrorisme et celui du séparatisme.
Il est désormais révolu le temps du dénigrement et celui du mépris. Les Basques relèvent la tête et réaffirment leurs revendications, celle d’une langue officielle à l’instar de sa reconnaissance dans la constitution espagnole et dans le statut d’autonomie basque et, plus que jamais, celle d’une collectivité territoriale regroupant les trois provinces historiques du Labourd, de la Basse-Navarre et de la Soule. Que tous ceux qui clament que la France est éternelle sachent que le Pays-Basque ne l’est pas moins.