Le recyclage a mis à bas le système de consigne pourtant plus performant en termes d’empreinte écologique, d’emploi, de coût pour les contribuables.
Depuis janvier 2023, en Iparrralde, plus besoin de faire une analyse produit avant de jeter un emballage. Pot de yaourt : paf ! poubelle jaune, film plastique : zou ! poubelle jaune ! paquet de chips : oust ! poubelle jaune ! Ça c’est chouette ! Parce qu’il faut bien dire que le tri des déchets, ça a pu parfois être une mission de spécialistes… On doit évidemment se réjouir de cet élargissement du type d’emballages triés (rendue obligatoire par la loi) qui devrait logiquement entraîner une augmentation du recyclage. Mais il faut quand même rappeler que le recyclage, c’est le petit drapeau vert que l’on plante au sommet de la montagne de déchets résultant d’une culture de l’hyper-consommation et du profit.
Une article fort instructif du Monde Diplomatique(1) explique comment, dans la 2° moitié du 20° siècle, l’industrie passe des systèmes de consignes aux contenants jetables. Cela lui permet de supprimer les coûts de collecte et de reconditionnement, d’éliminer les intermédiaires locaux, de concentrer la production et d’élargir l’aire de diffusion des produits. Aux États-Unis, quelques États essayent alors de légiférer en faveur de la consigne (somme payée par le consommateur au moment de son achat restituée quand l’emballage est rapportée au point de collecte). En réaction, les lobbys industriels investissent dans des campagnes pour promouvoir le recyclage comme la solution face aux projets de consigne obligatoire et d’interdiction des contenants jetables. Présentée comme la panacée en terme de citoyenneté écologique, le recyclage devient un merveilleux écran de fumée masquant l’énorme recul que représente l’abandon du réemploi. Les industriels en sortent gagnants sur tous les tableaux : augmentation de leurs profits et report de la responsabilité et des coûts sur les individus et les collectivités : développement des collectes de déchets et des infrastructures pour les gérer pour les unes, culpabilisation et augmentation des impôts pour les autres. La liste des impacts délétères de la prolifération des déchets liés aux emballages sur l’environnement, la santé et le bien être des populations est sans fin…
Dans l’Hexagone, cette disparition progressive de la la consigne s’est faite dans les années 80 (2). Aujourd’hui, un peu moins de 10% des bouteilles en verre mises sur le marché en France sont réemployées…
Or, trier les emballages en vue du recyclage, c’est bien, les réutiliser, c’est nettement mieux.
Les différences en termes écologique entre le réemploi des contenants et le processus consistant à recycler les matériaux pour en fabriquer de nouveaux sont énormes.
Par exemple, d’après le site Réseau Consignes(3), les bouteilles en verre réemployables génèrent 85% d’émissions de GES en moins que leurs équivalents à usage unique. Réemployer les emballages permet également d’éviter l’extraction de nouvelles ressources et de promouvoir les productions locales et la consommation en circuit court.
Réemployer les emballages
permet également d’éviter l’extraction de nouvelles ressources
et de promouvoir les productions locales
et la consommation en circuit court.
Si cette question de la réduction de la production de déchets à la source commence à faire son chemin dans les consciences, dans la loi et dans les communications officielles, il y a encore du travail pour passer du stade des injonctions culpabilisantes à de vraies avancées. Car même quand des lois sont votées, elles ont du mal à être appliquées.
Des acteurs commencent à émerger pour reconstituer les filières de consignes, comme « Les Retournées(4)», une structure implantée en Pays Basque, Béarn et Sud des Landes. Mais leur développement est lent, les freins sont puissants. Il faut bien sûr recréer les filières permettant de collecter, nettoyer et redistribuer les contenants. Mais dans l’agro-alimentaire, le principal obstacle au développement de la consigne est lié au marketing et au packaging. Un système de consigne est d’autant plus efficace qu’il y a une standardisation des contenants. Or « Qu’importe le flacon pourvu qu’on ai l’ivresse » est devenu « qu’importe le contenu si le flacon parle d’ivresse ». Chaque producteur veut sa bouteille spécifique et parfois, plus le vin est médiocre, plus l’étiquette se charge en dorures difficiles à nettoyer…
Malgré tout, pour les professionnels, les facteurs de motivation de passage au réemploi se multiplient : législatifs avec le vote en 2020 de la loi Anti-gaspillage et économie circulaire (dite loi AGEC), économiques, dans un contexte d’augmentation forte des coûts de l’usage unique et de ruptures d’approvisionnement, et pour certains écologiques avec la volonté d’atténuer l’empreinte carbone de leurs activités.
Les collectivités ont ici encore d’importants leviers d’action entre leurs mains. Ainsi, les contenants jetables sont maintenant interdits dans la restauration collective. Cela a un impact important dans les cantines et sur les services de portage de repas à domicile. Cela exige que cet élément soit systématiquement intégré dans les appels d’offre afin de pouvoir être effectivement mis en place.
Pour les particuliers que nous sommes, à nous de choisir les commerçants qui proposent des contenants réutilisables pour acheter notre steak ou notre taboulé. A nous d’inciter par nos achats les producteurs à s’inscrire dans les systèmes de consignes qui sont amenés à se développer quand nous choisissons nos yaourts, nos sauces tomates ou nos bières.
La construction d’un territoire souverain, soutenable et solidaire passe aussi par le développement de la consigne et je rêve du jour où je n’aurais plus de poubelle jaune…
(1) « Eh bien, recyclez maintenant ! » / Grégoire Chamayou / Le Monde diplomatique /Février 2019
(2) Excepté dans le circuit des Cafés-Hôtels-Restaurants où 30% à 40% des boissons sont encore consignées et en Alsace où la consigne pour réemploi sur les bouteilles en verre a perduré
(3) https://www.reseauconsigne.com/ressources/le-reemploi-des-emballages/
(4) http://www.lesretournees.fr/