Chronique artisanale sur l’intelligence artificielle

IA

En être ou ne pas en être ? La révolution de l’intelligence artificielle annonce constitue également une régression sociale.

Depuis son lancement le 30 novembre 2022, le logiciel conversationnel en ligne ChatGPT a connu un fort engouement auprès du grand public créant régulièrement une surcharge de ses serveurs. En plus de tenir une conversation fluide avec l’utilisateur, cette intelligence artificielle (IA) peut aussi générer du contenu écrit très divers en suivant les indications qu’on lui donne : allant d’une lettre de motivation à un poème dans le style de Baudelaire, en passant par des lignes de code informatique, un plan détaillé de dissertation, un discours politique, ou bien une chronique sur les conséquences sociétales de la disruption technologique. Petit dernier de l’entreprise OpenAi fondée par E. Musk et d’autres messies de la Silicon Valley, ChatGPT a rejoint l’arsenal des IA capables de générer des illustrations, des morceaux de musiques, des modélisations 3D ou des films. Si ce programme informatique fascine autant qu’il sème le trouble, c’est parce que le grand public touche du doigt des fonctionnalités sorties des films de science-fiction, mais surtout commence à appréhender les bouleversements qui arrivent à toute vitesse.

L’ère de l’assistance et l’errance des assistés

Sur son site, OpenAI annonce l’avènement de l’ère de l’assistance où les IA ont pour mission d’autonomiser les travailleurs et de les aider à les rendre plus productifs. C’est à se demander si ce n’est pas ironique. C’est justement à force de déléguer des tâches à des programmes sous la pression de la compétitivité, que les travailleurs courent davantage le risque de perdre leur autonomie en même temps qu’ils gagnent en précarité. Si on suit cette logique, ils termineront sûrement à simplement opérer des retouches, des corrections à la marge, du produit final —tant que le programme ne parvient pas à le faire mieux. Ce morcellement du processus créatif par ces machines numériques réactualise la conception marxiste d’aliénation, mais contrairement aux révolutions industrielles, ce sont, cette fois, les métiers à valeurs intellectuelles et créatives que les IA seront en mesure de suppléer demain. Cette aliénation des travailleurs qui se traduit par une perte de sens, alliée à la pression de productivité, est le meilleur moyen d’augmenter les cas de burn-out qui atteignent déjà des chiffres records. D’après le baromètre d’Empreinte Humaine, l’an dernier ils étaient 2,5 millions de salariés en détresse psychologique dans l’hexagone. Sans véritable projet de société cette révolution sera juste une accélération de la fuite en avant du système économique. Les gains de productivité permettront pour les entreprises et le service public, dans une logique de rentabilité, de faire leurs petites économies. Pourtant, une vraie redistribution des richesses, une réduction légale du temps de travail ou la mise en place du revenu minimum garanti doivent à minima être le corollaire d’une telle évolution technologique.

Contrairement aux révolutions industrielles,
ce sont, cette fois, les métiers à valeurs intellectuelles et créatives
que les IA seront en mesure de suppléer demain.

Un débat politique hacké

Encore plus préoccupant, on assiste à un court-circuitage des débats philosophiques fondamentaux qu’impliquent de telles avancées scientifiques par les entreprises de développement des IA. Conscientes des enjeux de société, certaines de ces entreprises se dotent d’agences d’éthique et de réflexion mais ces discussions restent en interne. Les fuites d’informations sensibles sont interdites, sous peine de licenciement comme ce fut le cas en juillet dernier d’un ingénieur de Google qui avait alerté sur la sensibilité d’une IA qu’il développait. Dans le contexte écologique actuel, une nouvelle technologie qui contribue à augmenter la croissance économique est-elle raisonnable ? Sans parler du coût énergétique nécessaire au fonctionnement des serveurs d’une IA et à l’entraînement de son programme, de l’impact écologique de l’extraction de métaux rares pour les composantes électroniques, ou de la pollution électromagnétique dont on a du mal aujourd’hui à mesurer l’ampleur et les effets. A ces critiques s’ajoutent les risques d’augmentation du nombre de cyberattaques, de l’utilisation des données personnelles à des fins politiques ou commerciales, la manipulation des informations… Aujourd’hui on ne peut plus croire éperdument au mythe du progrès technologique alors que les deux grandes menaces de l’humanité, à savoir la crise écologique et la puissance nucléaire en sont des conséquences. Mais il paraît tout aussi illusoire de s’opposer à la dynamique de la modernité d’autant plus qu’étant maintenant virtuelle nous n’avons pas de prise à notre niveau local.

En être ou ne pas en être ?

Qu’on le veuille ou non, une révolution technologique est en cours à travers tout un tas d’actions quotidiennes que nous effectuons nous aussi. Nier en bloc cette réalité ou refuser tout débat et délibération, revient quand même à donner passivement son consentement au déploiement de ces technologies qui sont en train de bouleverser la société.

La souveraineté, concept clés du mouvement abertzale peut, peut-être, donner des pistes de solutions :

– D’une part en continuant à développer un écosystème socio-économique alternatif favorable aux futurs “artisans-journalistes”, illustrateurs, réalisateurs… dont la survie des compétences augmente d’autant notre résilience. Par exemple, à travers des outils comme l’eusko, ou la mise en place d’un revenu minimum garanti.

– Par ailleurs en se penchant et en travaillant sur la question de la souveraineté numérique et de la cybersécurité de notre réseau. Il se pourrait que cela nous ouvre des opportunités d’économie sociale et solidaire pour le territoire, un peu comme un nouveau mouvement des coopératives industrielles. Et enfin au niveau militant aussi, investir le champ d’internet paraît être une bonne piste de renouvellement des pratiques de désobéissance civile.

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2 réflexions sur « Chronique artisanale sur l’intelligence artificielle »

  1. Gai honi buruz Argian Jon Tornerren analisi hau ere interesgarria iduritu zait, eta zure ondorioekin bat egiten du: denborarik galdu gabe alternatibak eraiki behar dira, bertzela dena pribatizatuko digute.

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