L’angle mort des politiques du logement

BTZ

La loi française reste encore timorée pour juguler la crise du logement. La prolifération des résidences secondaires sur notre côte est pourtant l’un des excès qu’il convient de réguler.

Que ce soit fiscalement ou à travers les différents dispositifs en matière de logement, la loi française ne parvient pas à se saisir efficacement de la question de l’usage du logement et particulièrement des résidences secondaires.

Ce déni conduit à des aberrations contre-productives sur des territoires qui connaissent, comme au Pays Basque, une forte tension immobilière. C’est le cas par exemple de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, ou loi SRU qui concerne au Pays Basque 16 communes. Cette loi initialement votée en 2000, renforcée par la loi Duflot en 2013 et pérennisée au-delà de 2025 avec la loi 3DS, est pourtant l’un des dispositifs-clés de la politique du logement social.

Rappelons d’abord que le but louable de cette loi est d’assurer dans les communes de plus de 3500 habitants une part minimale de logement social ainsi qu’une mixité sociale. Les communes soumises à la loi doivent atteindre au moins 25 % de logement social, et celles déficitaires se voient fixer des objectifs sur trois ans par le préfet, qui font l’objet d’un bilan triennal. Si ces objectifs ne sont pas respectés, les communes se voient sanctionnées par des pénalités telles qu’une majoration de un à cinq du prélèvement annuel, un éventuel transfert du droit de préemption au préfet ou celui d’attribution de logements sociaux réservés.

Seulement voilà, la proportion de logement social de 25 % est calculée par rapport au nombre de résidences principales et non pas du parc existant dans son ensemble. Elle exclut de fait les résidences secondaires du comptage alors même que dans certaines communes SRU leur part tourne autour de 40 %.

Une efficacité anecdotique là où il y en a le plus besoin

Prenons l’exemple de la commune de Saint- Jean-de-Luz qui affiche au bilan triennal de 2020 une part raisonnable de 19,1 % de logement social, mais qui, rapporté au nombre total de logements, ne représente que 10,6 % (1). Pour les communes comme Hiriburu ou Baiona où le taux de résidences secondaires reste bas, le taux SRU en revanche reste similaire. Le fait de s’en tenir aux résidences principales pour le calcul est bien dommageable quand on sait que l’esprit de la loi SRU (mise en place à l’époque par le communiste Gayssot) est de viser une plus grande mixité sociale. Or, ce sont justement ces villes au taux de résidences secondaires le plus élevé, qui semblent réservées à la frange de la population la plus aisée où il faudrait appliquer une vraie mixité sociale.

Des effets pervers induits

Schématiquement, cela revient à dire que plus une commune voit sa part de résidences secondaires augmenter, moins elle doit produire de logement social. Car quel intérêt aurait une commune dès lors qu’elle est soumise à la loi SRU et ayant un fort taux de résidences secondaires, à essayer de réduire fortement la part de logement qui n’est pas de la résidence principale ? Avec un taux de logement social à 10,58 %, bien sanctionné par le préfet en 2020 à hauteur de 706 000 €, Biarritz n’a peut-être pas envie de voir une trop grosse partie de ses 42 % de résidences secondaires inonder la part de logement principal. Cette logique peut tout aussi bien toucher les communes qui se rapprochent des 3500 habitants et qui ne semblent pas trop pressées de se soumettre aux objectifs SRU. Comme à Arcangues où en 10 ans la commune a vu sa population augmenter de 65 Arrangoiztar alors que sur la même période 244 logements ont été construits.

La double peine pour les communes carencées

Il arrive que des communes carencées pourtant de bonne volonté, se fassent sanctionner pour n’avoir pas rempli leurs objectifs. D’abord le manque de réserves foncières, de foncier disponible et constructible ou encore les prix exorbitants de l’immobilier sont autant d’obstacles qui rendent les objectifs SRU irréalistes. S’ajoutent alors les sanctions des préfets qui, sans autre solution, ont pour conséquence de limiter encore plus le manque de moyens des communes pour faire face à la situation.

Taxer les résidences secondaires pour financer le logement social

Donner les moyens aux communes par la voie fiscale devient alors vite nécessaire. Il n’y a qu’à voir toutes les communes du littoral : même celles de droite les plus opposées se sont résolues à fixer la surtaxe d’habitation sur les résidences secondaires à 60 %, son taux plafond. Car les recettes perçues par les communes sont loin d’être négligeables. À Biarritz, le fait de passer la majoration à 60 % permettrait de récolter 1,8 million de recettes fiscales. Une source intéressante de financement des préemptions pour les opérations de logement social. C’est peut-être qu’elle nécessite un rehaussement ou sa majoration un déplafonnement ? Il serait plus que temps que les propriétaires de résidences secondaires prennent leur part des conséquences sociales de la tension immobilière que leur concentration engendre. Quitte à ce que la taxe, si elle devient réellement dissuasive, permette de libérer des logements pour les habitants à l’année. Au passage n’oublions pas non plus qu’avoir une résidence secondaire augmente l’empreinte carbone et — n’étant pas un modèle soutenable —, relève du privilège écologique.

Dans une zone à forte tension immobilière, ne pas se préoccuper de l’usage d’un logement revient à favoriser de nouvelles constructions pour répondre à la demande et donc, in fine, à artificialiser les sols.

Au cas où les responsables politiques arriveraient encore à l’ignorer, l’intérêt général, d’aujourd’hui et de demain, exige une régulation sérieuse des usages de la propriété privée. Parce que le droit d’avoir un logement doit vraiment passer avant celui d’en avoir deux.

Parce que oui, ça va, on vit bien sans résidences secondaires, mais par contre c’est tout de suite plus compliqué dans une voiture.

Et parce qu’on a le droit de vivre et de se loger au pays, soyons présent.es à Bayonne et mobilisé.es comme jamais samedi 1er Avril !

(1) basé sur le recensement INSEE pour l’année 2019.

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