Dans un contexte de reprise de la lutte armée par le FNLC et de l’émergence d’une nouvelle organisation militaire Ghjuventù Clandestina Corsa (GCC), le mouvement abertzale de gauche Corsica Libera se montre très critique à l’égard de la négociation en cours entre le ministre de l’Intérieur et le président du conseil exécutif de Corse Gilles Simeoni. Après les dernières élections territoriales, celui-ci dispose d’une majorité absolue à l’assemblée de Corse où le poids de Corsica Libera, hier partenaire, est aujourd’hui bien faible avec un seul élu. Ce parti pèse peu dans les évolutions en cours, d’où sans doute son option en faveur d’un durcissement. Voici le compte rendu que fait le site Corse Net info de la conférence de presse de Corsica Libera.
Le 21 mars dernier, un an jour pour jour après la mort d’Yvan Colonna, le FLNC revendiquait la paternité de 17 actions clandestines menées au cours des derniers mois. S’il n’avait pas encore pris la parole depuis lors, un peu plus d’une semaine plus tard, Corsica Libera tenait une conférence de presse le 29 mars devant la préfecture d’Ajaccio afin de réagir à cette communication et d’exprimer la position du mouvement sur l’actualité politique insulaire.
Soulignant tout d’abord que le parti n’a pas « pour principe ni pour habitude de commenter des faits d’actualité au cas par cas », Petru Antone Tomasi, porte-parole du mouvement, a rappelé que « lors de sa dernière assemblée générale, Corsica Libera a réitéré le principe d’une solidarité politique avec le FLNC, c’est-à-dire avec des Corses qui ont choisi un autre chemin de lutte que le nôtre, mais avec lesquels nous partageons une certaine idée de la Corse». «Cette solidarité s’applique aujourd’hui dans une situation où le conflit politique que connaît la Corse depuis plusieurs décennies n’a trouvé aucune issue et s’exprime de nouveau de manière active », a-t-il posé.
Arguant par ailleurs que «la situation d’impasse que connaît notre pays aujourd’hui ne peut satisfaire aucun Corse et certainement pas notre courant politique », le porte-parole de Corsica Libera constate « avec amertume, qu’elle n’est que la conséquence logique de choix politiques opérés à Paris, mais aussi en Corse ». En effet, selon le mouvement indépendantiste, Paris a d’un côté « choisi et assumé la stratégie du chaos alors que tous les voyants étaient au vert pour s’engager dans une solution politique historique suite à l’initiative de paix du FLNC et à l’expression claire de la démocratie corse qui avait permis l’accession au pouvoir d’une majorité nationaliste ». Mais le parti n’épargne pas non plus ses anciens alliés de l’actuelle majorité territoriale qui, selon lui, « n’offre aucune perspective politique, alors que celle-ci est entrée consciemment dans une démarche de connivence avec Paris en prenant la responsabilité de rompre une démarche d’unité nationale ». Pis, Corsica Libera déplore que la majorité ait avalisé les « différentes lignes rouges imposées par l’État français, dans le cadre d’une parodie de processus dont la Corse et son peuple sont de facto exclus».
De facto, Petru Antone Tomasi estime que désormais « tous les signaux sont ferments d’une légitime révolte ». Et d’énumérer : « La négation des droits d’un peuple à décider de son avenir, les dérives d’une spéculation immobilière et de l’argent roi qui frappent notre terre où tout est désormais à vendre et à acheter, l’accélération d’une colonisation de peuplement à laquelle aucun peuple d’Europe n’est confronté dans ces proportions, l’extinction programmée d’une langue venue du fond des âges, la constitution d’une société corse à deux vitesses où quelques grandes fortunes côtoient un peuple confronté à une précarité croissante ».
Face à cet acide constat, le parti considère ainsi que le « conflit politique comme celui que connaît la Corse » ne pourra être réglé « qu’en traitant les causes profondes de celui-ci ». « En ce sens, les élus corses, et notamment ceux qui se revendiquent de la lutte nationale, doivent signifier clairement au gouvernement français qu’il ne saurait y avoir de processus historique sans la prise en compte de l’existence d’un peuple et de son refus obstiné de disparaître. Cette condition est la garantie d’une avancée politique et d’une paix véritable », martèle Petru Antone Tomasi.
Dans ce droit fil, alors que l’Assemblée de Corse doit s’astreindre à émettre une position dans le cadre des discussions avec Paris sur l’avenir institutionnel de l’île dans les prochaines semaines, le mouvement indépendantiste a enfin souhaité affirmer à nouveau que son niveau d’exigence tient dans le projet de résolution en 10 points qu’il a porté au débat depuis l’été dernier. À travers cette proposition, Corsica Libera entend notamment demander la libération des prisonniers politiques, la reconnaissance des droits du peuple corse, la dévolution du pouvoir législatif, la coofficialité de la langue, la citoyenneté corse, le statut fiscal et social, la justice sociale, l’urgence écologique, le droit à la santé mais aussi l’abolition des fameuses « lignes rouges » par l’abrogation du protocole du 17 mars 2022. « Cette position, nous continuerons de la défendre devant les Corses et face à Paris », a conclu le porte-parole du mouvement indépendantiste.