Écrivain engagé et reconnu, fidèle compagnon de route des combats du peuple basque, Gilles Perrault nous a quittés cet été.
Gilles Perrault se voulait l’ami des Basques. Il disait avoir soutenu le combat indépendantiste jusqu’au bout. Installé en Basse Normandie, non loin d’Utah Beach (la plage du Débarquement),l’avocat devenu romancier a quitté ce monde à l’âge de 92 ans, le 3 août dernier.Il vivait à Sainte-Croix-du-Mont depuis une soixantaine d’années.
Sens de l’observation et d’analyse aigu,volontiers justicier, il ne mâchait pas ses mots, pas même dans la quiétude normande.L’homme s’était rendu célèbre voici plusieurs décennies, avec la publication de deux ouvrages qui marquèrent leur époque.Sans oublier ses combats menés contre le nazisme, et de façon très personnelle son implication au fil de la guerre d’Algérie où il se retrouva militaire. Chez les Paras. Il y trouva matière à l’un de ses premiers ouvrages,« Les parachutistes ».
Son véritable premier gros pavé dans la mare, parut en 1978. Intitulé « Le pull-over rouge », il y évoquait le parcours d’un jeune homme, Christian Ranucci, 22 ans, accusé du meurtre d’une fillette de 8 ans, appelée Maria Dolores. Condamné à mort, il mourut sur l’échafaud en 1976. Son exécution fut l’une des trois dernières ordonnées par la justice française dans une Europe qui elle aussi, allait renoncer à la peine de mort, à la fin des années 70.
Un second pavé
Reste que la France fut le dernier pays européen à s’extraire de cette funeste tradition,sous la présidence de François Mitterrand.On a peine à y croire un demi-siècle plus tard ! Contrairement aux juges, Gilles Perrault estimait que Christian Ranucci n’était pas ce coupable d’assassinat que les magistrats croyaient. Il défendit sa cause dans deux autres ouvrages inspirés par l’histoire de ce jeune homme au destin tragique, sans pour autant convaincre toute l’opinion.
Son autre gros pavé parut en 1990. « Mon ami le Roi » était, si l’on ose dire, dédié à Hassan II, monarque tout puissant du Maroc,dont il dénonça les méthodes dictatoriales qui pouvaient être cruelles, alors qu’il jouissait d’une véritable aura dans les chancelleries européennes. Mise à mal parles révélations de Gilles Perrault, à l’origine d’une énorme polémique, la controverse jugée scandaleuse par une partie de l’opinion publique, allait ébranler jusqu’aux relations France-Maroc alors plutôt au beau, et provoquer une affaire d’Etat…
Défenseur de la lutte armée
C’est au Pays Basque où il se rendit à plusieurs reprises durant ce que l’on pourrait appeler les années de plomb, qu’il se fit des amis. Il y défendit la lutte armée avec la conviction forte, on dirait même inébranlable,qu’elle était légitime dans un pays comme l’Espagne sous l’oppression franquiste et ses séquelles dont les répercussions étaient palpables en Pays Basque nord. Il y avait d’ailleurs eu un premier contact à l’époque du service militaire où il fut affecté à Bayonne.
C’est en effet, à La Citadelle que Gilles Perrault avait découvert la spécificité de ce pays qu’il méconnaissait totalement. Son contact avec trois appelés basques qui parlaient en euskera, lui avait permis de comprendre cette spécificité. « A mes yeux, l’un des bienfaits possibles de l’Europe c’était justement la possibilité d’émancipation qu’elle pouvait donner à des peuples comme les Basques,les Catalans et les Irlandais du Nord. J’espérais que cela se produirait, mais il n’en a rien été… » disait-il encore déçu, au fil d’une interview recueillie dans les pages de l’ouvrage collectif Bake Lumak (Plumes de paix), après le désarmement d’ETA, en 2017.
La volonté d’indépendance
Pourquoi la violence a-t-elle perduré aussi longtemps au Pays Basque ? La question lui avait également été posée dans Bake Lumak.Il y répondit en ces termes : « Le passage à la démocratie en Pays Basque sud ne s’est pas déroulé comme dans le reste de l’Espagne. Franco est mort mais ses flics sont restés en place, ils ont continué à appliquer les mêmes méthodes. A mon sens,la lutte armée d’ETA était parfaitement justifiée.Il arrive cependant un moment où il faut arrêter ! Ce qu’ETA a fait en 2011. »
Gilles Perrault avait la conviction que »pour être vraiment légitime la violence devait être efficace », faute de quoi elle ne résolvait rien. Au contraire ! Lui, regrettait que la France et l’Espagne n’aient pas su « jouer le jeu comme les Anglais l’ont fait avec l’IRA »le moment venu. A ses yeux, « le problème politique que l’on pourrait résumer à la volonté d’indépendance des Basques, n’en reste pas moins entier » assurait-il en 2016.L’homme s’était aussi dressé avec vigueur,contre la remise à deux juges du Parquet national antiterroriste français, de la plus grande décoration décernée par l’Espagne,pour « bons et loyaux » services rendus en première ligne, à la lutte contre ETA.