« Il voulait que nous vivions debout »

Une fois de plus le Pays Basque est orphelin, l’un de ses enfants n’est plus. Quant aux chrétiens, ils restent un peu plus seuls : le Baigorriar Michel Oronos n’est plus parmi nous. Notre ami est parti le 23 de ce mois, suite « à une longue maladie ».

Lucidité et courage, l’homme n’en manquait pas. Prêtre engagé, il fut de ceux qui interrogèrent le bien-fondé de l’institution cléricale, de toute institution et de ses immanquables faux semblants. Il exigeait clarté et partage. Prêtre il veillait, regardant là où nous mettions nos pas. Il voulait que nous vivions debout. Eskualtzale il joua un rôle dirigeant dans Euskal konfederazioa ainsi que dans la plateforme Batera. Libéré des oripeaux d’un folklore désuet, il avait plongé au cœur des années sombres et luttait lui aussi pour une justice qui ne soit pas une basse vengeance. Michel était pleinement des nôtres ; aidé par sa famille ainsi que par de rares fidèles auxquels il rendit hommage, il s’incarna dans notre vie, dans nos combats.

Musicien organiste, d’une grande discrétion et d’une immense culture, cet enseignant avait en partie parcouru le monde (Turquie, Afrique…) avant de revenir dans notre pays et dans sa vallée de Baigorry. C’est ainsi qu’il avait noué en chemin des amitiés avec des « persona non grata » aux yeux de ce bastion figé que l’on appelle le Vatican. Il avait sympathisé avec de nombreux laïcs et clercs à l’exemple de Mgr Gaillot. Des gens qui n’étaient pas impressionnés par les broderies, qui n’étaient pas soumis aux mitres, fussent-elles celles de notre cathédrale où de ces édifices voisins et trop semblables. Théâtre moisi, comme il me disait, « qui se conjuguait au passé antérieur ». Concile de Trente parachevé par celui de Vatican I et son irrésistible « infaillibilité pontificale » ! A mourir de rire ? Non ! Tragédie de nos pays où en dépit d’innombrables efforts, la façade de carton-pâte se corrompait, nous entraînant inexorablement dans ses ruines. C’est alors que de nouveaux magiciens débarquèrent en force à partir de 2008. A l’ordre du jour : gouvernance autocratique, intégrisme le plus strict. L’église du petit Jésus et du scrogneugneu barbu des nuages ! Un théâtre qui convenait tant aux clercs qu’aux laïcs : soumission de secte, pas de vagues. L’inculture pouvait continuer à régner et surtout, les finances à être assurées. Anesthésie générale. Alors, à quoi bon des hommes comme Michel qui, au péril de leur vie, criaient le malheur ? Ecœuré, il se retrouva seul, épaulé par une poignée de laïcs dont beaucoup avaient quitté le navire, ses voiles d’or et ses dentelles.

Michel n’était pas un homme à se résigner, à rentrer dans le rang. Il ne voulait pas passer sa vie à bénir des chapelets. Comme disait le pasteur Bonhoeffer que Hitler fera pendre, il croyait que Dieu n’est pas dans l’inaccessible, mais dans le prochain, au seuil même notre porte. Ses analyses, des plus documentées, car vécues de l’intérieur même du système clérical, il les publia dans de vigoureux ouvrages, plein de réalisme. Dans les éditions Zortziko, il dénonçait cette scandaleuse opération tentaculaire qu’il résuma dans « Enfin don Aillet vint ». Il y publia « La religion des Basques », un livre lucide, profond et personnel sur notre façon de vivre le christianisme. Sa pensée restera un témoignage des plus authentiques qui faisait cruellement défaut jusqu’ici en Iparralde, malgré les entreprises méritoires de notre ami l’abbé Moreau et de Mgr Goity. Dans ces écrits, il ne cessa de dénoncer cette manœuvre qui voit le clergé s’approprier puis s’identifier au sacré. Un clergé autoproclamé qui se rend obligatoire entre Dieu et nous. L’œuvre de Michel est immense et de ce point de vue, unique. C’est une référence. Elle restera. C’est l’œuvre de la lucidité et du courage. C’est une grâce pour nous d’avoir pu fréquenter un tel homme. Il nous a révélé l’essence du poison mortifère qui s’infiltre en nous.

Selon ses souhaits, nous avons célébré sa disparition en petit comité dans la chapelle de Germiette, en association avec ses proches. Demain, nous le ferons, toujours avec ferveur, en grand, mais ce ne sera pas dans la cathédrale … La presse avertira le lecteur.

Han zen bat

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