Un virus inconnu mais couronné envahit sournoisement notre planète et, comme la moitié de l’humanité, nous voici confinés à domicile par ordre des gouvernements, pour tenter de ralentir la marche en avant de l’invisible ennemi. Il s’agit d’éviter que trop de gens tombent malades en même temps, débordant la capacité d’accueil des hôpitaux. Pour le moment cette stratégie paraît fonctionner, mais on entrevoit à peine le bout d’un très long tunnel avec ce microbe imprévisible.
Cet enfermement provisoire nous pèse, et à mesure qu’il se prolonge, l’impatience nous gagne. Certes il est plus supportable dans les collines du Pays Basque intérieur que dans un appartement de Bayonne situé à l’étage. Ici l’on peut prendre l’air sur de petits chemins déserts, et c’est déjà beaucoup.
Le plus dur pour les personnes âgées dont je suis est de ne pas voir ses enfants et petits-enfants, bien qu’ils prennent soin de nous.
Tout le monde commence à rechigner après quelques semaines de ce régime. La claustrophobie, la promiscuité ou au contraire l’isolement, l’inaction forcée, l’ennui, la longueur de l’attente provoquent le stress, des personnes en tombent malades, certaines en meurent dans les EHPAD plus sûrement que du Covid19.
Les enfants trépignent d’impatience dans de petits appartements, poussant les parents au bord de la folie. Les femmes battues par leur conjoint vivent un cauchemar sous l’emprise constante de leur bourreau. D’autres familles sont dispersées contre leur gré. L’on ne peut pas rendre visite à ses malades hospitalisés, ni tenir la main des mourants, ni assister aux obsèques de parents ou d’amis. Les étudiants ne savent pas ce qu’il adviendra de leurs examens, certains sont coincés dans les 9 m2 de leur chambre universitaire. Et tous ces artisans et commerçants qui voient impuissants leur entreprise s’enliser et peut-être sombrer, et tous ces salariés qui craignent la perte de leur emploi au sortir de la crise sanitaire, et les prisonniers qui vivent en ce moment un double confinement…
Sans oublier toutes les personnes qui sont pour ainsi dire enfermées dehors, tenues de travailler pour nous en risquant leur santé, voire leur vie : soignants, agriculteurs, transporteurs, salariés des industries et des commerces agroalimentaires, éboueurs, personnels de nettoyage, employés des banques, postiers, pompiers, policiers, militaires, et j’en oublie…
En un mot comme en mille, ce confinement de quelques semaines nous est insupportable. Que dire alors d’un enfermement forcé qui durerait toute la vie ? La perpétuité, ce doit être l’enfer. Et c’est le sort que subissent depuis 30 ans trois Basques de citoyenneté française : Jacques Esnal, Frédéric Haramboure et Ion Kepa (Jean Pierre) Parot. Accusés d’avoir commis des attentats en Espagne au sein de l’ex-organisation ETA, ils furent arrêtés en France et condamnés par la justice française à la peine maximale, assortie d’une période incompressible de 18 ans pour Jakes et Frédéric, de 15 ans pour Ion. Ils auraient donc pu bénéficier de la libération conditionnelle depuis 2005 pour Ion, depuis 2008 pour Jakes et Frédéric. En Espagne ils seraient déjà libres.
Cet enfermement provisoire
qui nous pèse tant,
trois prisonniers basques le subissent
depuis une génération
En France leurs demandes ont été plusieurs fois acceptées par les juges d’application des peines avec l’assentiment des autorités pénitentiaires pour bonne conduite. Chaque fois les procureurs de la République, représentants de l’Etat, ont fait opposition à leur libération conditionnelle en prétextant le risque de récidive.
Or cela fait trois ans que l’organisation ETA a remis les armes aux autorités françaises par l’intermédiaire des Artisans de Paix, Bakegileak, puis s’est dissoute. Mais le parquet fait la sourde oreille en refusant de prendre en compte la situation nouvelle ainsi créée.
Rappelons que le désarmement s’était fait avec l’assentiment discret mais certain du Président Hollande, et qu’à son tour le président Macron déclarait à Biarritz, voici un an, lors de la préparation du G7 de juillet 2019 : « Le Pays Basque est pour moi un exemple de résolution de conflit et de sortie des armes. (…) Le devoir de l’Etat est d’accompagner le mouvement. Nous ne devons pas faire bégayer l’Histoire, il faut l’accompagner » …
Le Président de la République n’a pas été entendu par les procureurs. Il lui revient de trancher ce nœud gordien, de mettre fin à une situation inhumaine et anachronique. Il dispose pour cela du droit de grâce, privilège du chef de l’État. Appuyons les démarches qui lui demandent d’en faire usage en faveur de ces trois prisonniers, ils en ont un besoin urgent, et le Président est le dernier recours. Monsieur le Président, leur sort est en vos mains, ne tardez pas !