Le parlement foral adopte une loi qui permet à 43 municipalités de la province de quitter la zone hispanophone et de rejoindre la zone linguistique mixte, euskara/espagnol.
La Navarre est divisée en trois zones linguistiques différentes définies par la loi forale de l’euskara de 1986 : une zone bascophone de 63 municipalités toutes situées au nord de la province, une zone mixte à hauteur d’Iruñea avec 55 municipalités, et une zone non bascophone au sud, avec 154 communes (*).
Le statut de la langue basque en matière d’enseignement, de signalétique et de critères de recrutement des fonctionnaires des collectivités territoriales est différent selon les trois zones.
La loi de 1986 réformée à plusieurs reprises, a fait l’objet le 22 juin d’une modification importante par le parlement navarrais où domine une majorité composée de Geroa bai (9 députés), EH Bildu (8 élus), Podemos (7) et Izquierda-Ezkerra (2).
Les socialistes (7) et la droite espagnole, régionalistes de l’UPN (15) et le PP (2), ont voté contre.
Dans un contexte d’intenses polémiques, la voie a été ouverte il y a quelques mois par une douzaine de municipalités navarraises appartenant à la zone non bascophone et désireuses de faire partie de la zone mixte. Les habitants voulaient ainsi avoir la possibilité de s’adresser en euskara à l’administration. Pour le recrutement des fonctionnaires à certains postes, la langue basque, soit est exigée, soit constitue un plus dans les critères de recrutement (entre 3% et 6% du barème de notation). Les écoles doivent proposer un enseignement en basque selon les filières, y compris la filière D correspondant à l’enseignement en immersion.
Dans la zone non bascophone, l’essentiel de l’enseignement est délivré en espagnol. La filière D n’étant mise en œuvre qu’à titre exceptionnel depuis 2006 dans quelques ikastola.
Le changement juridique de juin 2017 est significatif de l’évolution linguistique de la province : il ya trente ans, la pratique de l’euskara était inexistantes dans les 43 municipalités qui rejoignent aujourd’hui la zone mixte.
La loi linguistique navarraise a fait l’objet de modifications et de tentatives de changement avortées depuis 1986 quant à ses périmètres d’application et quant à son contenu, souvent suivies de recours auprès des tribunaux, tant le sujet est sensible. Le refus d’octroyer une licence à la radio Euskalerria Irratia qui émet sur l’agglomération d’Iruñea où vivent beaucoup de bascophones, a déclenché un conflit homérique pendant près de 20 ans.
Le comité d’experts sur l’application de la Charte européenne des langues minoritaires ou régionales signée par l’Espagne considère que l’Etat ne respecte pas ses engagements en Navarre.
Les syndicats espagnols sont contre
Les partis espagnolistes sont très remontés contre le vote du 22 juin. Ils y voient un sectarisme éhonté et des arrières pensées purement nationalistes basques ; ou encore une contrainte exercée sur les populations par un groupe du parlement qui veut répandre peu à peu ses idées «selon le supplice du goutte à goutte chinois».
A l’inverse des syndicats abertzale, les centrales UGT et CCOO s’opposent aux critères linguistiques de sélection prévus par la loi pour le recrutement des fonctionnaires locaux.
Cette réforme de la loi forale sur la langue basque se situe dans le contexte politique de la nouvelle Navarre qui a vu aux dernières élections l’arrivée au pouvoir des abertzale, en coalition avec des forces de gauche autres que le PSOE, non seulement au gouvernement foral, mais également dans de nombreuses municipalités, y compris Iruñea la capitale.
Des possibilités d’alliances victorieuses sont liées à la décrispation du débat politique consécutif à l’arrêt de la lutte armée, mais aussi à l’émergence de Podemos, suite à la crise du PSOE qui préféra voter avec la droite pour écarter les abertzale du gouvernement de la province.
Il est fort possible que les opposants présentent des recours pour gêner ou retarder l’application de cette nouvelle loi. Les changements dans les pratiques linguistiques sont très lents, dans le sens de la disparition comme dans le sens de la récupération et une loi ne change pas tout.
(*) La zone bascophone représente 9% de la population de la province et 47% des bascophones navarrais. La zone mixte regroupe 53 % de la population navarraise et 18,4% du total des bascophones. 36% de la population navarraise vit dans la zone non bascophone qui comprend 6,8% de bascophones.