Le Conseil National de la Protection de la Nature a émis un avis défavorable au projet d’extension du Centre Européen de Fret à Mouguerre, et demandé à la Communauté d’Agglomération de revoir sa copie. L’occasion d’imaginer une nouvelle version visant à un aménagement du territoire mieux équilibré, et associant, hors du périmètre saturé de la zone littorale, activités économiques et logements abordables.
Le projet d’extension du CEF en difficulté
Deux nouvelles d’importance sont venues récemment compliquer le projet d’extension du Centre Européen de Fret (CEF) de Mouguerre. La première est financière. Pour les seuls travaux ferroviaires, l’investissement public s’élève à 8,7 millions d’euros. La CAPB espérait une subvention de l’Europe à hauteur de 1,75 millions d’euros qui ne lui a pas été accordée. C’est la deuxième année consécutive que la CAPB postule, et la deuxième fois qu’elle n’obtient pas les fonds espérés.
L’autre nouvelle est totalement différente. Elle concerne la nature même des terrains dévolus à cette extension : des terres humides d’une biodiversité remarquable. Les études environnementales attestent de la présence de très nombreuses espèces protégées pour lesquelles il était nécessaire de mettre en place la séquence« Éviter / Réduire / Compenser ». Arguant que l’extension se faisait dans le périmètre d’une ZAC (Zone d’Aménagement Concertée) autorisée en 1988, la CAPB a considéré qu’éviter n’était pas opportun, et elle a proposé quelques mesures de réduction et surtout des mesures de compensation, consistant à s’occuper d’autres terrains plus ou moins dégradés pour y rétablir une certaine biodiversité. Cependant, le Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) a émis un avis défavorable jugeant ces mesures compensatoires totalement insuffisantes, et a demandé à la CAPB de revoir sa copie.
Un projet ferroviaire peut en cacher un autre
Une partie de l’extension du CEF concerne des aménagements ferroviaires et notamment une nouvelle « autoroute ferroviaire » dont l’intérêt reste à prouver, ces camions pouvant transiter par bateaux entre l’Irlande et l’Espagne, alors qu’ils viendraient gonfler le trafic sur l’A63 entre Mouguerre et la frontière. Mais ce projet de train en cache un autre : cette extension englobe pour 3,3 hectares l’artificialisation de zones humides pour accueillir l’entreprise DJO, déjà présente sur le CEF mais qui veut déménager pour s’agrandir. Cette entreprise vend du petit appareillage médical, son activité est sans rapport avec le fret ferroviaire.
Sur ces 3,3 ha, la séquence « Eviter / Réduire / Compenser » devrait s’arrêter dès la première étape « Éviter », en accueillant par exemple cette entreprise sur le site tout proche dit des Salines, friche industrielle de près de 10 hectares déjà rachetée par la CAPB et qu’il conviendrait de réhabiliter.
Rendre 3,3 hectares d’activité économique aux communes de l’intérieur du Pays Basque
L’avis défavorable du CNPN est donc une opportunité pour les élus de reconsidérer leur projet. L’installation de DJO aux Salines présenterait de multiples avantages. Pour l’entreprise elle-même, elle réduirait le risque d’un déménagement ultérieur si par malheur la LGV se réalisait, le terrain qu’on lui propose étant impacté par des travaux routiers périphériques aux nouvelles voies.
Pour la CAPB, elle réduirait la recherche de compensation et permettrait plus facilement de répondre aux injonctions du CNPN. Une partie des barthes de Mouguerre seraient préservées, protégeant des inondations les quartiers environnants. Le maintien de ces terrains humides est particulièrement propice au captage du CO2. Dans le contexte climatique actuel,les autorisations données en 1988 n’auraient d’ailleurs jamais été accordées. Mais les avantages vont bien au-delà, et ils concernent finalement tout le Pays Basque. En effet, ces3,3 hectares sont encore naturels et ils vont entrer dans les calculs de droit à artificialiser pour l’ensemble du Pays Basque, puisque les quotas d’artificialisation dans le cadre du ZAN (Zéro Artificialisation Nette) se font à l’échelle du futur SCoT (regroupant le Pays Basque et le Sud des Landes). Alors même qu’il y a 10 hectares de friches industrielles à Mouguerre mobilisables pour des entreprises dans un futur proche, et quand on connaît toute la difficulté pour les communes de l’intérieur du Pays Basque d’obtenir le droit à des hectares pour des activités économiques, ces 3,3 hectares seraient les bienvenus pour créer de l’activité économique hors du périmètre déjà saturé de la Côte. Associer logement abordable et activité économique est indispensable dans le nécessaire équilibrage entre les différents territoires du Pays Basque, pour sortir notamment des trajets pendulaires que nous connaissons,sources de tant de nuisances. Réduire l’envergure de l’extension du CEF est une occasion pour mettre en place cette solidarité foncière au Pays Basque.