45 ans après, la Guardia civil retire les symboles franquistes de ses casernes

«Zibilak esan naute» de José Maria Iparragirre (1820-1881), appelée aussi «Nere amak baleki», revisitée par Miren Aranburu, sur une musique de Jean-Louis Hargous.

Officiellement, il en restait encore 38. Treize ans après la loi sur la mémoire historique qui impose ces retraits et quarante cinq ans après la mort du dictateur, la Guardia civil a enfin obtempéré fin 2020.

Ce sont des plaques, des écussons, des mosaïques, des photographies, des sculptures, des bustes, en l’honneur du régime franquiste ou de «héros» de la Guardia civil. De la Direction générale de cette police à la plus obscure de ses casernes dans l’Extremadure profonde, ils étaient toujours en bonne place, tels des défis, au su et au vu de tout un chacun. Et en toute illégalité. Parmi eux, figurait en plein centre de Madrid jusqu’à il y a quelques semaines, une inscription en hommage à un des martyrs de la «Cruzada» ou croisade franquiste, le capitaine de la Guardia civil Santiago Cortés, mort en 1937. Parfaitement insupportable pour les démocrates ou les républicains.

Tout cela ne gêne en rien la droite espagnole. Un peu comme si en Allemagne, en Italie ou en France, perduraient encore en des lieux publics des symboles en souvenir, à la gloire d’Hitler, de Mussolini, de Pétain ou de leurs affidés. La loi sur la Mémoire historique qui demandait en son article 15, le retrait de tous ces monuments a été votée en 2007. Mais il a fallu attendre quatre ans, 2011, pour qu’une commission d’experts statue sur les symboles franquistes à retirer. Après un tout petit début de réalisation, le PP de Mariano Rajoy arrive au pouvoir en décembre. Et là, paralysie générale, quasiment plus rien ne bouge. En 2018, les socialistes reviennent aux affaires. Pedro Sanchez poussé aux fesses par les Valenciens progressistes de Compromis, répond qu’il ne peut agir : y a pas un rond prévu à cet effet dans les caisses de l’État, pas une tune, pas un flèche, pas de ligne budgétaire, vous dis-je ! Il a fallu donc attendre le vote tout récent du budget pour que les autorités procèdent aux retraits. C’est la nouvelle directrice générale de la Guardia civil, Maria Gàmez qui, depuis septembre, met les bouchées doubles pour aboutir. Le plus coûteux fut le décrochage sur la façade de plusieurs casernes, d’énormes écussons de pierre —de deux à cinq cents kilos— accompagnés de l’aigle de Saint Jean, symbole du régime imposé par le Caudillo.

L’écusson franquiste placé au dessus de la porte d’entrée de la caserne de la Guardia civil à Noreña (Asturies) est retiré fin 2020.
L’écusson franquiste placé au dessus de la porte d’entrée de la caserne de la Guardia civil à Noreña (Asturies) est retiré fin 2020.

D’Iparragirre à Agustin Ibarrola

Selon l’historien Gutmaro Gómez, seuls quelques vestiges de la dictature demeurent encore en place, par exemple dans des églises. Mais dans les têtes ? Les élus du PP traînent des pieds ou s’abstiennent dès qu’il faut prendre position, ceux de l’extrême droite Vox annoncent clairement la couleur. L’armée, la justice et la police sont les institutions espagnoles qui s’érigent le plus fréquemment en garants de l’unité de la patrie, face au sécessionnisme catalan et basque ou aux velléités de la gauche désireuse d’y apporter un semblant de réponse politique. Que les derniers symboles du franquisme soient demeurés intacts dans les casernes et les commissariats de la Guardia civil, ne doit rien au hasard. Plusieurs milliers de policiers de la Benemérita furent envoyés en 2017 en Catalogne, pour empêcher le déroulement du second référendum d’autodétermination. Le tricorne noir qu’arbore le garde civil demeure le symbole de l’occupation, de la torture et de la répression au Pays Basque. D’abord police politique, ce corps est honni des populations. La chanson du carliste Iparragirre «Zibilak esan naute» en 1855, la gravure d’Agustin Ibarrola en 1976, sont des signes qui balisent notre histoire. La Garde civile règne ici sans partage.

Gravure du sculpteur et peintre Agustin Ibarrola (1976)
Gravure du sculpteur et peintre Agustin Ibarrola (1976)

Sur ces questions de retrait des symboles de la dictature, en Espagne on se hâte lentement. En revanche, pour décrocher le panneau en faveur des prisonniers et exilés politiques catalans, installé sur le fronton de la Generalitat, l’Etat prend le TGV. Au prétexte que ce panneau contrevient à la loi, les institutions «judiciaires» fonctionnent à la vitesse de la lumière, celle d’internet. L’affaire a coûté son poste au chef du gouvernement Quim Torra qui a été destitué. «Selon que vous serez puissant ou misérable», catalan/basque ou espagnol, «les jugements de cour vous rendront blanc ou noir».

Soutenez Enbata !

Indépendant, sans pub, en accès libre,
financé par ses lecteurs
Faites un don à Enbata.info
ou abonnez-vous au mensuel papier

Enbata.info est un webdomadaire d’actualité abertzale et progressiste, qui accompagne et complète la revue papier et mensuelle Enbata, plus axée sur la réflexion, le débat, l’approfondissement de certains sujets.

Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés par les dons de nos lectrices et lecteurs, et les abonnements au mensuel papier : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre.

« Les choses sans prix ont souvent une grande valeur » Mixel Berhocoirigoin
Cette aide est vitale. Grâce à votre soutien, nous continuerons à proposer les articles d'Enbata.Info en libre accès et gratuits, afin que des milliers de personnes puissent continuer à les lire chaque semaine, pour faire ainsi avancer la cause abertzale et l’ancrer dans une perspective résolument progressiste, ouverte et solidaire des autres peuples et territoires.

Chaque don a de l’importance, même si vous ne pouvez donner que quelques euros. Quel que soit son montant, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission.


Pour tout soutien de 50€/eusko ou plus, vous pourrez recevoir ou offrir un abonnement annuel d'Enbata à l'adresse postale indiquée. Milesker.

Si vous êtes imposable, votre don bénéficiera d’une déduction fiscale (un don de 50 euros / eusko ne vous en coûtera que 17).

Enbata sustengatu !

Independentea, publizitaterik gabekoa, sarbide irekia, bere irakurleek diruztatua
Enbata.Info-ri emaitza bat egin
edo harpidetu zaitezte hilabetekariari

Enbata.info aktualitate abertzale eta progresista aipatzen duen web astekaria da, hilabatero argitaratzen den paperezko Enbata-ren bertsioa segitzen eta osatzen duena, azken hau hausnarketara, eztabaidara eta zenbait gairen azterketa sakonera bideratuagoa delarik.

Garai gogorrak dira, eta badakigu denek ez dutela informazioa ordaintzeko ahalik. Baina irakurleen emaitzek eta paperezko hilabetekariaren harpidetzek finantzatzen gaituzte: ordaindu dezaketenen eskuzabaltasunaren menpe gaude.

«Preziorik gabeko gauzek, usu, balio handia dute» Mixel Berhocoirigoin
Laguntza hau ezinbestekoa zaigu. Zuen sustenguari esker, Enbata.Info artikuluak sarbide librean eta urririk eskaintzen segituko dugu, milaka lagunek astero irakurtzen segi dezaten, hola erronka abertzalea aitzinarazteko eta ikuspegi argiki aurrerakoi, ireki eta beste herri eta lurraldeekiko solidario batean ainguratuz.

Emaitza oro garrantzitsua da, nahiz eta euro/eusko guti batzuk eman. Zenbatekoa edozein heinekoa izanik ere, zure laguntza ezinbestekoa zaigu gure eginkizuna segitzeko.


50€/eusko edo gehiagoko edozein sustengurentzat, Enbataren urteko harpidetza lortzen edo eskaintzen ahalko duzu zehaztuko duzun posta helbidean. Milesker.

Zergapean bazira, zure emaitzak zerga beherapena ekarriko dizu (50 euro / eusko-ko emaitzak, 17 baizik ez zaizu gostako).