Nous fêtons à l’occasion de cette Aberri Eguna 2013 les 50 ans du mouvement Enbata.
Quel regard porter sur ces 50 ans ? Evidemment, il y a le pas que réalisèrent les fondateurs en 1963 en formalisant les bases d’un mouvement politique abertzale laïque dans l’ambiance «euskaldun fededun» d’alors. Et puis il y a aussi la trajectoire tracée par 50 ans de lutte du mouvement abertzale.
En essayant de porter un regard rétrospectif sur cette trajectoire, en pensant à l’âpreté de l’engagement militant de certains abertzale, j’aurai envie de dire d’abord, que de batailles, que de sacrifices, que de souffrances aussi dans beaucoup de cas.
Je pense évidemment à ceux qui sont tombés comme l’itsasuar Txomin Olhagaray militant d’IK décédé le 26 mars 1980.
Comment ne pas évoquer également dans ce registre, les militants victimes de la guerre sale, ceux qui ont connus la clandestinité, les prisonniers d’hier et ceux d’aujourd’hui qui suivent à distance, depuis leurs geôles, les trépidations du mouvement abertzale.
Je dirai ensuite que de travail réalisé, que d’énergie dépensée, que de sueur versée. Les chantiers mis en œuvre par les abertzale pour construire dans la pratique le projet qu’une poignée d’entre eux avaient posé sur les fonds baptismaux à Itsasu sont considérables dans de nombreux domaines.
La construction des ikastolas, le mouvement culturel qui a donné naissance à AEK, aux radios, aux centres culturels, au renouveau du chant basque, de la danse, du théâtre, du bertsolarisme, le travail réalisé au niveau du syndicalisme agricole pour déboucher sur la constitution de Laborantxa Ganbara, le dynamisme aussi économique qui a donné par exemple naissance au mouvement des coopératives, à la création d’Herrikoa…
Enfin, au niveau politique, malgré les vicissitudes multiples du mouvement politique, le niveau de pénétration des idées abertzale dans la société d’Iparralde a quand même été considérable si on considère le niveau très faible de conscientisation politique existante au moment de la création d’Enbata. Au milieu des années 70, Manex Goyhenetche avait édité un ouvrage intitulé : Histoire de la colonisation française au Pays Basque: les origines du problème basque. Le terme «colonisé» choque certains, mais je suis convaincu de la réalité historique d’un tel processus de colonisation culturel qui explique pourquoi les basques des débuts d’Enbata avaient perdu la fierté de leur identité, de leur langue.
Aujourd’hui, le temps où les abertzale étaient taxés « d’Enbata Zikina » est définitivement révolu. Le projet abertzale est maintenant un projet reconnu et crédible en Iparralde, et les dernières échéances électorales ont montré qu’il peut avoir l’ambition de constituer la troisième force politique ici. Cinquante ans de lutte ont transformé complètement l’approche de la société d’Iparralde vis-à-vis de problématiques que les abertzale ont été les premiers à porter. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à observer l’ambiance crée par le passage de la Korrika en Iparralde et la fête finale qui l’a clôturé à Bayonne.
Par ailleurs, nous gardons un potentiel militant que de nombreux mouvements nous envient, et quand je voie le nouveau mouvement des jeunes abertzale de gauche qui s’active, je n’ai aucun doute à affirmer : «geroa gurea da!»