L'Edito du mensuel Enbata - Cinq ans. Cinq ans déjà que tout s’était arrêté. Que les rues s'étaient vidées, que les balcons résonnaient d’applaudissements pour les soignant·es, que le mot “essentiel” tentait de retrouver un sens. Le monde retenait son souffle et se demandait, peut-être pour la première fois à cette échelle : que voulons-nous vraiment ? Et pour qui ? Cinq ans plus tard, le souvenir s’estompe. (...) Ce qui revient, en revanche, c’est le silence. Le silence du renoncement. Le silence entretenu pour ne pas avoir à changer. Le silence de l’oubli volontaire, de l’ignorance. Et dans bien des sphères, ce silence est une stratégie. (...)
Les conservateurs et l’extrême droite aiment à répéter que “c’était mieux avant”. Leur nostalgie n’est jamais innocente : elle sélectionne, efface, fantasme. Mais il existe une autre manière de regarder en arrière : non pour fuir le présent, mais pour nourrir l’avenir. Quand Fermin Muguruza devient ambassadeur du Pays Basque à Paris en remplissant La Cigale pour un concert hommage à Federico Aranburu — qui nous rappelle qu’en France aussi, l’extrême droite tue —, ce ne sont pas là les signes d’une nostalgie de renfermement, de repli sur soi, de crainte de l’étranger… Au contraire, ces souvenirs encore vivants nous rappellent ce que la musique, les luttes collectives, les utopies peuvent faire naître pour se relever, tenir, et refuser la résignation. (...)