L’Édito du mensuel Enbata
Deuxième force politique d’Iparralde, EHBai emporte le canton d’Hendaye-Urrugne- Béhobie et se place en alternative à la coalition droite-centre “Forces 64” au second tour dans 7 des 12 cantons basques.
Le premier tour des élections au conseil départemental, le 20 juin, a été le révélateur d’une spectaculaire avancée des abertzale qui, malgré une abstention record au-dessus de 60%, gagnent 3.000 voix par rapport à la précédente élection départementale de 2015. Ils passent en 6 ans de 16% des suffrages exprimés à 24,68% aujourd’hui. Ils progressent dans tous les cantons sous l’étiquette saugrenue “Régionalistes” dont les a affublés la préfecture. Il faut reconnaître que la loi électorale et la lourde abstention les a servis pour se retrouver au second tour en tête-à-tête dans la majorité des cantons où pourtant trois sortants avaient obtenu plus de 50% car la règle exigeait aussi de dépasser le seuil des 25% des inscrits.
Pour le second tour, EH Bai ne s’est désisté pour aucun autre candidat dans les cinq cantons où ils étaient absents sauf à Biarritz pour les candidats EELV. Il a simplement invité les électeurs à évaluer les candidats de gauche et écologistes à même de faire avancer la transition écologique, le processus de paix, l’institution spécifique Pays Basque et le soutien à l’euskara.
Annie Poveda et Iker Elizalde sont élus conseillers départementaux avec 52,18% des suffrages exprimés après avoir obtenu 29,31% au premier tour. Sur les 3110 suffrages exprimés à Urrugne, les abertzale en obtiennent plus de la moitié, soit 1597 avec une avance de 588 voix sur les socialistes à 1009 voix alors qu’à Hendaye l’avance des socialistes n’est que de 373 voix. On mesure ici le poids décisif d’un maire abertzale. Il faut remarquer que le conseiller PS sortant, Kotte Ecenarro, maire d’Hendaye, dont ils intègrent tous la majorité municipale, ne se représentait pas. Ils battent nettement la conseillère sortante socialiste et première adjointe d’Hendaye Kehrig Cottençon.
Aux élections régionales qui se déroulaient les mêmes jours, l’abstention a été tout aussi lourde autour de 67% sur l’ensemble de l’Etat français où tous les présidents sortants ont été réélus, de droite comme de gauche ou nationalistes en Corse. La Nouvelle- Aquitaine n’a pas fait exception et a donc réélu le socialiste Alain Rousset avec 39,6% des suffrages exprimés mais cette fois-ci en rupture avec les écologistes d’EELV qui obtiennent 14% dont 16,4% dans les Pyrénées-Atlantiques en progression sur la précédente mandature. A souligner pour les Verts un meilleur score de plus de deux points en Pays Basque qu’en Béarn.
En Corse, avec une participation de plus de 59%, victoire historique des nationalistes qui, bien que divisés dans les deux familles autonomistes et indépendantistes, remportent 68% des suffrages exprimés. Gilles Simeoni, président sortant, recueille 40,6% des suffrages, son concurrent autonomiste Jean-Christophe Angelini obtient 15,1% allié à l’indépendantiste Jean-Guy Talamoni qui, avec 6,9% au premier tour, était éliminé du second. Paul-Félix Benedetti, également indépendantiste, obtient 12,1%.
Au-delà de la percée abertzale, ce scrutin départemental de juin 2021 marque aussi la disparition en Iparralde de la représentation élective du parti socialiste. Kotte Ecenarro ne se représentant pas, restaient Henri Etcheto et Christophe Martin à Bayonne-Boucau. En passant à la trappe, c’est toute une longue histoire de la gauche française en Pays Basque dont le syndicat des instituteurs était le fer de lance qui, pour l’instant, s’achève. Il y a peu encore, le PS était incarné par de fortes personnalités locales. Qui ne se souvient des parlementaires Nicole Péry, Jean-Pierre Destrade, Colette Capdevielle et Sylviane Alaux, de Jean Espilondo, maire d’Anglet, de Frantxoa Maitia, conseiller de Garazi, Raphaël Lassallette, maire d’Hendaye, etc. ainsi que des fiefs de gauche à Boucau, à Bayonne, à Hendaye, à Mauléon et des pionniers basquistes Sauveur Narbaits et Jean Castaings.
Ailleurs dans l’Hexagone, le Parti socialiste rétrécit au profit d’EELV ou des Insoumis, laissant ici, pour partie, la sensibilité sociale, féministe et écologiste à la gauche abertzale. Ce long et lent transfert participe de l’enracinement abertzale dès l’origine laïque dans la marche construisant un Pays Basque maître de son destin. Si les rendez-vous électoraux sont les signes patents de leur constante progression, celle-ci n’est pas le fruit d’une doctrine mais la mutation d’une société s’incarnant dans les valeurs d’une civilisation singulière. C’est le gage, espérons-le, d’un non-retour en arrière.