Nous sommes invités par Jakes Bortayrou à nous projeter au-delà de la manifestation du 1er juin. L’expérience acquise, les forces accumulées et les succès engrangés préparent aux étapes suivantes.
Point d’orgue d’une séquence démarrée fin 2011 avec les groupes de travail sur un nouvelle gouvernance Pays Basque, la manifestation du 1er juin marque une nouvelle étape et sans conteste une “grande date” dans la longue marche vers la reconnaissance institutionnelle du Pays Basque Nord. Mais avec les grandes dates, se pose toujours la question du lendemain. Celle-ci n’échappera pas à la règle et, d’ores et déjà, réflexions, débats et accords possibles sur la suite sont à envisager au sein de la Coordination territoriale Pays Basque comme dans chacune des cinq structures qui la compose et notamment dans la plateforme Batera, porteuse de la dynamique populaire depuis plus de 10 ans.
Parmi les éléments à prendre en compte certains sont connus et d’autres aléatoires. Le premier d’entre eux c’est le panorama qui a été modifié de façon irréversible. Les lignes qui ont bougé ne reprendront pas leur cours antérieur. Le projet travaillé en commun, les ralliements raisonnés qu’il a provoqués, le consensus construit pas à pas représentent des acquis sérieux et solides. Il est acté que la Coordination interviendra rapidement à Paris, forte de son projet, des journées du 27 avril et du 1er juin. De même les sénateurs/trices et député-e-s du Pays Basque devront porter la voix du territoire tout au long des débats sur l’acte III de la décentralisation en présentant des amendements ouvrant la voie à la création d’une Collectivité territoriale pour le Pays Basque.
Le gouvernement peut-il rester silencieux?
La volonté affiché des socialistes arrivés au pouvoir d’attaquer une nouvelle étape de la décentralisation avait considérablement agrandi la fenêtre de tir ouverte par la réforme de décembre 2010. Mais la voie des amendements est un pis-aller et un baroud d’honneur en l’absence de soutien gouvernemental. Le gouvernement peut-il rester silencieux, ne donner aucune réponse et donc traiter par le mépris un exercice auquel il invite par ailleurs les territoires et les élus locaux dans le cadre de sa réforme? Situation paradoxale, hélas toujours possible qui ouvrirait une phase de grande incertitude quant à la poursuite du travail engagé depuis 20 ans, à la survie des Conseils qui l’ont animé, et à court terme au sujet du prochain contrat de plan et à son portage politique. Le choix du pourrissement aurait des conséquences politiques encore difficiles à mesurer mais obérerait notamment pour longtemps toute possibilité d’alliance entre socialistes et secteurs abertzale.
Le cycle électoral des municipales va par ailleurs interférer dans la dynamique engagée. Si les acteurs de la société civile n’y sont que marginalement impliqués, responsables et militant-e-s politiques vont s’y affronter, rendant plus difficiles les actions trans-courants. Il en va cependant de la responsabilité de chacun-e pour que la question reste au cœur de l’agenda politique, notamment par le biais des débats sur les intercommunalités pour lesquelles les électeurs/trices choisiront leur représentant-e-s pour la première fois.
Le changement ici et maintenant
Quelles perspectives à moyen terme si la séquence actuelle devait ne pas déboucher? C’est la question à laquelle il faut se préparer. D’autres voies seront à explorer. Dans ce pays il existe des traditions et des expériences de luttes diverses et nombreuses: résistances en tout genre, mobilisations multiformes, création “d’armes de construction massives” qui, des ikastola à l’eusko en passant par Herrikoa ou Ehlg ont amorcé le “changement ici et maintenant”, comme disaient les socialistes en 81, autant de réponses stratégiques aux impasses tactiques. Par ailleurs, les initiatives nationales abertzale qui servent de prétexte au statu quo et attisent les craintes de certains susciteront probablement l’intérêt progressif de bien d’autres, lassés du mépris parisien.
Depuis dix ans, chaque étape du combat a été définie collectivement, puis menée à bien et ses résultats ont créé les conditions de l’étape suivante. Au delà des incertitudes, l’expérience acquise, les forces accumulées, les succès engrangés nous permettent d’aborder avec confiance les lendemains du 1er juin.