Au nom de la terre est le titre du film réalisé par Edouard Bergeon qui retrace la vie de sa famille et son père agriculteur pris dans la spirale d’une agriculture prisonnière des banques, coopératives, qui ne maîtrise pas la nature ni le prix des aliments qu’il achète pour nourrir ses animaux, ni celui des poulets industriels qu’il vend… Les acteurs jouent formidablement bien. Mais ce film est remarquable à plusieurs titres.
Tout d’abord il met en lumière une situation , celle d’un agriculteur qui s’est engouffré dans un modèle de production qui va le le fragiliser financièrement d’abord, puis l’épuiser physiquement et enfin le détruire moralement, jusqu’au suicide.
Ensuite, l’histoire est racontée de façon simple et réaliste, du fait du réalisateur certainement, “fils de paysan” qui l’a voulu ainsi, loin des clichés.
C’est pourquoi, le monde paysan ne se sent pas trahi, et au contraire nous sommes touchés qu’une telle histoire soit portée sur les grands écrans. Ce film ne devrait pas laisser indifférent, même au-delà du monde paysan…
Au nom de la terre interroge sur plusieurs questions fondamentales ; celle de la question de la Terre et de sa transmission est la première, puisque dans le film le père “vend” la propriété à son fils, première des lourdes embûches qui seront sur la route du paysan. Puis tout le long du film, au fur et à mesure que se mettent en place et se développent des productions agricoles, le paysan est dépossédé de toute autonomie technique (sur le choix de ce qu’il donne à manger à ses animaux par exemple), de toute autonomie économique et financière.
Au nom de la terre doit pouvoir interpeller sur les raisons profondes, qui conduisent à des situations aussi extrêmes : l’aveuglement du consommateur qui achète du poulet industriel sans se demander comment il a été produit, ni comment le paysan a été rémunéré. On peut aussi évoquer la complicité dune partie de l’industrie agro-alimentaire, ou de la grande distribution, plus soucieuses de leurs marges que de celles des paysans et peu regardants sur la qualité de ce qui est produit. Et enfin, comment ne pas être en colère contre les différentes politiques agricoles qui ont enfermé beaucoup d’agriculteurs dans des systèmes de production qui les détruisent et qui ont aussi un effet destructeur sur la nature et la biodiversité (car, entre autres, très consommateurs de pesticides). Le paysan est et doit être responsable de ses actes de production, mais il est important tout de même de montrer qu’il est aussi, bien souvent, victime d’un système qui le conduit à mal faire…
Pour qu’un agriculteur vive correctement de son métier, il doit être rémunéré correctement et pour qu’il produise des aliments sains et bons, il doit être accompagné par les politiques agricoles.
La marge entre la production, la transformation et la distribution doit être mieux répartie. C’est un enjeu majeur car il dépasse celui du devenir de la population agricole, puisque de l’activité agricole dépend le devenir de la planète et de l’humanité.
Les conséquences de l’agriculture industrielle sont bien identifiées aujourd’hui : destruction des sols, de la biodiversité, de la population agricole, réchauffement climatique…
Nous vous l’annoncions déjà cet été, la thématique de Lurrama cette année s’intitule, selon la formule de Slow Food, Le climat c’est la vie.
L’édition 2019 aura lieu les 8, 9, 10 novembre à la Halle d’Iraty de Biarritz et sera parrainée par la Vice-Présidente du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) Valérie Masson-Delmotte, climatologue, chercheuse et le Président de Slow Food et Biodiversité, Piero Sardo. Ce sera occasion de parler des interactions entre agriculture et climat.