Marie-Christine Lagrange est présidente d’Ibai Errekak et vit au Pays Basque depuis quatorze ans. Ayant visité pas mal de coins surtout « barnekalde » (Pays Basque intérieur), elle vit maintenant dans un moulin et s’est passionnée pour cette énergie que représente l’eau. Dans son passé elle a milité pour la qualité de l’eau à partir de la fréquentation des rivières souterraines. Actuellement elle continue un combat anti-nucléaire vieux de de plus de trente ans qui a concerné deux projets de centrales abandonnés en Loire-Atlantique. Même si soutenir la petite hydro-électricité n’est pas de tout repos, avec le soutien de sa famille, elle aura peut-être bientôt le plaisir de la vivre. Marie-Christine Lagrange répond ici aux questions d’Enbata.info en nous présente Ibai-Errekak, l’association de défense de l’Energie hydraulique au Pays Basque.
Marie-Christine Lagrange, présidente de Ibai Errekak, pouvez-vous nous décrire votre association et le travail qu’elle mène ?
Le cinq avril dernier, nous avons tenu notre quatrième assemblée générale. Notre existence récente est née d’un intérêt partagé pour la petite hydroélectricité dans notre région. L’initiative provient de groupes et individuels issus du Pays basque comme Hemen, Ekhigeo (association pour les énergies renouvelables en Soule), Estia (école d’ingénieurs) et aussi de personnes et associations implantées en Béarn et Landes comme ECTI (échanges et conseils techniques international), UISBA (Union des Ingénieurs et des Scientifiques du Bassin de L’Adour) , Ardatza –Arroudet (association de sauvegarde des moulins du Pays basque et du Béarn).
Notre travail a consisté tout d’abord à offrir une aide concrète aux porteurs de projets d’installation ou de réhabilitation d’une production électrique en portant une demande de subvention pour des études de faisabilité auprès de l’ADEME. Cette action a déjà concerné huit projets et quatre autres sont en cours d’accompagnement. Plusieurs séances techniques ont été organisées (informations sur la force hydraulique et les turbines) et une foule d’échanges de savoirs locaux entre les membres se pratique à l’occasion de nos réunions et visites. Depuis plus de deux ans maintenant, la question du nouveau classement des cours d’eau selon l’article L214-17 du code de l’environnement, nécessite un travail de notre part. Même partagé avec l’UPEA (Union des Producteurs d’Electricité de l’Adour) c’est un chantier énorme tellement les enjeux pour notre activité sont difficiles à faire prendre en compte. Malgré l’appui que nous avons trouvé auprès d’élus et institutions départementales, il est à craindre que la décision finale du préfet de Bassin Adour Garonne ne pénalise notre potentiel particulièrement en Pays Basque
Quelle est la réalité de l’énergie hydraulique aujourd’hui en Pays Basque, et y a-t-il un potentiel intéressant?
C’est depuis fort longtemps que les rivières et ruisseaux du Pays Basque ont apporté une énergie locale et renouvelable, d’abord en écrasant le blé et le maïs pour les hommes et les animaux (3000 moulins ou usines recensés en 1890 dans les Basses-Pyrénées), puis en apportant l’électricité aux villes et villages bien avant d’autres régions de France (1). La nationalisation de la production électrique après la seconde guerre mondiale et l’établissement de réseaux de transport sur de longues distances a provoqué l’abandon dans maints endroits des petites turbines installées dans des moulins et même de petites centrales dont la rentabilité était contestée.
La vitalité de regroupements comme l’UPEA qui regroupe actuellement environ 40 exploitants de micro centrales atteste malgré tout de l’existence de ce secteur économique.
Le potentiel non encore exploité est estimé à 40 Gwh au Pays Basque (source Union Française de L’Electricité) entre les seuils et moulins à équiper, l’augmentation de puissance de l’existant et les chutes naturelles. Ceci représente la consommation en électricité de 1000 foyers environ (extrapolé de la consultation des turbiniers pour Natura 2000 en Pays Basque – 2010- ). La contribution à l’indépendance énergétique de notre région est concrète.
La problématique de l’énergie hydraulique est assez méconnue du grand public, pourtant en tant qu’énergie renouvelable elle devrait être amenée à se développer pour pallier à l’épuisement des énergies fossiles…
Il nous semble que le grand public, effectivement, ne se fait pas, malgré nos efforts, une juste opinion de l’activité que nous soutenons. Bien loin des grands barrages et du travail par éclusées (quasiment absents au Pays Basque), les installations que l’on peut qualifier de pico et microcentrales, malgré leur discrétion, sont l’objet de craintes relatives aux poissons, à l’environnement et de jalousies et malveillances. L’investissement financier, le travail personnel et la conscience d’être celui qui utilise l’énergie de l’eau en partageant ce bien commun sans l’épuiser ni le polluer sont des aspects rarement valorisés. Notre site Internet (www.ibai-errekak.fr) présente des textes qui permettent de répondre à nos détracteurs qui ont souvent l’oreille de la presse généraliste chez nous. Comme vous le dites, nous avons, grâce à nos cours d’eau Pyrénéens et malgré le réchauffement climatique, une chance exceptionnelle de participer à la transition énergétique. D’autre pays montagneux, comme le nôtre (le sud d’Euskal Herria, l’Autriche par exemple) se libèrent de l’énergie nucléaire autrement plus pénalisante pour l’environnement et source de déperdition sur le réseau.
Quels sont les différents obstacles au développement de l’énergie hydraulique ?
Contrairement à d’autres secteurs utilisateurs de l’eau comme les infrastructures liées aux cultures irriguées, l’hydroélectricité ne bénéficie pas de subventions d’investissement (2). Chaque particulier ou entreprise doit recourir à l’emprunt pour un montant très considérable vu la complexité et le coût des travaux et installations. Ces installations une fois réalisées et à peine amorties doivent souvent être reprises en raison de nouvelles contraintes environnementales. Plus d’un propriétaire se voit refuser ou au minimum retarder son «feu vert» administratif tant la réglementation est complexe et variable dans son application dans notre département. D’autres sont insécurisés par un éventuel classement du cours d’eau dans les listes 1 et 2 ne sachant pas s’ils pourront supporter les contraintes amenées par le concept trop sujet à interprétation de «continuité écologique». L’agence de l’eau promet une subvention pour des projets coordonnés de «rétablissement de cette continuité écologique», encore faut-il que l’entreprise puisse avancer le coût des travaux dont la nature doit faire l’objet d’un consensus et supporter les retards à l’arrivée des fonds. Souvent nos adhérents témoignent du «parcours du combattant» qu’ils doivent suivre pendant des durées comprises entre cinq et dix ans. Encore heureux quand il n’y a pas de passage par la «case» tribunal….Ces difficultés sont évoquées dans le livre blanc du Plan Climat Energie du pays basque (3).
De quels leviers disposent aujourd’hui les collectivités locales et notamment les mairies pour développer l’énergie hydraulique sur leur territoire ?
Pour les collectivités municipales, le fait d’héberger sur leur territoire une installation hydroélectrique, procure un revenu régulier grâce aux taxes professionnelle et foncière. En accompagnant les porteurs de projet, en favorisant leur regroupement comme cela se fait par exemple dans le district du Sommerset sud en Angleterre en informant de manière égale tous les agents concernés (riverains, pêcheurs, protecteurs de la nature, adeptes des sports d’eau vive) et la population en son entier, une municipalité peut faciliter la mise en service dans un climat serein et avoir la fierté de participer à la réduction des émissions de CO2. Les mairies qui possèdent un patrimoine hydraulique devraient donner l’exemple.(4)
Au-delà de l’exploitation d’installations existantes, peut-on encore envisager des créations de centrales ex-nihilo ?
Les améliorations techniques dans les domaines des turbines, des moyens de contrôle et de la régulation, l’utilisation d’engins de travaux publics spéciaux font envisager, bien sûr, d’équiper des sites dans des endroits jugés autrefois trop difficiles d’accès et ceci dans le respect de la vie piscicole, des espèces protégées et du milieu naturel. Ceci explique pourquoi Ibai-Errekak lutte depuis plus de deux ans pour que maints torrents des hautes vallées basques et béarnaises ainsi que la Nive ne soient pas perdus pour ce potentiel en raison d’un classement dans la liste 1 (aucun nouveau projet possible).
Existe-t-il des exemples de réalisation desquels nous pourrions nous inspirer ?
Les lecteurs d’Enbata particuliers ou élus mettront à profit la consultation de notre site Internet www.ibai-errekak.fr pour prendre contact, visualiser la localisation des huit sites accompagnés pour une étude de faisabilité et s’enquérir si besoin de l’état d’avancement de leur installation. En outre, plusieurs microcentrales de Soule, de Garazi et Baigorri reçoivent régulièrement des visiteurs (étudiants et autres …) qui repartent enchantés de la qualité de ces équipements.
(1)Revue Moulins de France N°72: 3.000 «tournants», un même site pouvant, il est vrai, en exploiter 2 voire 3, sont répertoriés en 1890 dans les Basses-Pyrénées. Ces moulins ne se consacraient pas tous, tant s’en faut, à la meunerie. Leurs roues pouvaient actionner, outre des meules, des fouloirs, des scies, de petits ateliers de mécanique.Peu de ces sites sont, encore, en exploitation. Un petit nombre seulement se sont équipés de turbines et d’alternateurs et débitent dans le réseau général électrique français. Un certain nombre ont été transformés en gîtes ruraux, quelques-uns se sont équipés pour produire, eux-mêmes, leur électricité.
(2)Rôle des collectivités territoriales dans le soutien public aux énergies renouvelables ; exemples en Europe et en France dans Etudes Climat N°30 : «Pour financer le fonctionnement d’un tel pôle sans aucunement hypothéquer les ressources des associations fondatrices, outre les subventions qu’il pourrait recevoir d’un certain nombre de collectivités départementales, régionales»
(3)Livre blanc du Plan Climat Energie Territorial Pays Basque : «Le problème du maintien d’une population active en zone rurale et donc la possibilité de générer des activités économiques doivent être traités en priorité. Il ne faut pas, sous prétexte d’écologie, préférer une activité de loisirs aux réalités économiques. Faute de quoi l’on perdra sur les 2 tableaux, car nos campagnes, retournant à l’état naturel par suite de la désertification, redeviendraient inhospitalières.»
(4)Directive européenne du 23 janvier 2009 : «le passage à une production électrique décentralisée… favorise également le développement des collectivités locales et la cohésion au sein de celles-ci, via de nouvelles sources de revenus et la création d’emploi à l’échelon local…». Information consternante de fin mai dernier : l’Agence de l’Environnement et d la Maitrise de l’Energie (ADEME) communique qu’elle ne participe plus dorénavant aux études de faisabilité.
Excellent article. J’y ajouterai la source inépuisable que constitue la houle de l’Océan uniquement utilisée aujourd’hui dans le sport et l’industrie touristique. Mutriku possède depuis deux ans une centrale houlomotrice produisant 600 MW
http://www.caminospaisvasco.com/Profesion/Obras/central-oleaje-mutriku/central-oleaje
la production et la distribution d’énergie est une compétence des EPCI; Voir les nombreux réseaux de chauffage urbain. Ou Perprignan et son projet d’autonomie énergétique Le nouveaux pole peut se saisir de ce dossier et développer, la production et la distribution . C’est pas une compétence obligatoire ce qui suppose, la volonté de l’inclure dans les statuts , comme la volonté d’inscrire un budget avec la recherche de fond européenne et étatiques, pour la transition énergétique. Ce cadre non contraignant octroyé par le ministre la société civile devra exiger des politiques la rédaction de statuts, l’affectation de budget et la mutualisation de moyens et de l’autonomie face à l’etat dans le fonctionnement .
la production et la distribution d’énergie est une compétence des EPCI; Voir les nombreux réseaux de chauffage urbain. Ou Perpignan et son projet d’autonomie énergétique Le nouveaux pole peut se saisir de ce dossier et développer, la production et la distribution . C’est pas une compétence obligatoire ce qui suppose, la volonté de l’inclure dans les statuts , comme la volonté d’inscrire un budget avec la recherche de fond européenne et étatiques, pour la transition énergétique. Ce cadre non contraignant octroyé par le ministre la société civile devra exiger des politiques la rédaction de statuts, l’affectation de budget et la mutualisation de moyens et de l’autonomie face à l’etat dans le fonctionnement .