« Il y a aujourd’hui une occasion inédite de paix durable au Pays basque, que Paris et Madrid doivent mettre à profit« . C’est ce que mentionne l’Edito du Monde du 22 février qu’Enbata.info reproduit en intégralité ci-dessous. L’Edito date du lendemain de la déclaration de la Commission Internationale de Vérification (CIV) qui certifiait que l’ETA avait mis hors d’usage une partie de son arsenal dans le cadre d’un processus de désarmement. Les voix en faveur du processus de paix se sont multiplié ces trois derniers jours, de Bill Clinton, l’ancien Président des Etats-Unis mentionnant « les bonnes nouvelles venant du Pays Basque » en espérant que « le processus de paix irait de l’avant » à Lula da Silva, l’ancien Président du Brésil soulignant son attachement à la Déclaration d’Aiete… en passant par l’Edito du Monde.
Les membres de la Commission de Vérification (CIV) ont été convoqués par un juge espagnol dès le 23 février et entendus le 24 en tant que témoins (sur les détails de leur rencontre avec les membres de l’ETA). Les experts internationaux de la CIV ont à nouveau souligné qu’il y a une réelle opportunité de mener à bien le processus de désarmement de l’ETA mais que cela passe par l’aval et l’appui d’organisations Etatiques légitimes en la matière.
« Au Pays basque, une chance à saisir »
(Edito du Monde du 22 février 2014)
Ce n’est qu’une étape sur la voie de la résolution du douloureux conflit basque, mais c’est une étape importante et il faut la saluer.
Vendredi 21 février, à Bilbao, ville marquée par tant d’attentats meurtriers, des experts de la Commission internationale de vérification du cessez-le-feu (CIV) ont présenté à la presse les images des premières armes que l’organisation séparatiste basque ETA a accepté de détruire. Ce processus de démantèlement de l’arsenal du groupe terroriste a été engagé à la suite de l’annonce, le 20 octobre 2011, par les dirigeants d’ETA, de l’abandon de la lutte armée.
On ne met pas fin par un trait de crayon à une guérilla vieille de quarante ans, qui a ses racines dans la dictature franquiste et a causé la mort de plus de 800 personnes. Même si l’indépendantisme basque n’a plus tué depuis quatre ans, les plaies sont encore vives dans la société basque et espagnole. Les associations de familles de victimes, très actives, se sont radicalisées. Plus de 500 membres d’ETA sont toujours détenus pour actes terroristes, dispersés dans les prisons d’Espagne et de France pour les empêcher de s’organiser.
Mais les progrès depuis deux ans sont réels. La peur a disparu du Pays basque, où la plupart des élus circulent à présent sans garde du corps. La gauche « abertzale », ou patriote basque, a décidé de jouer le jeu démocratique et institutionnel pour défendre ses revendications indépendantistes, et elle s’y tient. Le gouvernement autonome basque a mis en place un plan de paix pour superviser les efforts de reconstruction et de réconciliation. Au sein de la société civile elle-même, des initiatives courageuses s’emploient à combler le fossé entre victimes et ex-terroristes. Malgré le ressentiment encore à fleur de peau, les Basques de tous bords veulent tourner la page de la violence, de l’intimidation et de la répression.
C’est dans ce contexte qu’intervient le travail de la CIV. Déjà impliquée dans les processus de résolution de conflits en Afrique du Sud, dans l’ex-Yougoslavie et en Irlande du Nord, cette institution est respectée et fait un travail essentiel.
Malheureusement, et contrairement au gouvernement britannique qui avait donné son aval à la supervision de la Commission pour le processus de désarmement de l’IRA, l’organisation indépendantiste irlandaise, Madrid ne reconnaît pas le rôle de la CIV. Le gouvernement de Mariano Rajoy dénonce ce qu’il considère comme une « mise en scène » orchestrée par les indépendantistes basques et souligne que les armes présentées vendredi comme détruites ne constituent qu’une fraction des stocks en possession d’ETA.
En Irlande du Nord, le désarmement total de l’IRA, achevé en 2005, a pris quatre ans. M. Rajoy doit prendre exemple sur l’expérience nord-irlandaise, qui reste à mettre au crédit de Tony Blair et du réalisme des dirigeants de Sinn Féin, proches de l’IRA.
Il y a aujourd’hui une occasion inédite de paix durable au Pays basque, que Paris et Madrid doivent mettre à profit. Au geste accompli par ETA avec ce début de désarmement, le gouvernement espagnol devrait répondre par la fin de la politique de dispersion des prisonniers basques, très mal vécue par les familles et source de tensions permanentes. Jamais ETA n’a été aussi faible, jamais elle n’est restée aussi longtemps sans tuer. Il ne faut pas laisser passer cette chance.