Lors du dernier conseil municipal à Bayonne, le groupe d’opposition Bayonne ville ouverte a profité de l’installation de la statue Arbolaren egia pour ouvrir une polémique sur la commémoration du désarmement du 8 avril 2017. Au-delà de l’opportunisme politicien compréhensible en cette période déjà préélectorale, des arguments dont l’impact n’est pas négligeable ont été décochés par certains.
Ainsi, c’est l’élu communiste Alain Duzert qui a ouvert le feu en envoyant le premier Scud : “Nous n’étions pas en guerre”. Alain Duzert ne voit pas de conflit en Pays Basque. A vue d’oeil, cela signifie donc qu’il ne faut apercevoir dans la violence politique de ces dernières décennies en Pays Basque qu’une problématique de “terrorisme” qui ne saurait donc être traitée que par le biais d’une réponse judiciaire et policière “ferme et déterminée” de l’État de droit. A partir de là, les protocoles qui relèvent des processus de résolution des conflits n’ont pas lieu de s’appliquer en Pays Basque. Et les concepts clés qu’ils utilisent tels que ceux de démocratie, dialogue, vivre ensemble, réconciliation, reconnaissance des victimes, etc. seraient de trop ici.
Cécité partagée
Il est intéressant de remarquer que des experts internationaux comme Kofi Annan aient vu un conflit en Pays Basque qui nécessite selon eux un processus de paix. Il est même assez cocasse de constater que parmi ceux-ci, un ancien secrétaire général d’Interpol – Raymond Kendall – perçoit la nécessité de protocoles de résolution des conflits qui dépassent le seul traitement policier et judiciaire. Par ailleurs, il est assez étonnant d’observer que l’on retrouve cette même cécité chez les responsables du PP dans l’État espagnol. Pour eux non plus il n’y pas eu de conflit en Pays Basque. Et même si comparaison n’est pas raison, les élus communistes ne me semblent pas disposer de l’acuité nécessaire pour se rendre compte que, dans une situation telle que celle de la Catalogne, cette même cécité amène tout autant à récuser les concepts de démocratie, dialogue, vivre ensemble, réconciliation, etc., pour n’avoir recours qu’à une action judiciaire et policière “ferme et déterminée” en réponse à une problématique où le “terrorisme” a été remplacé par un délit de “rébellion”.
La myopie partagée entre certaines franges de la gauche et de la droite sur les conflits liés à des problématiques de reconnaissance des droits des Peuples m’a toujours déconcerté. Les élus communistes n’observent pas de conflit en Pays Basque…
Ce n’est finalement pas très étonnant, car ils n’en n’avaient pas vu non plus dans un contexte beaucoup plus violent qu’a été celui de la guerre d’Algérie. En mars 1956, le groupe communiste emmené par Jacques Duclos votait les pouvoirs spéciaux à l’armée en Algérie, ce qui se traduisit notamment pour un usage systématique de la torture lors de la bataille d’Alger (1957).
L’Histoire remet chacun à sa place
En 1959, un an après son arrivée au pouvoir, et son discours où il affirmait aux pieds-noirs d’Algérie “je vous ai compris !”, De Gaulle tournait casaque, et se référait dans une allocution télévisée au “droit des Algériens à l’autodétermination”. Au travers d’un regard historique, il est ainsi assez fascinant de contempler le peu de clairvoyance des communistes sur ce type de conflits, alors que certains politiques à droite et au centre-droit, mais aussi certains socialistes arrivent à visualiser les solutions qu’ils requièrent.
Toute proportion gardée (car le conflit basque et la guerre d’Algérie ne sont pas de même intensité), c’est aussi ce qui se passe ici même : les élus communistes n’y voient pas de conflit, mais certains élus de droite, du centre-droit, et aussi certains socialistes perçoivent comme nécessaire leur soutien à la dynamique d’un processus de paix.
Quoi qu’il en soit, dans ces débats il faut savoir faire preuve de patience, car l’Histoire finit toujours par remettre chacun à sa place. Dans vingt ans nous pourrons scruter la façon dont les uns et les autres évoqueront les “événements” du Pays Basque.
Par ailleurs, sur ces difficultés à adopter face à des situations historiques un point de vue bénéficiant du recul nécessaire, on peut se référer à la réflexion développée par Iñaki Egaña (l’auteur du livre Le désarmement, la voie basque) dans un récent article d’opinion publié dans Gara (Voir : Un desarme singular, du 10/03/2018). En tant qu’historien, il aboutit à la conclusion suivante : “potroak ikusi eta arra !”
Les propos horribles tenus par Alain Duzert, lors du dernier conseil municipal bayonnais, n’engagent que lui, et quelques autres communistes, pas TOUS les communistes, et heureusement ! Si ces gens là, comme d’autres à droite, ou à gauche, ont décidé de rester braqués avec un logiciel » erroné » du XXème siècle, c’est leur problème, n’oublions pas, par exemple, qu’Yvette Debardieux, élue COMMUNISTE, de la ville de Saint Jean de Luz, sur une liste abertzale, elle, elle sait , dans quel monde et quel pays basque, nous vivons, et c’est aussi une des raisons pour laquelle elle est un militante active de Bake Bidea .. Ne mettons donc pas, cher ami Xabi Larralde, tous les oeufs, dans le même panier, certains sont pourris, j’en conviens, mais avec d’autres, nous pouvons faire une délicieuse omelette ….basquaise ! Pour le reste, ton article résume très bien ma pensée !