Backstop

BackstopCe que n’a pu obtenir l’Armée républicaine irlandaise (IRA), ce que n’ont pu obtenir Bobby Sands et ses 10 compagnons morts d’une grève de la faim, c’est l’Europe qui va l’obtenir, à savoir le transfert de la frontière terrestre entre les deux Irlande sur le bras de mer qui les sépare de l’île britannique. C’est ce qu’a proposé le négociateur européen, Michel Barnier, à Theresa May, Premier ministre de Londres, un “backstop”, un filet de sécurité pour ne pas dire frontière.

Deux ans après le référendum sur le Brexit, 23 juin 2016, que le Royaume-Uni a voté à 52%, son gouvernement conservateur est venu au dernier sommet européen des 19 et 20 septembre, à Salzburg (Autriche), plaider un Brexit le plus doux possible, soit le maintien dans le marché unique qui assure 50% de ses exportations, sans accepter pour autant la libre circulation des personnes qui va de pair.

Cette dérogation unique dans l’UE permettrait de poursuivre la coexistence économique entre les deux Irlande, l’Ulster rattachée à Londres et la République d’Irlande. D’autant qu’en plus de la paix en Irlande du Nord, les accords du Vendredi saint de 1998 avaient donné aux personnes qui y étaient nées, outre un passeport britannique, le droit à un passeport irlandais. La disparition de la frontière physique entre les deux Irlande permet à tous les habitants de l’île de travailler et d’échanger sans aucune contrainte administrative sur l’ensemble de l’Irlande tout comme d’utiliser indifféremment l’euro ou la livre sterling.

Theresa May et le parlement de Londres savent que le Brexit “doux” sollicité de l’UE ne peut se concevoir qu’en incluant l’Irlande du Nord car sans cela on recréerait la frontière avec la République d’Irlande qui elle resterait membre de l’UE. C’est pourquoi l’UE propose ce filet de sécurité maritime dit “backstop”.

Si ce “deal”, cet accord a minima, est refusé par Londres, c’est alors le divorce total avec l’Union, donc le retour à la frontière irlandaise.

A- t-on encore le temps de choisir son Brexit alors que le 29 mars 2019 tout doit être consommé comme voté par le parlement britannique avec le règlement accepté de plusieurs dizaines de milliards d’euros, soit le restant dû au budget de l’Union ? On voit combien est cornélien le choix de Theresa May, d’autant que sa courte majorité aux Communes tient au vote des dix députés unionistes (protestants) d’Irlande du Nord.

Mais au-delà du choc économique prévisible, de l’affaiblissement du magistère financier mondial de la City, du sort des centaines de milliers de ses expatriés vivant en Europe et des Européens vivant en Angleterre, des bouchons douaniers rétablis par les 4,8 millions de véhicules légers, 73.000 autocars, 4,2 millions de poids lourds transitant actuellement sur la Manche, tout cela annonce peut-être la fin du Royaume Uni qui est inscrit dans un “no deal”. Il s’agit tout simplement de son éclatement.

D’abord l’Irlande du nord où les accords du Vendredi saint entre l’IRA Sinn Féin et le gouvernement de Londres en 1988 prévoient, à terme, la réunification de l’île. Pour cela, si une majorité nouvelle apparaît en Ulster, un référendum est prévu dont Londres s’est engagé à respecter le verdict. Or, l’on sait déjà que les électeurs de l’Ulster ont voté à 56% contre le Brexit et que les partis catholiques remportent les élections partielles grâce à l’inversion de la démographie en leur faveur. Si on ajoute à cela le traumatisme économique et civique d’un retour de la frontière, tout porte à croire au détachement progressif et pacifique de l’Irlande du Nord afin d’éviter le retour aux violences qui avaient atteint le coeur de Londres.

Sur le front écossais, ce n’est guère mieux. Il y a quatre ans, le 18 septembre 2014, les Ecossais avaient rejeté par référendum l’indépendance parce que tous les leaders anglais, conservateurs, travaillistes, libéraux, avaient assuré que le refus de la séparation était le meilleur moyen de rester dans l’UE. Or, le Brexit entraîne l’Écosse hors de l’Union, alors qu’elle a, contrairement aux Anglais, voté contre à 62%. Aussi, a- ton vu la Première ministre d’Écosse, Nicola Sturgeon, participer ostensiblement, il y a trois semaines à Londres, à la plus grande manifestation d’après-guerre, 700.000 personnes estimées, contre le Brexit. D’ailleurs, l’option d’un nouveau référendum pour l’indépendance écossaise est quasiment inscrite après l’échéance du 29 mars prochain. Theresa May ayant parfaitement pris la mesure de ce délitement profond de la Grande- Bretagne, tente une ultime manoeuvre de sauvetage : le prolongement de la période transitoire, soit un an de plus, le temps nécessaire à préparer les cerveaux insulaires à la dernière étape de la décolonisation de l’Empire, celle de l’intérieur. Le peuple, qui a créé le premier parlement démocratique, écrit l’habeas corpus, suscité la révolution industrielle, inspiré notre mode de vie, ses week-ends et ses disciplines sportives devenues universelles, ce peuple-là aura sûrement suffisamment de pragmatisme pour protéger son confort matériel en sacrifiant s’il le faut sa souveraineté sur ses dernières colonies de l’intérieur. La construction européenne n’est-elle pas un nouveau rapport entre ses vieilles nations ?

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Comme annoncé lors de l’université du R&PS (Région et peuples solidaires) à Bayonne, un huitième groupe parlementaire (15 députés minimum) a été créé le 17 octobre à l’Assemblé nationale, dénommé “Libertés et territoires”, avec nos amis, le Breton Paul Molac et les trois élus corses. Cela préfigure une présence aux européennes du printemps, intégrée à la liste EELV dans l’esprit des anciens eurodéputés Max Simeoni et François Alfonsi. Une voie pour les abertzale ?

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Une réflexion sur « Backstop »

  1. En Irlande du Nord l’opposition n’est pas entre les catholiques et les protestants. Il n’y pas de guerre de religion. La coupure est entre les Irlandais et les descendants des colons Anglais installés en Irlande. Ces derniers se sentent Anglais et non Irlandais. Il se trouve qu’ils sont majoritairement anglicans comme la majorité des Anglais et que les Irlandais du Nord sont majoritairement catholiques comme ceux du sud, mais ce n’est pas cela qui est à l’origine du conflit.

    Xipri

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