Dans son discours de politique générale le 8 avril devant l’Assemblée nationale, le nouveau premier ministre, Manuel Valls, a annoncé le big bang territorial de la France. Sacré coup de pied dans le fameux millefeuille que l’on devait simplifier mais qui, au contraire, s’est enrichi d’une nouvelle strate avec la création des métropoles. De tout le plan de redressement économique développé par le premier ministre, par la mise en oeuvre du pacte de responsabilité et ses 50 milliards de baisse de dépenses publiques, seul le découpage radical des collectivités locales est une réforme de structure d’ampleur. Que l’on en juge: réduction de moitié du nombre des 22 régions métropolitaines d’ici 2017, suppression des Conseils départementaux avant 2021 et suppression de la clause de compétence générale aux régions et départements. Si ce séisme se réalise, que devient alors notre revendication institutionnelle d’une collectivité territoriale spécifique à Iparralde?
Dans le schéma actuel, nous ne connaissons, hélas, que l’échec encore chaud de la revendication pourtant portée par un large consensus au Conseil des élus. Le dialogue à peine amorcé avec la ministre en charge du dossier, Marylise Lebranchu, a tourné court. La nouvelle donne de Valls ne peut pas être pire. Tout au contraire, elle devrait nous permettre de rebondir parce que dans le remue-ménage à venir, les pesanteurs jacobines et les rentes de situation sont tellement remises en cause que des opportunités doivent apparaître et doivent être saisies. Contrairement aux réactions premières, ce big bang ne relève pas de l’ordre constitutionnel dont il est vain d’imaginer la modification par approbation des 3/5èmes des parlementaires réunis en congrès. En effet, le département est inscrit, comme la commune et la région, au titre des collectivités locales dans la loi suprême. Mais il ne s’agit pas de le supprimer, mais bien, habileté politique, de supprimer son assemblée élue. Et cela ne relève que de la loi.
Ainsi, rien ne dit que dans les zones urbaines, les métropoles ne puissent assurer les politiques de solidarité des Conseils généraux et que les régions gèrent les routes et les collèges. Déjà, la métropole Grand Paris quasiment sur les rails effacera les départements inclus dans le périmètre. Dans les zones rurales, en revanche, géographiquement éloignées de l’irrigation socio-économique des métropoles, là où les intercommunalités n’ont pas la taille suffisante pour se substituer aux compétences du conseil général, les départements et leurs assemblées pourront être maintenus. Il y a donc fort à parier que le département, sujet de droit toujours inscrit dans la constitution, puisse continuer à exister ici ou là en fonction de la réalité des territoires. Cela pourrait modifier les comportements traditionnels et le dogme républicain d’uniformité pour aller vers des choix de collectivités à la carte. La suppression de la compétence générale au profit de compétences spécifiques et exclusives brise, elle aussi, cette vision jacobine égalitariste. Il y donc là des leviers insoupçonnés pouvant convenir à une institution spécifique propre au Pays Basque.
Lorsqu’on sait que la quasi-totalité des présidents de Conseils généraux et régionaux siège au Parlement, on peut légitimement douter de la mise en oeuvre sans résistance de cette révolution territoriale. Comme on doit tout autant redouter son approbation par référendum local au vu des piteux résultats des scrutins d’Alsace et de Corse. Par ailleurs, rien ne garantit la longévité de ce gouvernement et la fidélité de sa majorité parlementaire à échéance 2021, comme programmée. Faut-il pour autant parier sur l’incapacité des Français à adapter leurs pouvoirs publics aux évolutions de leur démographie et de leur économie sans crier au viol sacrilège des tables de la loi de la révolution de 1789? La situation de faillite de l’Etat a désormais intégré les mentalités des citoyens et des élus. Les consciences individuelles et collectives sont au pied du mur. Tout peut être possible. Y compris la prise en compte de notre spécificité pour peu que nous ayons la conviction que l’heure des grands bouleversements est venue.
Dimanche 25 mai, je veux que mon bulletin de vote participe à la construction d’une Europe fédérale des peuples. En l’absence d’un candidat abertzale de gauche, je l’utiliserai donc pour permettre à José Bové de poursuivre son action au Parlement de Strasbourg.