Le peuple breton, organe de l’UDB, Union démocratique bretonne, le 14 février 2023
Quimper Cornouaille Développement (QCD) est une agence d’urbanisme et de développement qui conseille en matière d’aménagement du territoire dans le sud-ouest de la Cornouaille, de l’Aven à la pointe du Raz. Elle a publié en janvier 2023 le premier numéro de Focus Habitat. Elle y traite la question des logements meublés de tourisme et son constat est sans appel : en Basse-Cornouaille, l’accélération de ce type de service est fulgurante.
Les résultats proposés dans ce document se basent sur les travaux statistiques d’une entreprise américaine qui se nomme AirDNA. Celle-ci fournit des conseils et des statistiques aux futurs propriétaires de meublés touristiques pour les aider dans leur choix. Elle propose, par exemple, de repérer les zones les plus lucratives pour acheter les biens en conséquence, de créer des stratégies de prix personnalisées en tenant compte de la saisonnalité, des taux d’occupation, des prix du marché… Elle étudie les annonces des plateformes de location en ligne Airbnb et Homeaway.
L’agence QCD tient à rappeler d’abord dans son document qu’il s’agit d’un phénomène français. En 2019, il y avait un million d’annonces, soit quatre fois plus qu’en 2015. Mais le phénomène est plus fort dans certaines régions, par exemple en Bretagne. Tellement plus fort qu’en 2020, la Région Bretagne était passée devant la région Île-de-France avec près de 7,5 millions de nuitées (PACA et Nouvelle-Aquitaine sont de loin en tête avec plus de 15 millions de nuitées pour la première).
Accélération du phénomène : +30 % entre 2019 et 2022
En Bretagne administrative en juillet 2022, il y avait 70.650 annonces de logements entiers ou de chambres disponibles sur Airbnb et Homeaway selon AirDNA, dont 7.915 offres soit environ 9 % en Basse-Cornouailles. Deux offres sur trois se concentrent dans les trois intercommunalités du sud : Concarneau Cornouaille Agglomération, Pays bigouden sud et Pays fouesnantais. Le tableau ci-dessous, tiré du feuillet de QCD, est assez clair sur l’ampleur du phénomène, avec une hausse de 30 % sur toute la Basse-Cornouaille et même un pic à +40 % dans la communauté de communes de Douarnenez.
Bientôt 900 logements concernés à Concarneau
Les chiffres par communes impressionnent par le nombre de logements concernés. Concarneau est devant Quimper, Fouesnant devant Douarnenez : la côte sud est particulièrement touchée par le phénomène. L’augmentation du nombre d’annonces en trois ans est importante : +326 annonces à Concarneau entre 2019 et 2022, +234 à Quimper, +296 à Fouesnant, +140 à Douarnenez…
Il faudrait ajouter 10 à 20 % pour approcher les chiffres réels
C’est QCD elle-même qui le dit, l’enquête statistique de AirDNA comporte un biais : elle ne comptabilise que les logements mis en location sur Airbnb et Homeaway. Exit Abritel, eBooking et tous les autres types de plateformes, environ 300 dans le monde. Selon l’agence, c’est entre 10 et 20 % d’annonces supplémentaires qu’il faudrait comptabiliser pour se rapprocher du chiffre réel.
Télétravail, catégorisation des logements, taxation : des évolutions à anticiper
L’agence QCD remarque l’apparition d’un mode complémentaire d’utilisation des logements, qui interroge. Il y a les modes de vie qui changent, notamment le développement du télétravail. Il y a aussi la manière de catégoriser nos logements : hébergement de tourisme, résidence principale, résidence secondaire. En effet, des résidences secondaires pourraient en réalité être classées «résidences principales» selon la terminologie des impôts locaux.
Certaines résidences secondaires pourraient aussi basculer dans le locatif saisonnier dans les endroits où une surtaxe de la taxe d’habitation pourrait être décidée. Le Peuple breton a recueilli le témoignage d’une femme, ayant demandé à rester anonyme, qui est propriétaire d’une résidence secondaire à Douarnenez, là où une surtaxe de 100 % devrait bientôt être appliquée.
« Pour ma part, la maison que mes arrières grands-parents ont construit, où j’ai grandi, compte beaucoup pour moi ; tant sur le plan affectif que financier. À ce jour, je paye 1.150 € de taxe foncière et 1.850 € de taxe d’habitation, soit 2.950 € par an. Avec la surtaxe, je vais passer à 3.700 € par an de taxe d’habitation, donc 4.850 € de taxe en tout ? Je n’ai pas les moyens d’y faire face. Quel sera mon choix alors ? Vendre ? Je ne veux pas m’en séparer. Mettre en location à l’année ? Aucun intérêt puisque je l’occupe toutes les semaines, les vacances et que j’en ai besoin pour ma vie associative. C’est clair que le plus simple sera de faire du Airbnb. C’est exactement ce que je ne veux pas faire. Mais je n’aurai pas le choix pour continuer à l’occuper tout en réduisant les coûts. »
Ce témoignage met en exergue le troisième point soulevé par l’agence : « La mise en place de régulations adaptées selon les territoires », qui devront éviter « les effets de report potentiels ». Le sujet n’a donc pas fini de faire parler de lui, en Basse-Cornouaille comme ailleurs en Bretagne où, de manière générale, la crise du logement s’aggrave.