Il n’a pas vraiment déclaré l’indépendance de son pays et laisse la question ouverte. Le gouvernement espagnol est furieux devant un tel machiavélisme. Il le somme de retirer son projet avant le 16 octobre.
Le 10 octobre, le président de la Catalogne n’a pas déclaré l’indépendance de la Catalogne comme annoncé par certains le 10 octobre. Pas de grand discours solennel devant son parlement… mais il dresse un bilan du référendum du 1er octobre, «assume le mandat pour que le peuple de Catalogne devienne un Etat indépendant sous la forme d’une république» et «suspend les effets de la déclaration d’indépendance pour que durant les prochaines semaines, nous entreprenions un dialogue» avec Madrid.
Cette prise de position déçoit une partie de ses partisans, mais elle est très habile. Il est en position de force avec une majorité au parlement, deux référendums réussis malgré les énormes obstacles mis en place pour les freiner ou les anéantir et le comportement scandaleux de la police espagnole lui a fait gagner des points, dans son pays comme à l’étranger.
Carles Puigdemont veut profiter le plus longtemps possible d’un rapport de force qui n’a jamais été aussi favorable, il veut gagner de temps et obtenir une médiation, en particulier de la part d’autres Etats et des institutions européennes. D’autant qu’il connaît les limites juridiques et politiques d’une déclaration d’indépendance pure et simple. Nous avons évoqué assez longuement cette hypothèse la semaine passée (1).
Pour l’instant, l’Espagne verrouille toujours les choses et rien ne bouge du côté des Etats européens ou de Bruxelles. Europe des Etats oblige. Le scénario d’une solution négociée comme pour l’indépendance de la Slovénie, de la Tchéquie ou de la Slovaquie n’émerge pas. La restructuration des institutions espagnoles sous la forme d’une souveraineté association, d’un Etat fédéral ou confédéral, encore moins. La formule de l’Etat suisse, en somme.
Le calibre 155 sur la tempe
Mariano Rajoy ne s’y est pas trompé. Le premier ministre espagnol a compris que cette indépendance en suspens donnait de l’air à son adversaire. Aussi, il lui a mis le calibre 155 sur la tempe : Carles Puigdemont a huit jours pour retirer explicitement sa déclaration d’indépendance. S’il ne le fait pas, il subira les foudres des institutions espagnoles : suspension du statut d’autonomie par l’article 155 de la Constitution et d’autres procédures tout aussi brutales. Madrid a fait sortir ses partisans dans la rue à Barcelone le 8 octobre et en a remis une couche en Espagne le 12, jour férié pour fêter la guardia civil. Ces deux manifestations ont un peu plus exacerbé le nationalisme espagnol et l’indivisibilité du royaume. Tous unanimes derrière le roi, la police et l’armée, telle est la clameur qui s’élève.
Le 11 octobre, le premier ministre PP et son opposant socialiste Pedro Sanchez, se sont mis d’accord pour mettre en oeuvre le fameux article 155, si les Catalans ne retirent pas leur projet d’indépendance. Ils promettent de réformer la Constitution et en même temps dans les six mois, mais sans préciser le contenu de sa modification. Mariano Rajoy voudrait faire d’une pierre deux coups, constituer un gouvernement d’union nationale pour mieux résister à l’offensive catalane. Il ne dispose pas de majorité aux Cortés et cela lui permettrait de faire voter son prochain budget.
Désormais, la prochaine manche aura lieu le 16 octobre, date à laquelle, Carles Puigdemont répondra sans doute à Mariano Rajoy.
(1) Beaucoup de bonnes âmes s’élèvent en Espagne et en Europe pour critiquer l’ambigüité de Carles Puigdemont. Il s’agit en réalité d’une pratique politique courante : la dernière prise de position des USA le 13 octobre sur l’accord sur le nucléaire iranien relève de ce type de démarche. Le président des Etats-Unis refuse de certifier définitivement l’accord, il le fera tous les 90 jours devant le Congrès. Il laisse les choses en suspens.