Le code du travail c’est “l’indice du degré de développement d’une civilisation” et sa casse c’est “Mad Max à la porte des entreprises” nous dit Gérard Filoche, retraité de l’inspection du travail, militant à la CGT et membre du bureau national du PS. Impliqué dès le mois de janvier contre la Loi travail, l’ancien inspecteur du travail donnera, à l’invitation de Bizi!, une conférence à la Bourse du Travail de Bayonne le vendredi 10 juin à 19h. Il répond aux questions d’Alda! qui publie aussi la pétition de Bizi! demandant aux députées Capdevielle et Alaux de signer la prochaine motion de censure de gauche et écologiste contre la loi Travail.
On vous sent remonté contre le projet de loi travail. Que contient ce projet ?
Il contient tout le venin possible et imaginable d’un texte voulu par le Medef et par Bruxelles, mis en route ici par Hollande, Valls et Macron, pour casser 100 ans de code du travail, pour faire travailler plus, gagner moins et licencier plus facilement 18 millions de salariés de ce pays. Non seulement le texte n’a pas été amendé, ni “équilibré” mais il a été aggravé entre le 49-3 et son retour au Sénat.
En fait depuis cent ans, depuis la tragique catastrophe de Courrieres en 1906 et la naissance du Code en 1910, en France, on oeuvrait républicainement à adapter les entreprises aux droits de la femme et de l’homme au travail. Jusqu’à ce que François Hollande annonce dans sa conférence de presse de septembre 2015 qu’il allait “adapter les droits du travail aux besoins des entreprises”.
En une seule phrase c’est une coupure épistémologique, une rupture historique, théorique, juridique et pratique fondamentale. Valls l’avait précisé : “Ce n’est pas une réformette, c’est une révolution”. En effet c’est une contre révolution. Car en effet, il n’y a pas trois branches à l’alternative : soit on adapte les entreprises aux humains, soit on adapte les humains aux entreprises.
Soit on protège les salariés des exigences de la productivité, soit on les y soumet. Soit on fait priorité aux besoins des humains, soit aux exigences économiques : en l’occurence les deux paraissent s’opposer actuellement en matière de salaire, de durée du travail, de santé, d’hygiène, de sécurité, de respect, de dignité au travail.
Le contrat de travail est un lien de subordination juridique permanent, il a une contrepartie juridique, légale, c’est le code du travail. Le code du travail, c’est l’ordre public social, l’Etat de droit dans l’entreprise, les lois de la République qui l’emportent sur les exigences du marché.
La loi Uber El Khomri c’est la fin de l’état de droit, de l’ordre public social, du droit universel des femmes et des hommes au travail.
C’est la fin de l’organisation internationale du travail, de la recherche d’un droit planétaire ou les lois du travail seraient constitutives du droit de la concurrence. C’est le système rabaissé au contractuel, aléatoire, soumis boutique par boutique, entreprise par entreprise, aux pouvoirs de chaque patron. Dans le même quartier, dans la même branche, à trois rues d’intervalle, les entreprises pourront décider du taux des heures supplémentaires et donc, les abaisser : il s’agit de diminuer ces taux de 25% à 10% voire de les “compenser” à taux zéro au lieu de les “majorer” Des millions de salariés vont perdre beaucoup de salaire tout en travaillant beaucoup plus.
Quelles sont les alternatives ?
Il n’y en a aucune, à part le retrait de cette loi qui n’aurait jamais dû voir le jour, que nul ne demandait, et que nul n’a voté. Car tous les articles sont scélérats, pas seulement l’art. 2 sur la hiérarchie des normes, mais l’art. 3 facilitant les licenciements pour les multinationales, ou bien, au hasard l’art. 27 légalisant les VTC d’Uber, l’art. 52 frappant les chômeurs directement au portefeuille sur leur compte bancaire en dépit de l’arrêté du Conseil d’Etat du 15 octobre 2015. Il n’y a que des grandes et petites mesquineries, des scélératesses, pro-patronales, rien pour les salariés. Pour ceux qui sont experts, c’est un haut le coeur, on se demande comment de la part de gens issus de la gauche une telle sale loi a pu être conçue.
De vraies propositions prioritaires pour reconstruire le code du travail auraient à coeur de réduire la durée légale et maxima du travail (32h légales, 40h maxima, semaine de 4 jours de travail, dont 2 jours de repos consécutifs par semaine), de stopper la précarité en instaurant un plafond de précaires par entreprise, d’établir un nouveau contrôle administratif sur les licenciements, de réguler la sous-traitance, de redévelopper la démocratie syndicale et sociale, de renforcer les moyens et les pouvoirs des instances représentatives du personnel, de développer l’hygiène et la sécurité au travail, de stopper les discriminations, de favoriser une vraie Sécurité sociale professionnelle (avec la mise en oeuvre pour les salariés comme pour les chômeurs temporairement privés d’emploi quatre droits fondamentaux (droit au reclassement, droit au revenu, droit à la protection sociale, droit à la formation continue), de renforcer les moyens de l’Inspection du travail.
Comment gagner la bataille ?
Dès le mois de janvier (au début j’ai cru que c’était un faux tellement cela me paraissait abominable) dès que j’ai eu connaissance précise du texte, en février, dès que j’en ai fait avec mon ami Richard Abauzit, une critique détaillée, j’ai dit que cela méritait une grève générale avec occupation des entreprises. J’espère qu’elle va se produire.
Des millions de salariés, hélas, ne savent pas encore qu’ils vont souffrir dans leur chair, dans leur vie intime, dans leurs droits essentiels, dans leurs salaires rabaissés, de ce texte ignominieux. Le code du travail, c’est l’indice du degré de développement d’une civilisation, là on en prend un sérieux coup, un siècle de recul, c’est Mad Max à la porte des entreprises. Il faut donc, ce que je fais tous les midis et tous les soirs, dans toute la France, expliquer, expliquer, alerter, alerter, pour contredire dans les meetings, dans la rue dans les cortèges dans les entreprises, la propagande gouvernementale, éhontée, mensongère organisée sans nuance par 95% des médias entre les mains de 7 milliardaires.
En plus Pierre Gattaz vient de traiter la CGT de “voyous” et de “terroristes” (sic) ! Les salopards de la finance, de l’oligarchie dans son genre qui se goinfrent, qui nous pillent, qui nous mentent et nous maltraitent, en plus, ils ont le culot de nous insulter.
Pourtant nous sommes majoritaires, nous avons le salariat 93% des actifs avec nous, nous avons FO, CGT, FSU, Solidaires, des secteurs de la CFDT, de l’UNSA, UNEF UNL… nous avons 85% des syndiqués et syndicats, 75% de l’opinion dans les sondages, des centaines de milliers de manifestants depuis trois mois, des entreprises occupées par dizaines, des barrages, des blocages, et le gouvernement isolé s’acharne à ne pas entendre. Alors que dans des circonstances similaires, Balladur ou Chirac avaient déjà retiré en 1994 le texte du CIP ou en 2006 celui du CPE. Il n’empêche, le basculement, le déclic sont en train de se faire, et on est en train de réussir, le droit social de la République française ne se laissera pas assassiner comme cela ! Le mépris et la morgue du trio Hollande, Valls, Macron ne l’emportera pas.
Cette semaine les grèves s’étendent, et le meilleur moyen de les étendre encore… c’est de les étendre. C’est de partir en grève partout dans tous les secteurs et d’occuper toutes les entreprises, tous ensemble.
Pétition adressée à Mmes Colette Capdevielle et Sylviane Alaux, députées de la côte basque
Mmes les députées de la côte basque, signez à votre tour la motion de censure de gauche et écologiste contre la loi travail !
Fin juin, le projet de loi El Khomri reviendra en seconde lecture devant l’Assemblée nationale, où vous siègez. Le gouvernement utilisera alors à nouveau l’article 49.3 pour faire passer ce texte minoritaire, dont la majorité de la population, des acteurs sociaux et des parlementaires ne veut pas.
Lors de la première lecture, il n’a manqué que deux signatures de parlementaires pour qu’une motion de censure – seul moyen d’empêcher l’adoption de cette loi – puisse être déposée par la gauche et les écologistes.
Nous vous demandons aujourd’hui, publiquement, de signer celle qui sera à nouveau proposée afin qu’elle ait cette fois les 58 signatures nécessaires pour être officiellement déposée.
Les citoyen-n-es qui vous ont élues députées ne l’ont pas fait sur un programme incluant une telle attaque frontale contre le droit du travail et les protections des salariés. Pour ne pas se sentir trahi-e-s, ils-elles ont besoin d’un tel geste clair et sans équivoque de votre part, traduisant votre opposition réelle à ce projet de loi.
En signant cette pétition, un email sera automatiquement envoyé aux députées Mmes Colette Capdevielle et Sylviane Alaux