Je suivais sur un écran coloré et totalement souple, un documentaire sur la fin du siècle dernier, qui me rappelait toutes les petites révolutions que nous avions traversées ! Les bouleversements qui en quelques trente années avaient transformé nos façons de vivre, cela me semblait appartenir à un autre monde c’était à la fois proche et irréel.
La commentatrice rappelait le premier sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992, et l’extraordinaire mobilisation qui avait suivi… Des images un peu oubliées remplissaient l’écran, usines rejetant des fumées noires, embouteillages record aux entrées des villes, stations d’essence où le diesel prédominait, agriculture intensive dans des champs où il semblait que le tracteur n’avait pas de ligne d’horizon… ! Partout, dans cette décennie avaient éclos des Agendas 21 et de l’ONU à la plus petite bourgade l’imagination, l’innovation avaient bousculé nos certitudes ! Le commentaire rappelait combien le premier rapport du GIEC en 1990 avait fait débat, avait électrisé les 189 chefs d’Etat et de gouvernement de l’époque, il fallait sauver la maison commune et ses habitant.es, l’urgence était là.
Ce monde ancien qui faisait retour sur l’écran coloré et totalement souple, semblait se contorsionner sous mes yeux, me remplissant d’une forme d’angoisse, je perdais sans doute cette ligne de partage entre imagination et réalité.
D’autres images s’imposèrent me semble-t-il dans lesquelles je retrouvais notre existence apaisée, cet environnement soutenable que nous avons su faire émerger, un environnement qui protège mieux notre santé, où la pollution est en voie de disparition, où l’eau ce bien commun est planétairement protégé, où nos besoins de consommation ont beaucoup diminué sans que cela nuise d’ailleurs à notre qualité de vie !
J’ai un vague souvenir d’émotions très fortes, comme si la vision du monde dans lequel nous vivons, sur cet écran souple et un peu tordu, répondait à une sorte d’évasion, une chimère, un accès au surnaturel ! Mais je voulais ancrer cette réalité de 2022, elle m’échappait… et d’autres récits se superposaient et défilaient sur cet écran trop souple. On en revenait au monde d’avant celui qui aurait dû se poursuivre si nous n’avions pas eu la sagesse d’y renoncer ! Ce monde qui n’aurait apporté que des catastrophes : des sécheresses et leurs cortèges de famines, ce réchauffement implacable que nous n’aurions pu maîtriser, ces submersions des côtes et l’effondrement des falaises, ces réfugiés climatiques obligés de quitter des zones encore plus invivables que les nôtres ! Bien heureusement, l’écologie a pris le pas sur cette folie consommatrice qui nous habitait, rétablissant un meilleur équilibre entre les Humains et leur environnement, et les écosystèmes peu à peu se rétablissent nous laissant espérer qu’à l’horizon 2100, la planète offrira encore une vie possible à tous ses enfants. C’est ce que semblait enfin me dire ce documentaire, en me restituant le fil de ces combats gagnés, de cette solidarité entre terriens, qui permit d’effacer tant de drames et de conflits en nous amenant vers un meilleur monde… Cette longue bataille, lissée sur une trentaine d’années, nous a évité de nous trouver dos au mur et nous voilà assez satisfaits de laisser en héritage une Terre presque dans le même état que nous l’avons trouvée…
Le sommeil de cette fin de nuit me paraît plus calme, je m’agite moins, je me retrouve à marcher en bord de mer, tout semble calme et tranquille. Il n’y a plus et c’est un peu dommage, ces établissements où autrefois on pouvait manger les pieds dans l’eau. Un prudent recul a été nécessaire mais depuis deux ou trois années, d’après les scientifiques, les assauts de l’océan se font moins vigoureux… les efforts collectifs commencent à payer. Le 6e rapport du GIEC se veut un peu plus optimiste. Enfin !
A ce moment, une sonnerie déchire le silence et s’enclenche la radio…. des bribes de mots me parviennent… il est question de coût des énergies fossiles, de retour de la pandémie en Chine mais aussi de guerre, de famines, d’inondations, de feux précoces dans le Var ! Je repousse mentalement tout ce verbiage, tire la couette sur ma tête… Mais le type de la radio s’échine à me réveiller, à me ramener ici et maintenant… Puis tout à coup un grand bruit et le silence. Je vais devoir m’acheter un nouveau radio réveil !