Depuis quelques années, quelque chose qui pourrait ressembler, sous une forme ou une autre, à une contribution climat-énergie, fait l’actualité, mais chaque fois, pour une raison ou une autre, l’idée est rejetée. Mixel Berhocoirigoin en analyse les raisons et ouvre des pistes.
Tout le monde est d’accord pour dire que l’engagement contre le changement climatique est l’un des enjeux majeurs, un défi à relever, une exigence par rapport aux générations futures, mais, au moment de traduire cette intention louable en mesure politique, ce n’est jamais le bon moment, ce n’est jamais le bon dispositif qui est proposé, et, surtout cela porterait atteinte à la compétitivité de notre économie ! Que l’on parle de taxe carbone, de l’écotaxe, de la contribution climat –énergie, ou de la taxe sur le diesel, on retombe dans les mêmes débats, dans les mêmes démagogies. Il est vrai que la fiscalité n’est pas le sujet le plus passionnant ni le plus populaire pour faire de la pédagogie. Il est vrai qu’elle est associée à un sentiment d’injustice, tant les mesures d’exonération ou de défiscalisation permettent aux détenteurs de gros revenus d’échapper en partie à l’impôt. Pourtant, la fiscalité est l’outil essentiel d’une politique. Peut-on espérer, sur une question aussi grave que le changement climatique, un comportement qui dépasse les intérêts électoraux, pour imaginer un mécanisme fiscal incitatif aux pratiques vertueuses, pénalisant pour celles qui ont le plus d’impacts négatifs par rapport au climat et socialement juste, pour que les plus modestes ne soient pas les plus pénalisés ?
Volonté et courage
Le gouvernement actuel a-t-il la volonté et le courage de s’atteler à cette tâche ? Volonté et courage, car il faudra affronter les réactions les plus populistes, les intérêts économiques les plus égoïstes, et les productivistes qui sont présents à tous les étages de tous les pouvoirs.
En 2007, tous les candidats à l’élection présidentielle avaient signé, devant les caméras, le pacte écologique de Nicolas Hulot. La taxe carbone qui est aussi appelée “contribution climat-énergie”, qui consiste à taxer la consommation d’énergies polluantes, y figurait en bonne place. L’idée avait pourtant été abandonnée lors du Grenelle de l’environnement. Elle revint en première ligne avec le gouvernement Fillon: un projet de loi instaurant la taxe carbone et devant entrer en application au 1er janvier 2010 est retoqué par le Conseil constitutionnel, non pas sur le principe, mais parce que des secteurs très consommateurs d’énergies polluantes se trouvaient exonérés. Depuis, il y a le serpent de mer de l’écotaxe dont le dispositif avait été arrêté lors du Grenelle de l’environnement, en 2007. Elle consiste à appliquer une taxe environnementale à tous les véhicules de plus 3,5t. qui transportent des marchandises, avec l’objectif de reporter le fret routier sur d’autres modes (ferroviaire…). Cette taxe qui n’est toujours pas entrée en application, devait entrer en vigueur, d’abord en juillet, puis octobre 2013, ce sera finalement en janvier 2014, s’il n’y a pas de nouvelles prolongations !
L’attitude des lobbies agricoles est scandaleuse :
elle privilégie les intérêts commerciaux
avant ceux des paysans et des territoires ruraux
qui ne peuvent pourtant retrouver des perspectives
que dans la relocalisation des productions et de l’économie
Farouches oppositions
Car, les oppositions à cette mesure sont farouches, à commencer par le secteur de l’agroalimentaire et la Fnsea. Celle-ci ne fait pas dans la dentelle : “Il s’agit d’une atteinte à la compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires… L’écotaxe est irrecevable pour les filières agricoles…Toute l’agriculture doit être exonérée…” Rien que ça ! Pourtant, cette écotaxe est appliquée dans onze pays européens dont l’Allemagne ! L’Allemagne qui nous est tellement souvent servie comme modèle économique ! Cette attitude des lobbies agricoles est scandaleuse : elle privilégie les intérêts commerciaux avant ceux des paysans et des territoires ruraux qui ne peuvent pourtant retrouver des perspectives que dans la relocalisation des productions et de l’économie.
Enfin, l’idée d’une contribution climat-énergie pourrait réapparaître dans la loi de finances 2014. Elle pourrait représenter 7 euros par tonne de CO2 émise, pour atteindre 20€/t. à l’horizon 2020. Le principe est intéressant car elle encouragera un changement de comportement, de pratiques, et de systèmes de production, autant dans l’industrie que dans l’agriculture. Mais il faut que le produit de cette taxe soit redistribué dans l’économie au service de l’emploi et des pratiques économes en énergie. Une telle politique pourrait être plus favorable pour les agricultures paysannes, autonomes et économes. Les agricultures intensives et industrielles seraient confrontées à leur problème structurel qui est qu’elles ne peuvent se perpétuer qu’avec une consommation importante et bon marché d’énergie.
Mais, là encore, rien n’est joué, car la Fnsea est à nouveau montée au créneau auprès de Moscovici, pour lui dire tout le mal qu’elle pensait de ce type de mécanisme. Il y a tout à craindre.