Paris et le Pays Basque ne parlent pas la même langue, d’où le refus de libérer Xistor et Lorentxa, entraînant notre colère. Le soutien de nos élus et de la société civile d’Iparralde sont les nouveaux leviers permettant d’obtenir la libération des presos.
La colère est le sentiment qui prédomine au sein du mouvement abertzale après que Xistor Aranburu et Lorentxa Beyrie se soient vu refuser leur libération conditionnelle.
Peut-être il y a- t-il à la base une incompréhension mutuelle entre le Pays Basque et le pouvoir parisien…
Les mots prononcés par Emmanuel Macron lors de sa visite en mai en Iparralde restent gravés dans nos mémoires : “Le Pays Basque est pour moi un exemple, quand je regarde ces dernières années de résolution d’un conflit et de sortie des armes. Le devoir de l’État est d’accompagner le mouvement (…) Nous ne devons pas faire bégayer l’histoire, il faut l’accompagner”.
Sûrement, une trop grande différence des cultures, mais pour nous les paroles prononcées ont une telle valeur (“hitza hitz”), qu’on a du mal à concevoir comment les actes peuvent en être aussi distants.
A la veille du G7, E. Macron a voulu faire des déclarations “apaisantes”.
A postériori, elles apparaissent comme relevant du registre habituel des responsables politiques de peu d’envergure qui est celui de l’hypocrisie et du cynisme.
D’un autre côté, le pouvoir parisien n’a pas compris, ou ne veut pas comprendre l’aspect le plus fondamental qui se joue avec la libération des prisonniers. Cette attitude qui consiste à vouloir “faire payer jusqu’au bout” leur trajectoire de lutte à des militants comme Xistor et Lorentxa est ancrée dans une vision revancharde du passé.
Le pouvoir parisien n’a pas compris,
ou ne veut pas comprendre
l’aspect le plus fondamental
qui se joue avec la libération des prisonniers.
Cette attitude
qui consiste à vouloir “faire payer jusqu’au bout”.
La fin unilatérale de la lutte armée en Pays Basque s’incrit, elle, dans l’avenir. Elle constitue un pari en faveur d’un débouché démocratique pour les luttes d’émancipation de nos Peuples. Et il ne s’agit pas que du Pays Basque, mais aussi de la Catalogne, de la Corse, de l’Irlande… Car ce qui se joue ici doit être resitué dans un contexte européen au sein duquel les accords de paix en Irlande du Nord en 1998, le référendum d’autodétermination de 2014 en Ecosse ont été porteurs d’un énorme espoir, et ont rendu crédible le pari en faveur de processus démocratiques.
Refuser de libérer les prisonniers, c’est refuser d’ouvrir une nouvelle page de l’Histoire (avec un grand “H”).
Refuser de libérer les prisonniers, c’est refuser de concrétiser dans les actes ce qui a été entériné dans le discours, c’est-à-dire l’existence d’un conflit en Euskal Herri et la nécessité de sa résolution démocratique.
Avec la colère, ce refus est aussi source d’inquiétude, parce que si nous n’arrivons pas à libérer les prisonniers pour ouvrir pleinement cette nouvelle page de l’Histoire, et offrir de nouvelles perspectives démocratiques aux revendications légitimes d’autodétermination de nos Peuples, je ne sais pas comment la génération de nos enfants “métabolisera” le pari fait par leurs aînés dans la phase actuelle.
Au sens premier du terme, comme au sens figuré, il semble bien que les Basques et le pouvoir parisien ne parlent pas la même “langue”…
Par contre, au niveau d’Iparralde, il y a une très large compréhension, tant de la part des responsables politiques, que des acteurs de la société civile, de ce qui se joue avec la libération des prisonniers. Nous devons en être reconnaissants, et cette compréhension constitue le ressort qui doit nous permettre de dépasser le sentiment de colère que suscite, à chaud, le refus de libérer Xistor et Lorentxa.
L’adhésion massive de la société d’Iparralde à la résolution du conflit en Pays Basque doit être le point d’ancrage de l’activation de nouveaux leviers de mobilisations nécessaires pour construire le rapport de force qui nous fera gagner la bataille de la libération des prisonniers.