Vendredi 27 juin, le préfet, Pierre-André Durand, a présenté au Conseil des élus un projet de regroupement des 158 communes d’Iparralde devant répondre, selon lui, à la revendication d’institution spécifique. Allons-nous passer à côté de la réforme territoriale voulue par le gouvernement et nous contenter des outils existants ? Enbata invite à ce débat des personnalités locales engagées dans des partis de gouvernement, la député PS Colette Capdevielle, le secrétaire départemental de l’UMP Max Brisson et le maire de Bayonne UDI Jean-René Etchegaray. En écho, la réflexion abertzale appelée à s’incarner pour être entendue.
Depuis la révolution française, le Pays Basque revendique la création d’une collectivité territoriale. Portée par de très nombreux élus, partis politiques et acteurs de la société civile, cette revendication a connu ces dernières années une évolution très importante. En effet, les structures créées il y a 20 ans pour animer le développement du Pays Basque (Conseil de développement et Conseil des élus) se sont emparées de la question. Non par opportunisme mais par obligation. L’analyse faite avec l’appui de juristes confirmés, a mis en évidence que ce mode de gouvernance avait atteint ses limites et qu’un nouveau cap était à franchir. D’où le projet de collectivité territoriale à statut particulier adopté par le Conseil des élus en novembre 2012 suite à un avis dans le même sens du Conseil de développement en avril de la même année.
Ce projet de collectivité vise à doter le Pays Basque d’une institution gérée par des élus au suffrage universel direct, ayant les compétences d’un département, complétées de compétences
supplémentaires dans huit domaines prioritaires (logement, transport, agriculture, tourisme, économie, culture, langue basque, coopération transfrontalière) et des moyens financiers pour agir. Dit autrement, il s’agit d’avoir à l’échelle du Pays Basque une collectivité forte située entre le niveau local (communal/intercommunal) et le niveau régional.
On connaît tous le sort qui a été réservé à cette proposition. Portée par une délégation plurielle d’élus à Mme Lebranchu, ministre en charge de la décentralisation, la demande de création d’une collectivité territoriale a essuyé un refus tant du gouvernement que du parlement et ce malgré les interventions de nos parlementaires lors des débats sur la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles en 2013. En réponse à la demande faite par les présidents du Conseil des élus et du Conseil de développement pour connaître les raisons du refus du Gouvernement à la demande du Pays Basque, le premier ministre a répondu le 20 novembre 2013 en indiquant que “les outils juridiques actuels, comme ceux prévus par le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, peuvent permettre au Pays Basque de se doter d’une structure juridique renforcée”. C’est dans ce contexte que le nouveau préfet des Pyrénées-Atlantiques, nommé à la fin août 2013 dans le département, annonce que l’Etat fera des propositions en restant dans le cadre juridique existant. C’est ce qu’il a fait au Conseil des élus du vendredi 27 juin.
Chamboulement de l’organisation territoriale
Les propositions de l’Etat au Pays Basque vont s’inscrire dans un contexte de profond chamboulement de l’organisation territoriale. Les projets de lois arrêtés par le Conseil des ministres du 18 juin proposent de structurer l’armature territoriale autour de deux niveaux:
D’un côté, le niveau régional, avec 14 régions (contre 22 aujourd’hui) qui seraient dotées de compétences renforcées dans des domaines stratégiques (économie/ emploi/formation, aménagement …) et qui devraient récupérer certaines compétences des départements (voirie, collège…).
D’un autre côté, le niveau intercommunal (Communautés d’agglomération, de communes…) qui devra réunir au minimum 20.000 habitants (avec des modulations dans les zones de montagne) ce qui demandera de revisiter en profondeur le schéma intercommunal d’ici le 1er janvier 2017.
Entre les deux, le niveau du Conseil général est appelé à disparaître à horizon 2020 et ses compétences transférées à la Région (voirie, collège…) et aux intercommunalités (social) ou reprises pour partie par l’Etat.
Document présenté au Conseil des élus le vendredi 27 juin, par le préfet, Pierre-André Durand:
Deux scénarios d’organisation d’Iparralde
Cette réorganisation, si elle va au bout, va profondément changer l’organisation territoriale en France. Pour le Pays Basque, après le refus de la collectivité territoriale, cette réorganisation constitue-t-elle une menace ou une opportunité ?
A ce stade, et en dehors du maintien du dispositif associatif actuel assuré par le Conseil des élus, deux scénarios d’organisation de la gouvernance du Pays Basque sont envisageables:
– un premier, proposant de regrouper les Communautés d’agglomération et les Communautés de communes du Pays Basque dans des cadres juridiques nouveaux prévus par la loi : pole métropolitain (créé par la loi du 16 décembre 2010) ou pôle d’équilibre et de coopération territoriale (créé par la loi du 27 janvier 2014).
– un second, proposant la création d’une seule intercommunalité du Pays Basque en remplacement des 10 Communautés d’agglomération et de communes actuelles.
Ces scénarios sont-ils proches ou éloignés de la collectivité territoriale demandée par le Pays Basque ?
Le premier scénario (fédération des communautés d’agglomération et de communes) s’inscrit dans un cadre juridique qui a bougé ces dernières années. Deux formules sont prévues
par la loi.
Le pôle métropolitain, comme son nom l’indique, concerne avant tout les métropoles urbaines. Il regroupe des intercommunalités (dont une au moins compte 100.000 hab) et, si ces
dernières le souhaitent, la région et le département peuvent en être membres. Ses compétences sont définies par la loi, mais restent vagues “conduire des actions d’intérêt métropolitain,
afin de promouvoir un modèle d’aménagement, de développement durable et de solidarité territoriale”. Les intercommunalités membres définissent les compétences “d’intérêt métropolitain” qu’elles transfèrent au pôle. A ce jour, une quinzaine de pôles métropolitains ont vu le jour en France
Le pôle d’équilibre territorial et rural a vu le jour avec la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles débattue en 2013. Il regroupe uniquement
des intercommunalités et sa compétence est d’élaborer un projet de territoire définissant les conditions d’un développement économique, écologique, culturel et social dans le périmètre du pôle et précisant les actions qui seront conduites. Des missions peuvent être déléguées au pôle par les intercommunalités membres ainsi que par la région et le département, s’ils sont associés au projet de territoire. Des conventions précisent la durée, l’étendue et les conditions financières de la délégation.
Ces deux formules, si elles peuvent permettre une meilleure coordination des actions des intercommunalités et porter pour leur compte des actions, ne sont pas des collectivités territoriales mais des fédérations d’intercommunalités.
Structurées sous la forme de syndicat mixte, elles n’ont pas de réelles capacités à gérer des compétences.
Le second scénario (création d’une intercommunalité unique à l’échelle du Pays Basque) semble être la formule la plus intégrée. Dans la réforme territoriale qui est annoncée avec le renforcement du couple région/intercommunalité et la disparition du département, les intercommunalités seront amenées à devenir des acteurs majeurs dans la gestion des compétences locales. Déjà le nouveau projet de loi prévoit une révision du schéma des intercommunalités au 1er janvier 2017.
Appliqué au Pays Basque, cet établissement public de coopération intercommunal regrouperait les 158 communes du Pays Basque et serait doté de compétences transférées par les communes. A minima, il s’agirait des compétences d’une Communauté d’agglomération portant sur les enjeux de proximité (développement économique, mobilité, aménagement
de l’espace, politique de la ville, habitat, social…).
Avec la disparition attendue des départements, ce type d’intercommunalité pourrait récupérer à terme les compétences sociales du Conseil général comme cela est déjà envisagé dans les métropoles.
Par ailleurs, une intercommunalité de 300.000 habitants serait certainement en mesure de négocier avec la région des délégations de compétences dans des domaines comme le développement économique.
Pour autant, cette formule n’a pas encore les caractéristiques d’une collectivité territoriale à part entière. Elle réunit deux ingrédients sur les trois qui qualifient une collectivité territoriale (des compétences, des capacités budgétaires) mais il lui manque le troisième : la gestion par des élus au suffrage universel direct ! Mais on peut faire le pari qu’avec le chamboulement annoncé dans l’organisation territoriale, les intercommunalités seront demain les collectivités territoriales de proximité avec des élus au suffrage universel direct. Les élections fléchées pour les élus des intercommunalités aux dernières municipales en sont un avant-goût.
On voit bien que le débat sur la collectivité territoriale Pays Basque n’est pas fini et qu’il va se poursuivre mais dans un cadre qui a bougé.
Enbata s’en empare et offre ainsi la possibilité de réaffirmer la position abertzale. La question sera soit d’imaginer la création par la loi d’une collectivité Pays Basque dotée de compétences de niveau départemental, soit de construire la collectivité territoriale de demain par la mutualisation des compétences des communes et la négociation avec les niveaux supra (Etat, région) de délégations de compétences.
Le Pays Basque a su construire ses propres outils dans des domaines comme la langue, l’économie, l’agriculture. Sera-t-il en capacité de le faire dans un domaine plus complexe: l’organisation d’une collectivité territoriale de proximité forte qui est dans l’air du temps. L’avenir le dira.
Le Préfet des PA vient de présenter les possibilités d’évolution du Pays Basque
On constate que la Collectivité Territoriale souhaitée par la majorité n’y est pas mais pouvait-il en être autrement dans le contexte actuel ?
Il y a plusieurs solutions soit dans un cadre fédératif soit dans un cadre intégré.
Seules les solutions intégrées méritent l’attention.
Il y en a 2 : Communauté d’Agglomération ou Communauté Urbaine regroupant les 158 communes du Pays Basque et impliquant une fusion des EPCI actuelles.
Dans les aspects positifs :
* la reconnaissance du périmètre Pays Basque
* une fiscalisation homogène (par étapes)
* en dehors des compétences attendues à noter la coopération transfrontalière, l’action sociale…
* des compétences qui restent à définir, à négocier avec le « feu » département et la région mais évolutives dans le temps
* des compétences qui peuvent être partagées avec les communes
* une solidarité dans la réciprocité territoriale
* mais des questions en suspens comme l’agriculture, l’enseignement supérieur, les services publics
Dans les aspects négatifs :
* pas d’élection au suffrage direct
* des compétences incomplètes
* des interrogations sur le poids politique
* des lourdeurs de fonctionnement
* le rôle du Conseil de Développement et de la société civile
Conclusion :
La Communauté si elle est choisie doit être une étape vers la Collectivité.
Elle sera un bon test de la volonté des EPCI de travailler à l’échelle du Pays Basque en particulier des 2 Communautés d’Agglomération.
Y aura-t-il des résistances de certaines « féodalités » ?
A mon avis une chance à saisir si on ne veut pas rester au stade de pays.