Il est toujours difficile de présager de l’évolution de la situation politique en Pays Basque. Mais tout laisse à penser que l’année 2011 sera une année dont on se souviendra. Dans la multitude des dynamiques et des évènements qui ne manqueront pas de marquer l’actualité des mois à venir, il me semble que l’on peut discerner quatre éléments clés dont l’évolution sera déterminante pour l’avenir. Tout d’abord, le déroulement du processus politique de résolution du conflit en Euskal Herria. Après la déclaration Zutik Euskal Herria de la gauche abertzale, l’accord stratégique avec EA, l’accord de Gernika, l’annonce de trêve d’ETA, ce processus devra connaître des avancées significatives en 2011 qui impliquent aussi des pas de la part de Madrid et de Paris. C’est ce qu’exige le calendrier électoral. Ainsi, en mai prochain, auront lieu en Hegoalde les élections municipales couplées avec les élections dans les Diputacion, et en Navarre. De plus, les prochaines élections législatives dans l’Etat espagnol auront lieu en 2012, ce qui ne laisse donc pas beaucoup de temps au gouvernement Zapatero. En Iparralde, le tempo de fond est, me sem-ble-t-il, plus particulièrement marqué par les modalités d’application de la réforme Balladur. Dans un contexte où les lieux de décision sont amenés à s’éloigner encore plus du Pays Basque et où la pérennité de protocoles comme le Conseil de développement/Conseil des élus est remise en cause, l’affirmation d’un mouvement abertzale fort est indispensable. C’est là l’enjeu principal de la candidature d’EH BAI aux cantonales de mars: aller de l’avant dans le rassemblement de nos forces et libérer le potentiel de développement
du projet abertzale. Enfin, le cas d’Aurore Martin nous fait augurer une accentuation de la répression dans les prochaines se-maines qui nécessite un niveau de réaction à la mesure des pas répressifs franchis. Mais un dernier élément surdétermine selon moi l’empreinte que pourra laisser l’année 2011 dans la donne politique en Pays Basque: c’est l’évolution de la crise économique. On le voit bien en Iparralde, la voie de l’austérité financière empruntée par l’Etat français a pour pendant des régressions sociales comme la réforme des retraites mais aussi des coupes budgétaires qui impliquent une accélération du démantèlement des services publics, mo-ins de moyens dans l’éducation et le social, moins de ressources pour les collectivités locales, etc., et demain, moins de moyens pour la culture et la langue basque. Cet ensemble de mesures ne peut que fragiliser encore plus un territoire comme Iparralde qui ne bénéficie d’aucune structure politique et institutionnelle propre. Par
ailleurs, au niveau politique, cette cure d’austérité va renforcer les réflexes jacobins, l’Etat cherchant à augmenter sa ca-pacité de contrôle sur le financement des politiques publiques à quelque échelon qu’elles soient menées. La situation économique dans l’Etat espagnol est encore pire. Avec un taux de chômage qui atteint les 20%, on voit mal comment les mesures d’austérité mises en œuvre par le gouvernement Zapatero pourraient avoir d’autres résultats que celui d’enfoncer l’économie dans la récession. Car pour ceux qui en ont entendu parler, il faut savoir que la dynamique du multiplicateur mise en exergue par J. M. Keynes joue aussi en négatif: l’austérité budgétaire implique une baisse des dépenses publiques, donc une compression supplémentaire de la demande qui entraîne une réduction des activités et des investissements dans la sphère productive, ce qui à son tour, suppose des réductions d’effectifs et donc une augmentation potentielle du chômage et ainsi, une nouvelle contraction de la demande, etc. Là encore, les réactions politiques à la crise risquent de prendre la forme d’un regain de nationalisme espagnol et d’une volonté de recentraliser certaines prérogatives. En deux mots, l’année 2011 nous réserve un contexte politique d’autant plus difficile que la crise économique risque d’empirer. Mais si nous gérons bien les choses, cette année pourrait représenter un point d’inflexion historique dans la mise en forme d’un processus démocratique de résolution conflit et dans le rassemblement des forces abertzale sur l’ensemble d’Euskal Herri.