Enbata: A ses débuts Alki a fait partie de ce mouvement qui a vu la naissance de plusieurs Scop pour revitaliser l’activité en Iparralde… Peio Uhalde: Effectivement, Alki a été créé ex nihilo en 1982 à Itsasu, sous la forme Scop (coopérative ouvrière) par la volonté d’un petit groupe militant dont le postulat était de travailler et vivre au pays. La cible a longtemps été la chaise et les petits meubles traditionnels de style campagnard régional distribué par des enseignes généralistes sur toute la France et quelques marchés au Royaume-Uni et en Belgique .
Dans les années 2005, le secteur traditionnel de l’ameublement est mis à mal. On assiste, d’une part, à la concentration des revendeurs et, d’autre part, à l’arrivée sur le marché de nouveaux fabricants venus du sud de l’Europe, des pays de l’Est et d’Asie.
Nous subissions l’effet ciseaux: nous étions dans un marché où le consommateur était en attente de produits nouveaux et dans le même temps en concurrence avec des producteurs aux prix défiants toute concurrence. Après avoir fait ce constat, nous étions dans l’obligation de réagir afin de trouver de nouvelles voies de dé-veloppement.
Enb.: Autrement dit, pour rester en vie, il vous fallait bouger…
P. U.: Tout à fait. Il fallait bouger pour rester en vie. C’est à ce moment-là que nous démarrons une collaboration très étroite avec Jean-Louis Iratzoki, designer d’Ascain, qui avait créé sa propre agence et travaillait notamment avec Sokoa et plusieurs entreprises d’Hegoalde. S’appuyant sur le savoir faire de l’équipe Alki, Jean-Louis Iratzoki a su trouver une nouvelle écriture.
Le postulat est qu’un meuble est plus qu’un objet, il exprime un art de vivre. Ce n’est plus le meuble, c’est son univers qui est appréhendé dans son entier.
Enb.: A vous entendre, le design ne vous a pas apporté qu’un nouveau style, mais a suscité aussi une véritable réflexion stratégique?
P. U.: Une réflexion stratégique approfondie. Cette nouvelle production ne s’adressant plus à notre marché traditionnel, il a fallu nous faire connaître auprès des décorateurs, architectes d’intérieurs et boutiques design. Pour ce faire, nous travaillons avec une agence de communication de Tolosa en Gipuzkoa pour la mise en place de nos outils de communication.
Les premiers catalogues datent de 2009-2010. Ils présentent chaque collection avec sa propre petite histoire. Pour ne citer que deux exemples, notre gamme Laia est réalisée selon des processus strictement écologiques et à partir de composants naturels (chêne, feutre, laine…). La gamme Kimua, de son côté, est un clin d’œil à la mémoire, une collection intemporelle con-çue dans le souci du détail et de la qualité. Une réinterprétation de la chaise paillée, tressée à la main, désormais aérienne et délicate .
En phase avec les segments de marché que nous visons, nos catalogues sont luxueux. Ils sont rédigés en quatre langues (français, an-glais, euskara et espagnol) et présentent l’histoire et la philosophie Alki: hand made, made in the Basque Country.
Enb.: On imagine que ce changement de cap ne s’est pas opéré du jour au lendemain?
P. U.: Les années 2007-2009 ont été compliquées à gérer car le marché traditionnel s’essoufflait de plus en plus et nous avions encore peu de retour sur les nouveaux marchés alors qu’il était indispensable d’investir en création produits et marketing.
En 2009, pour accompagner les nouvelles réalisations, nous avons fait appel à nos partenaires banquiers: Oseo, établissement public partageant le risque, a soutenu le projet. Grâce à ce montage financier et diverses aides du Conseil général et de la Région, nous avons mobilisé près de 500.000 e. Cet apport nous a permis de mettre en place tous les outils de marketing (catalogues, site web, etc.) et de participer ainsi depuis plus de cinq ans au salon Now, design à vivre, le secteur le plus contemporain de Maison & Objet à Paris .
Depuis que le design a été intégré à sa culture, Alki s’est complètement repositionnée: les trois quarts de notre fabrication relèvent des collections contemporaines signées Jean-Louis Iratzoki, Samuel Accoceberry et Patrick Norguet (chaque pièce est signée au fer chaud), ce qui a ouvert de nouveaux marchés.
L’année passée, nous avons embauché un ca-dre export, nous permettant de développer très fortement les marchés à l’export. 40% de notre activité est désormais à destination de l’Europe du Nord, la Suisse, l’Allemagne ou encore l’Australie.
En 2012, nous avons embauché quatre personnes en fabrication et nous sommes à la recherche de deux à trois personnes pour ce printemps. Nous avons également des partenariats avec plusieurs entreprises du Pays Basque Sud qui complètent les savoir-faire d’Alki.
La notion d’équipe est une réalité du travail à Alki, le design étant au cœur du projet. La révolution n’est pas qu’esthétique. Le fonctionnement tout comme la communication de l’entreprise ont été revus de fond en comble.
La marque Alki est aujourd’hui reconnue pour sa politique de création qui échappe aux effets de mode, pour tracer la vision à long terme d’un design fonctionnel et authentique qui s’appuie sur les bases de l’ébénisterie et de la tapisserie.
Nous avons un beau projet porteur d’avenir, projet à transmettre à une nouvelle génération d’Euskaldun qui voudra s’investir durablement pour poursuivre la belle aventure de la coopérative en gardant les valeurs d’origine.
Geroan sinets
Ausart izanez
Gogor lan eginez
Elkartasunez.