Aralar en crise

Les quatre députés d’Aralar au parlement autonome basque cherchent depuis des semaines à faire approuver un texte qui a pour objet de réunir autour d’une même table les différents partis politiques désireux «de débattre et de se mettre d’accord sur des solutions à apporter aux conséquences de la violence et à travailler pour instaurer et diffuser dans le pays, une culture de la paix». La version finale de ce projet a été adoptée après moult débats le 30 mars, avec trois voix d’Aralar, plus celles du PNV, d’Ezker Anitza, du PP, du PSOE. Seuls un élu d’Aralar, le député d’EA et celui d’UPyD ont voté contre, pour des raisons diamétralement opposées. L’UPyD qui est une petite formation de gauche ultra-centraliste, par anti-abertzalisme: «Cette commission ne parlera que de ce qui intéresse Batasuna…» Quant à EA, il a suivi la logique d’alliance électorale avec l’ex-Batasuna.
Le grand débat qui agite Aralar et le parlement lui-même, porte sur le contenu du projet et la présence ou non de la gauche abertzale dans les travaux de cette nouvelle commission de travail. Dans sa version définitive, le texte ne fait plus figurer que les travaux auront lieu «sans exclure» qui que ce soit. Mais du fait de son interdiction, Batasuna n’en fait pas partie aujourd’hui, avec le même statut que ses ho-mologues et de manière permanente. La porte-parole d’Aralar Aintzane Ezenarro et les deux autres députés du même bord ont cru trouver un compromis avec la possibilité prévue dans le règlement du parlement d’inviter aux travaux de commissions des représentants institutionnels. Le député général du Gipuzkoa, membre éminent de la gauche abertzale, pourrait donc y participer.

A égalité
Mais réunir une commission chargée de plancher sur un tel thème, en l’absence de représentants officiels d’une gauche abertzale toujours interdite et ne pouvant participer à égalité avec les autres partis, est inacceptable aux yeux du principal concerné, Batasuna, qui a opposé son veto. EA et Aralar, partenaires de la gauche abertzale —dans Bildu et Amaiur avec le succès que l’on sait— ont donc demandé à leurs élus de s’opposer à cette commission. Malgré les mise en garde préalables, trois députés Aralar sur quatre ont persisté à vouloir l’approuver, dans la mesure où elle représente une avancée, un début de déblocage face à une situation figée depuis des décennies. Pour Patxi Zabaleta, les trois députés dissidents se sont donc «auto-exlus». La rupture est consommée et Aralar leur demande de démissionner de leurs mandats pour les mettre à la disposition de leur parti. Aintzane Ezenarro et ses amis refusent.
Cette situation fait les choux gras des espagnolistes qui voient le camp de la gauche abertzale se diviser, s’affaiblir sur la création d’une commission aux pouvoirs réels assez dérisoires. L’essentiel n’est même pas entre les mains de ce parlement, mais bien dans celles du pouvoir central.
Ce dernier épisode plonge ses racines dans une crise qui traverse Aralar depuis pas mal de temps. Elle porte sur le devenir même de cette formation qui redoute de se faire avaler par Batasuna. En Navarre, province où l’abertzalisme n’a pas le poids dont il dispose plus à l’ouest, la logique de la coalition Amaiur a fait exploser Nafarroa bai dont Aralar était la cheville ouvrière. Cette affaire a laissé des traces. La question des alliances se pose pour les élections régionales qui auront lieu l’an prochain dans la Communauté autonome. On ne sait toujours pas si d’ici là, Sortu, le futur parti de la gauche abertzale, aura été légalisé par l’Espagne. Une partie d’Aralar craint le rouleau compresseur de Batasuna et de perdre sa marge de manœuvre ou son âme dans une alliance, avec à la clef un enjeu politique considérable, le retour au pouvoir des abertzale au gouvernement de Gasteiz, dont le Lehendakari ne sera pas forcément PNV.
Nous connaissons bien en Iparralde les velléités hégémoniques des partis du Sud. Entre cohérence idéologique ou stratégique, gestion d’un abertzalisme pluriel et efficacité tenant compte du poids réel des forces en présence sur chaque territoire, le débat est loin d’être clos.

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