On l’espérait, mais, une fois encore, la Cour suprême espagnole n’a pas fait preuve d’indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. Saisie en appel par la défense après les lourdes condamnations infligées par l’Audiencia nacional à Arnaldo Otegi, Rafa Diez, Miren Zabaleta, Sonia Jacinto et Arkaitz Rodriguez dans le cadre du procès Bateragunea, la Cour madrilène n’a pas infirmé les condamnations prononcées par le tribunal d’exception. Elle les a simplement un peu allégées. 6 ans et demi au lieu de 10 pour Otegi et Diez, 6 ans au lieu de 8 pour les trois autres.
Les cinq dirigeants de l’ex-Batasuna avaient été condamnés par l’Audiencia nacional pour «suspicion» d’appartenance à la direction d’organisation terroriste. Dans l’arrêt de la Cour suprême les chefs d’appartenance à la direction d’ETA ont disparu. Est retenu le simple grief d’appartenance à ETA. D’où la «mansuétude» du tribunal qui réduit les peines prononcées en première instance. Le plus grave dans cette condamnation ignominieuse, c’est que la Cour suprême reprend l’argumentaire utilisé par l’Audiencia: le travail mené par les dirigeants de la gauche abertzale en faveur d’un processus exclusivement politique et démocratique l’a été sur or-dre d’ETA. On croit rêver, ou plutôt cauchemarder.
En fait, ce que le gouvernement espagnol, par le biais d’une justice aux or-dres, cherche à valider aux yeux de son opinion publique, c’est encore et toujours sa fameuse théorie de «tout ça c’est ETA». Il n’est pas certain, du reste, que derrière cette stratégie du matraquage judiciaire ne se cache pas le secret espoir d’une reprise de la violence qui serait un dérivatif bien commode dans un pays au bord de la faillite. L’ennemi intérieur, on l’a bien vu avec la déplorable campagne électorale de Sarkozy, est toujours commode pour détourner les regards des citoyens des vrais problèmes.
On saura gré à deux juges de la Cour de s’être désolidarisés des trois autres qui ont prononcé les condamnations et d’avoir ainsi pris leurs distances avec ces méthodes d’un autre temps. Cela n’effacera pas l’ignominie d’une con-damnation qui n’a rien à voir avec la justice et n’allégera en rien la souffrance des condamnés et de leurs familles.