Enbata: L’Assemblée d’EA Iparralde se positionne, pour les législatives de juin prochain, dans une alliance avec Europe Écologie- Les Verts dans les trois circonscriptions basques. Qu’est-ce qui vous a conduits à rejeter la plateforme EH Bai que vous avez cofondée avec AB et Batasuna?
Philippe Duluc: Ce n’est pas tant le refus d’une plateforme uniquement abertzale que le rapprochement avec une force comme Europe-Écologie-Les Verts qui représente l’ouverture qui a prévalu dans cette assemblée d’EA du 17 décembre. Les élections européennes de 2009 en coalition avec les Verts et AB, les élections régionales de 2010 avec les Verts et les Occitans du Béarn, et les sénatoriales de septembre dernier avec EELV, AB et les Occitans de nouveau ont été des expériences électorales qui ont eu une influence non négligeable dans le choix d’EA d’aller vers EELV et vers la création d’un pôle réformiste en Iparralde.
Si EA a bien été cofondateur d’EH Bai, il est également cofondateur de R&PS, Régions et Peuples Solidaires, qui vient de signer un accord au plan hexagonal avec EELV sur un programme qui paraît tout à fait acceptable pour des abertzale, sur la lan-gue et le territoire par exemple. Ainsi l’alliance entre “abertzale” et EELV ne sera pas limitée au Pays Basque Nord, mais concerne d’ores et déjà la Bretagne, la Corse et l’Occitanie. Cette alliance vise à faire partager les idées abertzale à un plus grand nombre et donc d’avoir un impact bien plus large. Le soutien d’EA à Eva Joly va dans ce même sens.
Si ces éléments ont été déterminants chez les militants au moment de faire le choix, cela ne veut bien sûr pas dire qu’EA tourne le dos aux autres forces abertzale mais simplement considère que la stratégie qui semble la mieux adaptée aujourd’hui doit être l’ouverture, dans un territoire où les forces abertzale ne sont pas majoritaires. A cette occasion les militants ont regardé avec intérêt ce qui s’est passé en Navarre, territoire où la place de l’abertzalisme dans la société est comparable à celui d’Iparralde: l’addition du pôle réformiste Geroa bai et d’Amaiur fait progresser le total des voix abertzale. Ce territoire historique a obtenu deux députés abertzale sur les cinq en lice. Une voie à ne pas négliger.
Enbata: Le refus de Batasuna, à la veille de l’AG d’Abertzaleen Batasuna d’ouvrir EH Bai aux écolos, de même avant votre propre AG d’EA l’annonce par Batasuna que les votes internes d’EH Bai soient ouverts non seulement aux élus d’EH Bai, mais aussi “aux militants non encartés dans un souci de fonctionnement démocratique”, ces prises de positions ont-elles fragilisé la liberté et la marge de manœuvre d’EA?
Philippe Duluc: Il est clair que les prises de positions de certains dirigeants de Batasuna, si elles ont le mérite d’être franches, n’en ont pas moins refroidi les esprits les plus favorables à EH Bai. Déjà s’adresser à ses partenaires éventuels sur les plans futurs de la maison commune par voie de presse interposée est singulier. Mettons cela sur le compte de la passion! Ensuite l’arrivée surprenante de la notion de militants “indépendants” dans les votes au sein d’une coalition EH Bai, le refus de prendre en compte les orientations des partis lors des prises de décision (modification du droit de véto par exemple) et des désignations des candidats ont eu l’effet inverse à ce qui était escompté.
Le nouvel EH Bai tel qu’il semblait se dessiner non seulement fermait la porte à tous les mouvements autres qu’abertzale, ce qui n’est pas notre projet, mais aussi remettait à la mode la tenue d’assemblées spontanées, bolchéviques pour ainsi dire, à partir des bases qui rappelleront aux plus anciens de forts mauvais souvenirs. Le mode de fonctionnement d’EH Bai est dès lors apparu à l’opposé de celui de Bildu et d’Amaiur où chaque partenaire, chaque parti, est respecté et est associé à chaque décision. Bildu est née de Lortu arte et de l’accord de Gernika où le respect et la confiance sont les bases même de la coalition. Ces conditions ne sont pas réunies dans EH Bai, c’est ce qu’en a conclu Eusko Alkartasuna.
EH Bai devra retrouver une sérénité et un calme loin de l’agitation médiatique en prenant exemple sur le Pays Basque Sud. Des mois de négociations, de rencontres apaisées y ont été nécessaires avant d’arriver à tout accord politique. Au Nord la précipitation et la course effrénée à la médiatisation ne nous semblent pas être les bases, puisque le terme est à la mode, d’une véritable coalition entre abertzale. La construction nationale ne fait que commencer.
Le communiqué d’EA
La dernière assemblée des militants de EA Iparralde a choisi samedi 17 décembre dernier, à une large majorité, de se rapprocher d’Europe Ecologie-les Verts (EELV) pour les futures élections législatives sur les trois circonscriptions du Pays Basque Nord. Et ce dans une dé-marche de complémentarité.
La même assemblée a par ailleurs consacré le choix d’Eva Joly pour les présidentielles.
Les thèmes de campagne que cette al-liance pourra prendre en compte, entre autres, seront:
— L’officialisation de la langue basque.
— La Collectivité territoriale Pays Basque Nord.
— Le rééquilibrage entre intérieur et côte.
— Le maintien des services publics.
— La mise en place d’une eurorégion.
Le 19 décembre
Martin Etchepare
Coordinateur d’EA /Iparralde