Dans son denier communiqué du 25 novembre, pour la nième fois depuis 30 ans, ETA demande à Madrid et à Paris l’ouverture d’une négociation, aujourd’hui a minima: la mise en œuvre d’un calendrier et de procédures adéquates pour faire revenir chez eux tous les prisonniers et les exilés, mettre en œuvre le désarmement et la dissolution des structures armées, la dé-mobilisation de ses militants, enfin la démilitarisation d’Euskal Herria. Si la France et l’Espagne acceptent de négocier, cela amènera «la fin définitive de la confrontation armée».
La réponse, on la connaît, elle a été donnée peu après la parution de ce texte. Pour le gouvernement espagnol, le seul communiqué attendu est celui de la dissolution d’ETA. Elle a été donnée aussi avant, par le gouvernement français, avec plusieurs arrestations de membres d’ETA aux quatre coins de l’Hexagone, l’extradition d’Aurore Martin, la condamnation à 20 ans de prison de deux anciens dirigeants connus d’ETA, Antza et Anboto, le 23 novembre par la cour d’assise spéciale de Paris. Le message est clair.
Par quel miracle ETA obtiendra-t-il demain une négociation, qui hier n’a jamais abouti, alors que sa capacité d’intervention militaire était beaucoup plus forte? Par quel miracle ETA obtiendra-t-il que la mise en scène de la conférence internationale d’Aiete, avec sa brochette de has been dépourvus de tout pouvoir, aura quelque efficacité? Ni Paris ni Madrid n’ont reconnu à cette conférence la moindre légitimité et le fa-meux avocat sud-africain Brian Currin est déjà oublié. Tout cela ne fut qu’un habillage médiatique pour éviter à ETA de perdre la face. En 2012, quel intérêt deux Etats auraient-ils à négocier quoi que ce soit sur le terrain politique avec une organisation armée à genou? Par quel miracle l’Espagne et la France cesseront-ils d’appliquer la loi d’airain de l’Enéide: «Parcere subjectis et debellare superbos», épargner ceux qui se soumettent et dompter les superbes? Pourquoi ETA continue-t-il à faire croire qu’il obtiendra une négociation collective en faveur des preso, comme il le fit en vain pendant des décennies, lorsqu’il proposait le silence des armes contre la reconnaissance du droit à l’autodétermination et la réunification d’Euskal Herria?
La défaite est douloureuse. Chacun sait la somme de sacrifices et d’engagements que ce combat a suscitée au sein même du peuple basque. Elle est le résultat d’une cécité à nulle autre pareille d’un côté, et de l’autre, de moyens colossaux mis en œuvre par Madrid durant quarante ans avec le plan ZEN. Ceux qui sont allés droit dans le mur n’en ont pas pris la mesure et ont cru à la méthode Coué.
Négocier un virage à 180° est un exercice difficile: le dernier communiqué d’ETA n’est sans doute qu’à usage interne, pour limiter dans ses rangs les grincements de dents. D’abord, «ne pas désespérer Billancourt», comme on disait du temps de Jean-Paul Sartre et des compagnons de route du PCF stalinien. Laisser survivre l’illusion d’une «paix juste et durable», alors qu’au final de toute guerre, il y a d’abord un vainqueur et un vaincu…
C’est ce décalage persistant, cette obstination dans le refus de prendre en compte le principe de réalité, qui rend la dernière déclaration d’ETA inquiétante pour les combats politiques de demain. Beaucoup de militants abertzale et non des moindres se bloquent sur cette voie de garage qui les a déjà conduits dans un cul de sac, voire un cul de basse fosse. Elle permet à nos ad-versaires de gagner du temps, de maintenir le statu quo, de contenir à moindre coût le petit foyer de rébellion basque, en réduisant à l’impuissance les abertzale les plus déterminés.