Toute langue, à moins qu’elle ne soit qu’orale, —il n’en manque pas sur notre terre— rassemble son vocabulaire en un dictionnaire. C’est ce que n’ont pas manqué de faire les Basques au cours des derniers siècles avec des fortunes diverses. Je veux dire par là que certains dictionnaires sont restés manuscrits et, en conséquence, confidentiels, d’autres, au contraire, ont été publiés et, ainsi, se sont répandus dans le public. Parmi ces derniers figurent au XVIIIe siècle celui du juriste Larramendi (1745) et, au début du XXe siècle, l’imposant travail de Resurrección Maria de Azkue en deux volumes publiés à Tours en 1905. L’Académie de la langue basque n’est pas encore créée, mais la stature d’Azkue, sa vaste érudition, l’étendue et la diversité de ses recherches en font un géant de la culture basque et il sera, dès la création d’Euskalzaindia et pendant 32 ans jusqu’à son décès en 1951, le président inamovible de cette institution.
Même si au cours des XIXe et XXe siècles les études et recherches basques ont progressé d’une manière spectaculaire, aussi bien en grammaire qu’en lexicographie comme en témoignent les publications d’ouvrages de grammaire comme de dictionnaires, il faut reconnaître que chacune de ces deux disciplines est du ressort de toute Académie et de la Basque bien entendu, en ne négligeant pas l’apport des universités enfin présentes en Euskal Herria, par l’intermédiaire des thèses des doctorants et des travaux personnels des professeurs.
Après avoir réédité le dictionnaire d’Azkue Euskaltzaindia se décidait à créer son pro-pre dictionnaire en tenant compte des derniers apports en recherche lexicographique et confiait la responsabilité de l’entreprise à Luis Mitxelina, linguiste de grand renom, professeur à l’université de Salamanque puis à celle du Pays-Basque, ainsi que professeur associé à la Sorbonne pendant un an.
Première étape: “Orotariko euskal hiztegia” ou encore Dictionnaire général basque
qui servira de base à toute démarche ul-térieure. C’est un dictionnaire du basque littéraire qui est établi à partir d’un
dépouillement systématique des textes basques publiés depuis les “Glosas Emilianenses” (Xe siècle) jusqu’en 1970. Grâce à l’informatique, toutes les données ont été réunies en un “corpus“ géant. Il est dommage que Mitxelena n’ait pu voir la publication du premier tome qu’il avait préparé presque entièrement, mais son successeur, l’académicien Ibon Sarasola, a mené à bien avec son équipe la publication des 16 tomes du Dictionnaire qui rassem-ble les mots de tous les dialectes et de toutes les époques.
Deuxième étape: “le lexique de l’euskara batua” c’est un dictionnaire orthographique où figurent les mots communs à tous les dialectes, auxquels se sont ajoutés des mots utilisés dans certains dialectes. Ainsi, “l’euskara batua” s’enrichit de l’apport de tous les dialectes et ne représente pas une langue artificielle comme d’aucuns ont voulu le faire croire, mais permet et invite à une plus grande connaissance du lexique basque. Ce travail est en cours de réalisation avec une première édition de 23.000 mots qui, dans un deuxième temps, atteindra vraisemblablement le total de 50.000 mots. Il s’agira ensuite d’y ajouter des le-xiques plus spécialisés, tels ceux du droit, des sciences, de la médecine, etc.
Troisième étape: le dictionnaire en bas-que. En effet, les divers dictionnaires ont été bi ou trilingues, sauf celui d’Ibon Sarasola et des deux encyclopédies en langue basque. Il est du devoir d’Euskaltzaindia d’offrir cette éventualité et elle a commencé à le faire à partir du lexique standard et en a confié la responsabilité à Ibon Sarasola le spécialiste incontesté et à son équipe.
Entre le travail passé et le travail futur Euskaltzaindia fait son apport régulier à la promotion de l’euskara.