Ikea, l’anti développement durable

La guerre autour
des centres commerciaux
Voici le rappel du projet Ikea en quelques chiffres: il s’agit de construire un magasin Ikea de 24.000 m2 (pour mémoire, un magasin de type Conforama a une surface moyenne de 3.700 m2) et une galerie commerciale attenante à ce magasin de 32.700 m2 comprenant un magasin Carrefour de 5.000m2. Les nombreux restaurants prévus ne sont pas comptés dans ces m2. En comparaison, le BAB2 couvre 35.700 m2 et est donc à peu près équivalent.
Pour ne pas laisser à d’autres les bénéfices de son attractivité auprès des consommateurs, Ikea veut être le propriétaire de ce centre commercial, dont il possèdera les murs et pour lequel il fera payer des loyers.
Les constructions des deux structures (magasin Ikea et son centre commercial) sont donc liées, et c’est de là que vient le premier problème pour Ikea. En effet, d’autres projets d’importance sont annoncés, et le porte-monnaie des consommateurs n’étant pas extensible, tous ces projets ne seront pas viables. Il y a le projet d’Ondres (80.000 m2), qui n’est qu’à 10 km par l’autoroute, et celui de Saint-Geours-de-Marenne dans le sud des Landes (70.000 m2 prévus). A proximité également, le BAB2 qui a la volonté de s’agrandir, et le centre commercial Carrefour de Tarnos.
On peut donc parler de guerre commerciale. La presse s’est fait l’écho d’un recours de l’un des deux propriétaires du BAB2 (Unibail-Rodamco) contre le projet Ikea au niveau de la CNAC (Commission Nationale d’Aménagement commercial). Et de guerre entre élus qui espèrent des rentrées fiscales. Ils se battent pour attirer les emplois chez eux et alimenter les finances de leurs communes, sans se préoccuper d’avoir une vision plus large et plus harmonieuse du territoire, qui favoriserait des productions et des consommations locales. Et pour prendre ce pactole au détriment des communes voisines, ils déroulent le tapis rouge: les terrains publics ont été vendus à Ikea pour 10 euros le m2, prix imbattable pour un terrain qu’on rend constructible et qu’on viabilise, et les communes dépensent plus de 5 millions d’euros d’argent public rien que pour les aménagements des routes d’accès.
Dans cette guerre que se livrent les élus et les promoteurs de grandes surfaces entre eux, quel est l’intérêt des citoyens? Il n’est pas facile de le discerner, mais on peut quand même en profiter pour essayer de mettre à jour ce qu’est vraiment Ikea, et voir si son arrivée est une aubaine, ou au contraire un pas de plus vers une société qui nous a conduits aux crises que nous connaissons.

Ikea, un mode de vie tourné vers la consommation à l’extrême
IKEA est l’inventeur du concept de «carton plat»: les meubles sont vendus à monter, et transportables par les clients dans des cartons plats. C’est aussi la première entreprise qui est partie s’installer en Chine, pour délocaliser la production vers des pays où la main d’œuvre coûte bien moins cher qu’en Europe, mais travaille aussi dans des conditions critiquables. Si le meuble Ikea bon marché, portait la mention «fabriqué par un enfant», le concept aurait peut-être eu moins de succès…
Le système Ikea s’articule donc autour du transport: transport des meubles fabriqués très loin des lieux de vente, mais aussi transport des clients, puisque Ikea construit de gigantesques magasins, attirant les clients jusqu’à une heure de route par autoroute. Ainsi, la «zone de chalandise» de l’Ikea de Bayonne ira jusqu’en Hegoalde, jusqu’à Pau et Mont-de-Marsan. Ikea attend 8 millions de visiteurs par an sur Ametzondo, soit 3.400 véhicules / heure le vendredi soir et le samedi.
Il est dorénavant reconnu qu’il est urgent de baisser les émissions de CO2, et donc les transports. Ikea va totalement à l’encontre de cette nécessité. Leur marketing autour de ce thème essaie de redonner bonne conscience à leurs clients: publicité autour du covoiturage, quelques panneaux solaires sur le toit du magasin, mur végétal etc. Mais ce ne sont que des rustines évitant de s’attaquer au cœur du fonctionnement même du système.
De plus, Ikea est synonyme de consommation compulsive jetable, participant ainsi à la destruction de matières premières et à la crise écologique. De ce point de vue d’ailleurs, il faut comprendre le système Ikea: vous entrez dans un magasin où le cheminement est imposé. Il faut minimum 1 heure pour faire le circuit, 2 heures si vous le faites avec un peu d’intérêt et quand vous sortez, vous passez obligatoirement par une zone où sont vendus une foule d’objets peu chers. Et c’est là qu’intervient l’achat compulsif: vous ne venez pas de passer autant de temps dans un magasin pour en sortir les mains vides? Alors vous achetez, 1 euro le décapsuleur à bouteille rigolo, 2 euros un torchon, 3 euros un coussin, 5 euros une table basse, votre honneur de consommateur est sauf! Avec 8 millions de visiteurs Bayonnais prévus, cela fera finalement beaucoup d’achats inutiles.
Vous n’avez même pas la consolation de penser que votre argent circule et permet au plus grand nombre de vivre. En effet, non seulement il est connu que 1 emploi créé dans la grande distribution en détruit 3 dans le commerce de proximité, mais en plus, en choisissant Ikea, vous choisissez une entreprise au montage financier très complexe, avec des ramifications vers des paradis fiscaux et régulièrement accusée de fuir taxes et impôts.
Vous ne pouvez même pas penser que vous avez amélioré le sort des employés de votre région: outre la destruction d’emplois dans d’autres commerces, les salariés d’Ikea vont devoir travailler jusqu’à 22h, et le dimanche, risquant d’entraîner avec eux les employés des autres enseignes qui chercheront à s’aligner. Tout cela mène à une dégradation des conditions de travail.
De surcroît, vous risquez de mettre des bâtons dans les roues de toutes les initiatives de con-sommation basées sur les circuits courts et la qualité, bien au-delà de l’ameublement. Des agriculteurs flamands ont manifesté à plusieurs reprises pour dénoncer le fait qu’Ikea vende un steak-frites à 2,50 euros, dévalorisant et mettant en péril la filière qualité du bœuf belge. A Ametzondo une très grande quantité de restaurants est prévue.

L’arroseur arrosé ?
IKEA est donc une entreprise organisée autour du transport à très grande échelle, contribuant aux émissions de CO2, qui se traduit par une fréquence accrue des événements climatiques dits exceptionnels, no-tamment des fortes pluies.
Il est à noter d’ailleurs que la station météo d’Anglet a revu ses statistiques entre 1999 et 2007: les précipitations exceptionnelles qui n’avaient auparavant qu’une fréquence centennale (c’est à dire dont l’importance faisait que statistiquement elles ne se produisaient que tous les 100 ans) ont à présent une fréquence trentennale (tous les 30 ans!). C’est donc que la fréquence des événements pluvieux augmente réellement, ce n’est pas une lubie de quelques écolos, mais un fait vérifiable et déjà quantifiable.
Or Ikea veut s’installer sur un des derniers sites permettant une absorption de l’eau en cas de fortes pluies, site protégeant donc les quartiers environnants des inondations: le site d’Ametzondo. Jusque-là inconstructi-bles, ce sont 12 ha supplémentaires qui vont être imperméabilisés. Les quartiers avoisinants la zone d’Ametzondo ont connu depuis les travaux des ASF 3 inondations majeures, et l’implantation d’Ikea ne va faire qu’aggraver cette situation. Il est probable que des recours soient déposés à ce sujet.
Le terrain est d’autant plus inapproprié que pour que le projet se réalise, il fallait que les communes donnent une dérogation pour pouvoir construire à 30 mètres des axes des autoroutes, au lieu des 100 mètres réglementaires. Dérogation que les communes ont accordée, niant ainsi les problèmes de pollution de l’air aux abords de l’autoroute et les risques de cancers et maladies cardio-vasculaires des futurs employés de la zone commerciale. Mouguerre cadre de vie a at-taqué la dérogation au tribunal administratif.
Un obstacle de plus pour l’installation d’Ikea, mais faut-il s’en plaindre?

Pour suivre l’actualité du projet Ikea: www.mouguerrecadredevie.fr

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