Il y a encore peu de temps Euskal Herriko laborantza Ganbara se retrouvait à Pau à l’occasion de son procès en appel en 2010. La communauté d’Emmaüs Lescar – Pau avait largement contribué à permettre l’accueil des nombreuses personnes venues soutenir EHLG. C’est donc naturellement que, la dernière semaine de juillet, un groupe de bénévoles du Pays Basque participe chaque année au festival de la communauté d’Emmaüs Lescar – Pau. Une belle programmation pour les trente ans de la communauté en 2012, associant forum mondial de la pauvreté en journée et concerts de qualité le soir!
Sans aucun doute la préoccupation de chacun des intervenants lors des conférences, qu’ils soient économiste, politologue, ou responsable de la communauté d’Emmaüs était de contribuer, chacun à sa manière à une stratégie alternative. L’intervention, le dernier jour, du politologue Paul Ariès organisateur de ce premier forum mondial de la pauvreté à l’occasion du festival d’Emmaüs Lescar-Pau a marqué les esprits car porteuse d’espoir. Critique comme son prédécesseur, l’économiste franco-égyptien Samir Amin des monopoles capitalistiques généralisés conduisant aux inégalités sociales, à la mort programmée des biens communs, au sabordage de l’économie sociale et solidaire, à la soumission des hommes et de la nature au pouvoir de l’argent. Il nous invite cependant à ne pas nous en tenir à l’analyse critique et à libérer notre imagination pour créer des alternatives. Au capitalisme qui nous tient par la peur, qui désocialise, mais aussi «nous fait jouir» (la jouissance d’avoir), Pau Ariès oppose la «jouissance d’être». Il a évoqué le mouvement du «buen vivir» en Equateur basé sur la satisfaction des besoins fondamentaux des êtres humains en harmonie avec la nature. Ce concept qu’il nomme aussi «le socialisme gourmand» autour de valeurs comme le sens de la gratuité, du collectif, de la fête, de la beauté. Il a illustré son propos en expliquant, par exemple, que le jeu, la fête ne s’oppose pas au sérieux mais à l’ennui, que le travail est un moyen et non un but, que la beauté, la culture doivent être accessibles aux pauvres, que le «bien vivre». est un droit, que la gratuité enfin n’est pas n’importe quelle gratuité mais une gratuité construite (au peuple devrait revenir le droit de choisir ce qui devrait relever de la gratuité (choisir l’eau, le logement ou l’autoroute…).
On a compris aussi qu’il existe quantités d’alter-natives, notamment dans les pays pauvres dont on peut s’inspirer pour changer le monde, si tant est que l’on se donne, ou que l’on nous donne les moyens d’expérimenter des alternatives.
Les moyens? La communauté d’Emmaüs Lescar-Pau les trouve grâce à de nombreuses alternatives, sans passer pourtant par la case subvention . Depuis 30 ans qu’elle existe les différents chantiers de recyclage, éco-construction, agriculture… en ont fait un partenaire économique du territoire. Avec ses 130 compagnons, ses 18 salariés, ses bénévoles, Germain Sarhy responsable de la communauté témoigne au-delà de la logique intellectuelle, du «comment vivre et construire au quotidien des alternatives».
Nous avons eu la chance d’écouter des intervenants enthousiasmants, de participer comme bénévoles au festival et de vivre de beaux moments d’échange entre public, artistes, bénévoles.
Nous n’avons donc pas regretté cette infidélité aux fêtes de Bayonne et sommes revenus du Béarn convaincus de la convergence de nos différentes luttes individuelles, collectives, de la nécessité de mutualiser les expériences. «L’heure est au bouturage des résistances» (Paul Ariès).0
Les actes du forum «Les pauvres entre mépris et dignité ; que peuvent nous apprendre les cultures populaires?» sont éditées aux éditions Golias.