Enbata: Comment interpréter deux positionnements nouveaux concernant la LGV. Guillaume Pepy, président de la SNCF, dit “la profitabilité du TGV décroît à grande vitesse” dévoilant par ailleurs que la SNCF s’interroge sur l’opportunité de faire rouler certains TGV en bout de ligne sur des voies classiques.
Par ailleurs, le ministre d’Etat J-L. Borloo, en visite à Bordeaux le 28 septembre, déclare pour la traversée du Pays Basque: “La ligne actuelle doit être utilisée jusqu’à saturation et s’il y a saturation, en construire une nouvelle au maximum enterrée”?
Victor Pachon: Cela fait plusieurs mois que la très officielle Vie du rail produit des articles annonçant “la fin du modèle TGV”, la presse relaie aussi cette info et la veille de la visite de Borloo et le jour même, La Croix, Le Figaro, Les Echos et Le Monde reprenaient ce thème. Les péages des trains vont augmenter de 45% d’ici 2012 liquidant la rentabilité des quelques TGV rentables et que d’autre part, techniquement, sur le marché de l’exportation, les Allemands et les Chinois font moins cher. Nous n’avons cessé de dire qu’il arriverait au TGV ce qui est arrivé au Concorde. Nous y sommes. D’autre part, dans La Vie du Rail du 22 septembre, on peut lire: “Pendant trente ans, le train à grande vitesse a eu tout pour séduire: formidable aménageur de territoire, tirant l’industrie ferroviaire, gagnant tous les ans en popularité et en recettes commerciales, il a été l’argument d’un aveuglement collectif. les yeux s’ouvrent aujourd’hui: la belle croissance s’est faite sur de l’endettement. Le système ferroviaire ne peut pas s’autofinancer. Plus on a fait de la grande vitesse, plus on a fait de la dette”. Nous ajouterons nous qu’il a été et est le vecteur de la destruction programmé de la SNCF en tant que service public.
Des brumes du discours de Borloo, ce que nous retenons c’est qu’il promet la con-struction de la LGV lorsque la ligne actuelle sera saturée (dans 50 ans) mais que dans la phrase suivante, il signe pour la poursuite des études, l’enquête publique en 2013 et la construction à la volonté de RFF ou du prochain ministre. Quoiqu’il arrive il pourra ainsi dire, je l’avais dit à Bordeaux le 28 septembre 2010.
Nous disons qu’il veut nous endormir et qu’il souhaite qu’on roupille pendant que RFF poursuit sa route. Certes, après MAM et Lemaire, un troisième ministre fait grincer les dents de Juppé et Rousset, mais pour nous il s’agit bien d’intensifier la lutte. Les craquements entendus ici et là deviendrons définitifs si nous nous montrons so-lides et déterminés.
Enb.: Visiblement, les propos du ministre Borloo ont semé le doute chez les partisans de la LGV en Pays Basque. Que faut-il penser de la réaction du député-maire de Bayonne, Jean Grenet, «Il y aura bien une gare en crochet à Bayonne, mais il faut aussi prévoir, pour plus tard, la possibilité d’une future gare de desserte ailleurs qu’à Bayonne»?
V. P.: Le double discours de J-L. Borloo a visiblement semé la confusion, même M. Berckmans, président de la CCI, y perd son latin et déclare sans rire au journal Sud Ouest que la voie existante sera saturée en 2008- 2010. Eh! on est en septembre 2010 et il passe 53 trains sur une voie qui peut en accueillir 264. M. Uthurry déclare brillamment qu’il n’a rien entendu et Grenet parle. Il faut dire que depuis le mois de juin il est particulièrement discret, ses mâles assurances sur «tous les trains s’arrêteront en gare de Bayonne», s’estompent et RFF déclare: «Deux trains sur trois s’arrêteront à Bayonne et un sur deux à Dax» (et ce n’est qu’un début). Eh oui c’est que d’après les documents confidentiels malencontreusement tombés entre nos mains et fournis par RFF à la médiatrice, la sortie des trains à Labenne pour prendre la voie existante jusqu’à Bayonne et puis le raccordement à Mouguerre ou Bassussarry ferait perdre 18 mn à un TGV qui n’en gagnait que 4 sur l’option voies existantes modernisées. Le responsable RFF qui est intervenu début septembre en conseil mu-nicipal de Tarnos n’envisageait pas de nouvelle gare TGV au Pays Basque mais la possibilité de préserver l’espace d’une halte des deux allers-retours du TER GV envisagé (là aussi l’avenir s’annonce incertain car les péages seront payés par la région et Rousset s’est récemment un peu énervé sur la question). A l’heure actuelle ce TER GV roulant à 250 km/h, s’arrêterait vers Captieux et St Geours-de-Marennes (Tartas est aussi pressenti) mais rien au Pays Basque. Il passerait donc lui aussi par les voies existantes en crochet ou plus simplement nous traverserait jusqu’à Astigarraga. Encore, disait-il, si la fréquentation était suffisante. On sait qu’une fois les lignes construites, la tendance RFF est plutôt à la suppression qu’à la création de dessertes.
Enb.: Les mouvements sociaux et les élus hostiles à la LGV comptent-ils rebondir sur ces revirements publics qui leur donnent raison?
V. P.: Oui, aujourd’hui, les études techniques (la dernière en date de RFF souligne le plafonnement des échanges, y compris routiers) avec la péninsule ibérique à partir de 2007 (avant la crise qui a fait 28% du fret en 2008 et 49% en 2009) et la non saturation de la voie existante, les restrictions budgétaires en Europe et en Espagne notamment, les choix de nombreux pays en faveur de l’amélioration des voies existantes (la dernière en date en Grande-Bretagne), les contradictions au niveau des ministres, l’extension des collectifs de lutte dans le Tarn-et-Garonne, dans le Lot-et-Garonne, en Gironde, dans les Landes, la coordination européenne de ces mouvements, tout cela nous fortifie dans nos convictions. Reste que face à nous nous avons la volonté de deux états et que l’issue du combat est encore incertaine.
Rien ne serait pire que d’hériter de la dernière LGV. Aussi il nous faut emporter le morceau et le 11 décembre à 15h à Bayonne (Lauga) le Pays Basque et le Sud des landes ont rendez-vous avec leur avenir. Comme à Hendaye, derrière les tracteurs, la colère de toute une population est attendue.