A la fin de la seconde guerre mondiale, c’est l’euphorie. Et le début des trente glorieuses. Pour fêter ça, le coït repart de plus belle. C’est la génération du baby boom. Dès la fin des années 50, les immeubles poussent comme des cèpes à la mi-octobre. Surtout sur les hauteurs de Bayonne Nord où des populations hétéroclites émergent de toutes parts: il y avait là des pieds noirs virés d’un pays qu’ils pensaient être le leur. Des espagnols, des vrais. Des basques qui se faisaient traiter d’espagnols. Des portugais dont les enfants nous battaient allégrement aux billes. Des français, des vrais. Et des basques qui pensaient être de vrais français. Et puis il y avait aussi des fils de douaniers venus d’ailleurs, dont j’étais.
«T’es con ou t’es basque?»
Les années 60 et 70 donc, ça pullulait de gamins. Pour s’occuper, on construisait des cabanes dans lesquelles on fumait des «Ariels» ou des «Boyards» qui nous faisaient tousser mais pas les pin-up en tenue légère scotchées sur les feuilles de palmiers. Parfois les prémisses aux bagarres à coups de cailloux entre les pré-boutonneux des bâtiments 1 et 2 contre les 3 et 4 débutaient par un «T’es con ou t’es basque?». Une seule réponse fusait: «Ni l’un, ni l’autre!». En fait, on avait déjà découvert le sens du mot pléonasme, sans en connaître son existence. Il ne fallait pas être basque. Ca craignait. En grandissant, une petite part d’entre nous, considérions finalement que «basque» ne rimait pas avec «flasque». Par je ne sais quel concours de circonstances, nous nous sommes déplacés en mobylette, un soir de l’année 1976, vers un kantaldi, salle Lauga, organisé par Eibat —le syndicat des étudiants de l’époque— où se produisait un chanteur barbu, pendant de Maxime Leforestier, mais dans sa version basque, devant un énorme parterre de barbus. A la fin de son spectacle, la foule scandait quelque chose comme: «Hésté là! Hésté là!». Alors, nous aussi on criait: «Restez là! Restez là!». Ce n’est que deux ans plus tard, que je compris en cours de basque que le rappel dans les kantaldi se faisait aussi en basque.
BAB mon amour
Aujourd’hui, près de 40 ans après, le BAB est encore plus cosmopolite. Les basques d’origine forment une minorité, même avec celles et ceux, venus d’ailleurs et tout aussi minoritaires, qui ont développé un sentiment d’appartenance à un territoire, voire, soyons fous, à un peuple. Si l’on devine une lente acceptation du fait basque qui progresse inexorablement, la situation linguistique du BAB est désespérante si l’on en croit la 4ème enquête sociolinguistique de 2006: 86 % de non bascophone (69 % en Iparralde). Au niveau électoral, même combat. Le mouvement abertzale pur sucre obtient 4.59 % aux cantonales de 2011 contre 6.10 % en 2004. Et 4.25 % aux législatives de 2012 contre 3.95 % en 2007 (cinq voix de plus). Ces quelques chiffres n’apportent-ils pas matière à réflexion? Surtout au moment où le mouvement abertzale de gauche, via l’association des élu(e)s Bil Gaiten, prend en charge la préparation globale des élections pour nos communes qui vivent des situations locales bien différentes? A Bayonne, il n’y a plus d’expression publique d’un groupe mu-nicipal abertzale depuis l’échec de 2008. Faire vivre un groupe durant une mandature étant particulièrement difficile, qui plus est sans élu(e). Avec d’autres, je pense qu’il est temps de poser sereinement le bilan d’une stratégie qui a atteint ses limites, de s’approprier le constat de la réalité sociologique de Bayonne (et du BAB) en organisant les conditions de la création d’une démarche ouverte, plurielle, progressiste et écologiste.