Le changement, en agriculture, nous l’attendons aussi! Les questions agricoles n’ont pas fait l’objet de débats durant la campagne électorale que nous venons de vivre, c’est le moins que l’on puisse dire. Et, ce n’est pas le petit paragraphe sur l’agriculture inscrit dans les 60 propositions du candidat devenu Président, qui nous éclaire vraiment… A vrai dire, la droite et la gauche ne se sont jamais vraiment démarquées sur les politiques agricoles qu’elles ont mises en place, sauf, sur les questions de représentativité syndicale et de consultation professionnelle, la gauche étant davantage respectueuse du pluralisme. Sur les orientations de fond et les missions à donner à l’agriculture, il n’y a pas eu de différences sensibles, à l’exception notable de la période où Le Pensec était ministre socialiste de l’Agriculture en 1997 et 1998. Il a eu le courage d’affirmer que la multifonctionnalité de l’agriculture était prioritaire devant la sacro-sainte mission exportatrice. Il avait traduit ce choix politique, à travers les Contrats Territoriaux d’Exploitation (CTE) en proposant aux paysans volontaires, de s’engager sur cinq ans pour améliorer leurs pratiques et leurs situations dans les domaines sociaux, économiques, territoriaux et environnementaux. Un prélèvement partiel sur les plus grosses aides PAC perçues par les plus gros agriculteurs permettait d’accompagner financièrement ces contrats. Les CTE n’étaient pas vraiment une révolution de la politique agricole, car ils concernaient le recyclage d’environ 10% des aides PAC, mais c’était inacceptable pour la Fnsea qui a mené la vie tellement dure au ministre, avec par exemple des manifs en pleine nuit devant son domicile privé, qu’il avait été obligé de rendre son tablier…
Hollande a martelé l’idée de justice
Les CTE sont restés quand même comme un ex-emple de politique intelligente basée sur une meilleure répartition des aides et la mise en place de critères inspirés de ce que peut représenter l’utilité publique. Si chaque euro attribué à l’agriculture était conditionné à son efficacité économique, sociale, environnementale et territoriale, on serait en présence d’une bonne politique agricole. Cela serait d’ailleurs tout à fait logique, les aides agricoles représentant l’argent public, il serait normal qu’elles encouragent une agriculture d’utilité publique!
Le premier grand dossier du nouveau Président est incontestablement la réforme de la PAC actuellement en discussion. La France a un poids économique et politique déterminant en matière de politique agricole européenne. Les positions qu’elle défendra sur la nécessaire répartition plus juste des aides, sur la prise en compte des petites fermes, sur le soutien aux démarches de qualité auront du poids et de l’influence sur les autres Etats membres. Hollande a martelé durant sa campagne l’idée de justice, en répétant maintes et maintes fois que ce sera le critère principal qui fera pencher la décision d’un côté ou d’un autre: et bien, le dossier agricole lui donnera l’occasion d’honorer ou de trahir ce fondement. Certes, la France n’est pas seule à décider de la politique agricole européenne, mais avec l’implication qu’elle souhaitera avoir dans les négociations et les marges de manœuvre accordées aux adaptations nationales, les latitudes sont énormes, à tel point que pour une même Politique Agricole Commune, les déclinaisons sont très différentes d’un pays à l’autre, voire d’une région à l’autre pour les Etats moins centralisés que le nôtre.
Le changement en agriculture, ce sera aussi de tourner le dos à la restructuration permanente qui voudrait faire croire que moins il y a de paysans et plus ceux qui restent seraient heureux! L’emploi est un enjeu essentiel en agriculture; il n’a jamais été pris en compte, ou si peu, dans les politiques agricoles, le soutien à la capitalisation primant sur le soutien aux actifs agricoles. Il faudra arrêter d’encourager les systèmes de production intensifs et industriels qui n’ont aucune efficacité sociale et économique structurelle: ils ne s’en sortent que par les allègements directs et indirects des charges et par un soutien le plus souvent proportionnel à la taille de l’exploitation.
Nous attendons que l’agriculture paysanne soit considérée comme l’agriculture multifonctionnelle répondant aux attentes de la société, avec la traduction concrète que cela exige, et la reconnaissance du travail réalisé par des dizaines d’associations dans ce domaine, sans avoir accès aux fonds du développement agricole financés par tous les paysans. Nous attendons que les paysans soient respectés et considérés comme des adultes capables de comprendre et de s’investir dans les enjeux les plus difficiles; il faut arrêter avec les propos démagogiques et irresponsables du style «l’environnement, ça commence à bien faire!». Nous attendons également une véritable politique de l’installation: une agriculture n’est pas durable, si elle n’est pas durable sur le plan générationnel.
Les dossiers des agrocarburants, des semences paysannes, des OGM, de la maîtrise des productions, d’une réelle représentativité syndicale et bien d’autres thèmes aussi importants les uns que les autres nous donneront aussi la mesure du changement nécessaire et souhaité. Il faut simplement que le nouveau gouvernement et d’abord, le nouveau ministre de l’Agriculture ne confonde pas l’intérêt des paysans et de la société avec celui des de la Fnsea et des lobbies agro-industriels.