Enbata: Dans les débats publics du conseil municipal de Bayonne et du Conseil communautaire Côte Basque Adour, sur le schéma préfectoral d’intercommunalité, vous avez fait entendre une voix originale. Votre premier étonnement vient de la non prise en compte de la longue et profonde réflexion menée par le Conseil de développement et le Conseil des élus sur l’aménagement du territoire où se conjugent harmonieusement “agglomération-capitale” dans l’ensemble Pays Basque. Comment expliquez-vous ce contre-pied?
Martine Bisauta: J’ai l’impression que l’agglo bayonnaise tourne le dos à son histoire et c’est pour le moins inquiétant. En effet en proposant un nouveau périmètre surprenant avec l’intégration de la Communauté de communes du Seignanx, l’Agglo met un terme au pacte clair qu’elle a passé, depuis sa création, avec le Pays Basque. On peut lire encore aujourd’hui sur le site de l’ACBA: «L’agglomération est consciente de ses responsabilités particulières au service d’un Pays Basque apaisé, dynamique, ouvert sur l’Europe (..), assuré dans son identité et confiant dans son avenir». Ce pacte agglomération-pays s’est traduit jusqu’à ce jour par un aller-retour fructueux entre le projet d’agglo et le projet de territoire et a eu pour cadre la démarche Pays Basque 2010 puis 2020. C’est le pacte de la solidarité, du destin commun, de la complémentarité et aussi bien sûr de l’ouverture vers nos voisins: sud des Landes mais aussi Gipuzkoa. Pourquoi donc maintenant vouloir rompre avec cette dynamique collective qui porte ses fruits depuis deux décennies? C’est la question que j’ai posé au Conseil communautaire, car je crains que la disparition annoncée des «pays» n’amène un certain nombre d’élus à échafauder des théories fondées sur une certaine idéologie, en clair à rompre avec l’existence même d’un territoire Pays Basque.
Enb.: Vous avez notamment fustigé “le monopoly préfectoral” qui, on le constate dans toutes les délibérations municipales du Pays Basque, crée incompréhension et refus. Loin de défendre le légitime attachement à son village, n’est-ce-pas plutôt le reflet d’un réel conservatisme?
M. B.: Le Préfet a dessiné une nouvelle configuration, un peu au petit bonheur la chance… et force est de constater que cela pose plus de problèmes que cela n’offre de solutions. L’idée de rapprochement des intercommunalités qui sont très éclatées, est bonne en soi. Il me semble qu’il eut été plus judicieux d’ouvrir le débat et de confier aux élu-es, la charge dans un premier temps de faire des propositions en fonction d’un projet de territoire. L’excellent travail (a)ménageons le Pays Basque aurait pu servir de base de réflexion, et au moins les mariages envisagés auraient eu du sens. Au lieu de cela, on nous sert un plat indigeste fondée sur une vision technocratique du territoire, et l’on s’étonne que cela ne marche pas. La notion de territoire vécu, me paraît essentielle mais c’est sans doute trop demander à une administration centralisée qui préfère imposer plutôt que d’inciter à s’organiser. Alors j’ai entendu des propos peu acceptables, qui taxent de conservatismes ceux qui refusent d’acquiescer au diktat, mais je note, non sans malice, que tout le monde refuse de se dépouiller de quoi que ce soit! Y compris la grande agglo, qui veut bien agrandir son périmètre mais qui refuse en bloc toute les propositions touchant à une modification de ses compétences.
Enb.: Comment interprétez-vous la volonté de débattre et de conclure dans l’urgence ce nouveau découpage administratif?
M. B.: Il n’y a pas eu volonté de débattre, d’ouvrir un vrai dialogue mais seulement la volonté d’imposer un scénario et d’aboutir dans l’urgence. Mais, pour l’agglo par exemple, l’occasion était unique, même dans le maigre temps imparti par l’Etat, de poser des objectifs clairs pour imaginer un avenir durable du territoire. Réfléchir à un aménagement équilibré, qui respecte les particularités de chacun et qui de facto amène à des définitions de périmètre qui ont du sens. La grande agglo du Pays Basque aurait là joué son rôle d’agglo-capitale que par ailleurs elle revendique. Nous aurions pu saisir cette opportunité pour définir le lien entre territoires-producteurs et territoires-consommateurs, faire en sorte que cette interdépendance soit d’abord vécue comme un levier, un atout pour l’avenir. Un véritable projet de développement durable abordant les grands défis qui sont ceux de la préservation de la ressource, de la cohésion sociale, de l’énergie, de la mobilité, du cadre de vie au sens le plus large. (Économie, commerce, urbanisation, enseignement, culture…). Mais non, on a préféré répondre au Monopoly préfectoral par un autre Monopoly, tout aussi inefficient. Encore, une belle occasion complètement ratée!!
Enb.: Membre actif de la plateforme Batera, qui a repris la bi-séculaire revendication d’une institution Pays Basque ayant entraîné une majorité de maires et de multiples signes d’approbation populaire, pensez-vous que la proposition d’inclure le Seignanx dans l’agglomération bayonnaise soit sans arrière pensée politique?
M. B.: Bien sûr que non. Il suffit de voir qui sont, les plus zélateurs de cette proposition! Voilà maintenant que l’on parle d’une «agglomération Côte Basque Nord-Val d’Adour» ! Après côte on écrit encore basque… mais uniquement parce que l’imagination leur fait défaut. Je le redis, la disparition du «pays Pays Basque» ouvre grand la porte, à ce type d’initiative et il ne s’agit déjà plus d’être vigilant mais bien de se réveiller rapidement!
Au-delà de la recomposition des intercommunalités, le Pays Basque a besoin plus que jamais d’une personnalité juridique pérenne. Il nous faut une reconnaissance institutionnelle, une collectivité territoriale capable de gérer un territoire solidaire, équilibré se développant sur plusieurs polarités. Le vrai combat est là! 2012 sera une année cruciale, et nous devons nous inscrire rapidement dans une dynamique populaire et faire entendre notre voix. Pour commencer, j’invite les grands électeurs à la plus grande prudence lors des Sénatoriales de septembre!
Batera va d’ici la fin de l’année proposer des mobilisations, le soutien déterminé du plus grand nombre est impératif, si nous ne voulons pas voir naître, un jour, un territoire non identifié aux contours surréalistes.