La pastorale de 2013, René Cassin, sera représentée à Chéraute / Sohüta par ses habitants, les dimanches 28 juillet et 4 août, en journée. J’ai eu l’honneur d’écrire cette pièce. «René Cassin était-il Basque?» C’est la première question que l’on me pose. En bon élève des jésuites, je réponds par cette autre question: Abraham était-il Basque? Et la plupart des saints, rois et empereurs célébrés par ce genre littéraire ne l’étaient pas davantage. René Cassin est, comme Abraham et quelques autres, un personnage universel. Il entre donc dans la longue tradition de la pastorale souletine: celle-ci a fait peu de place aux héros basques jusqu’à Etxahun-Iruri qui les mit en vogue. Le poète de Troisvilles consacra tout de même une de ses neuf pièces à la castillane Ximena. De plus Cassin, sans être euskaldun, a «quelque chose de basque» selon ses propres mots. Mais qui est-il?
Né à Bayonne en 1887, il est mort à Paris en 1976. Sa mère est bayonnaise, son père niçois.
Quand il a quatre ans, la famille s’installe à Nice, mais il passera souvent ses vacances à Bayonne, chez ses grands-parents, et se fera des amis au Pays Basque.
Après de brillantes études, couronnées par une licence d’histoire, puis le doctorat et l’agrégation de droit, il devient avocat et professeur de droit à l’université. C’est un homme de loi, un éminent juriste. Il a consacré sa vie à la défense de la personne humaine et des droits humains. Pour lui la personne humaine est sacrée, au-dessus de tout, et la raison d’être des Etats est la protection de chaque personne et de ses droits.
De plus il a une formation d’officier de réserve, au service militaire il est sorti major de sa promotion, mais on a omis de le noter sur son livret militaire. Est-ce un pur oubli? Il est de famille juive… Il commence donc la guerre de 1914 comme simple soldat. Pour son courage à la bataille de la Marne, il est nommé caporal, puis il est grièvement blessé à Saint Mihiel. Réformé, il organise la principale association d’anciens combattants français. Avec Clémenceau il fait voter les premières lois en faveur des victimes de guerre: mutilés, veuves et orphelins. Il est le père des pupilles de la nation.
Après la guerre il organise des rencontres entre anciens combattants français et allemands pour asseoir la paix. Il représente la France à Genève à la Société des Nations, ancêtre de l’ONU. Mais patatras, en 1933 Hitler prend le pouvoir en Allemagne. Aussitôt, lors d’une réunion orageuse avec le ministre nazi Goebbels, Cassin sent venir à l’horizon la seconde guerre mondiale. Il demande au gouvernement français de réagir, avec celui de Grande Bretagne, tant que les Nazis n’ont que la petite armée de l’armistice, mais il n’est pas écouté.
Dès l’appel du 18 juin 1940 Cassin et sa femme (Simone Yzombard, de Marseille) rejoignent de Gaulle à Londres. Ils se sont mariés en 1917, ils n’auront pas d’enfant, mais ils resteront unis jusqu’au décès de celle-ci en 1969. Pendant les quatre années de l’occupation, Cassin secondera le chef de la France Libre de façon aussi efficace que discrète: il sera constamment son bras droit, ou plutôt gauche, son chef de cabinet ou de gouvernement officieux.
En 1948 René Cassin est le principal rédacteur de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, avec l’appui d’Eléanor Roosevelt, veuve du président des Etats-Unis décédé en 1945 à la veille de la victoire. Après quelques corrections, son texte est adopté par l’ONU.
De famille israélite, mais de tradition laïque chez les hommes, plus religieuse chez les femmes, René Cassin ne pratiquait sans doute pas beaucoup, mais il était très attaché au message biblique de justice et de fraternité. Il a produit une version laïque du Décalogue, il ne s’en cache pas, et il l’a étendu à l’humanité, en mettant des droits en face des devoirs. Pour moi René Cassin est comme le Gandhi de l’Europe, avec moins de romantisme apparent, mais c’est nous qui lui donnerons à Chéraute, par le miracle de la pastorale, ce panache qu’il mérite bien.