Chacun connaît l’importance de la production du lait de brebis pour le Pays Basque. Elle fait vivre une exploitation sur deux, et la grande majorité des zones de montagne. C’est, de loin, la filière qui installe le plus de jeunes. Elle contribue à entretenir l’ensemble du territoire, et particulièrement la montagne. L’image du troupeau de brebis dans un espace montagnard verdoyant vaut celle du surf ou de la pelote, pour communiquer sur un Pays attractif, porteur de valeurs de qualité. Cette image correspond, de façon dominante, à la réalité. Mais, cette réalité, bien vivace, n’est pas spontanée; elle est le résultat d’un engagement de près de 40 ans, pour éviter les dérives du productivisme, la dépendance aux grands groupes, et l’élimination effrénée des paysans au nom d’un pseudo progrès, mais également pour construire des alternatives durables et paysannes. Cette histoire a été très tumultueuse, avec des fièvres cycliques et, quelques fois, très fortes. Les combats autour du lait de brebis ont beaucoup contribué à la naissance de ELB; Ils ont également beaucoup marqué son existence durant les trente ans de son parcours. La période que nous vivons actuellement, fait partie de ces montées de fièvre qui met en évidence que le terrain est malade, et qu’il ne suffit pas de casser le thermomètre ELB pour qu’il n’y ait plus de problème!
Blocage des laiteries
Il y a au Pays Basque, un peu plus de 1.500 producteurs de lait de brebis qui font 50 millions de litres (ML) de lait. Parmi eux les «lacaunistes» représentent 8% des producteurs et près de 25% des volumes! Les autres producteurs sont dans la dé-marche AOC Ossau Irati.
Les motifs des occupations des laiteries étaient les importations de lait, alors que le lait local collecté par la Coopérative laitière du Pays Basque (CLPB) resterait au bord du chemin.
Faisons le point: Berria-Onetik importe d’Espagne 2,5 M de L, et collecte localement autour de 4 M de L; La société Agour importe toujours d’Espagne dans les 2,2 M de L, et collecte ici un peu moins de 4 M de L; 3A importe de ses adhérents de la Lozère 4,5 M de L, et collecte ici dans les 3 M de L. Les Chaumes importent un peu, hors saison, et Pyrénées-From n’importerait pas.
Alors qu’elles importent des millions de litres, les entreprises font savoir au début de cette année, qu’elles ont trop de lait, et qu’elles ne pourront pas collecter tout le lait local! Le 9 février, à l’occasion
du comité directeur de l’interprofession, ELB et la FDSEA organisent une occupation des lieux avec le mot d’ordre «priorité au lait local» La situation reste bloquée, et, alors que la FDSEA rentre à la maison, ELB décide de continuer le blocage toute la nuit. Le lendemain matin, l’action s’arrête avec la perspective d’une réunion prochaine à la sous préfecture. Celle-ci aura lieu le 28 février et un accord intervient: les producteurs arrêtent leur livraisons un mois plus tôt, et, les laiteries s’engagent à réduire les importations de 10 à 7 M de L pour la saison 2011/2012, et de réduire davantage les années suivantes.
Le 7 octobre, les industriels annoncent leur intention d’importer, non pas 7 ML, mais, 9! ELB et la FDSEA quittent la réunion.
Le 7 novembre, nouvelle réunion: les industriels confirment leur intention d’importer 8,5 M de L et de ne plus prendre le lait de la CLPB qui en fait collecte les 3,1 M de L de ses 84 adhérents pour être répartis et transformés par les autres laiteries. Elles disent être OK pour prendre le lait des producteurs de la CLPB s’ils viennent individuellement chez eux, mais pas leur lait s’ils continuent à rester adhérents à la CLPB. Le but est clairement de casser la CLPB en tant que structure! ELB quitte la réunion, la FDSEA reste. Le Président de l’interprofession, par ailleurs, responsable Pays Basque de la FDSEA communique dans les médias pour dire qu’il ne sait plus quoi faire et qu’il demande au sous préfet la désignation d’un médiateur.
La goutte de lait qui fait déborder le vase
Le 10 novembre, réunion du comité directeur de l’AOC: le collège des producteurs propose aux entreprises une motion «demandant que tous les laits AOC soient collectés et transformés, sans conditions autres que le respect su cahier de charge AOC» Les entreprises, dont celles qui importent et qui ont reçu la visite des producteurs la semaine dernière, ont refusé de se prononcer. Elles préfèrent clairement importer du lait, plutôt que de collecter tout le lait AOC du Pays Basque… Ce sera là, la goutte de lait qui aura fait déborder le vase, et qui provoquera, à l’initiative de ELB, l’action légitime et sans violence que chacun a pu suivre la semaine dernière.
Je tiens à témoigner ici que les actions d’occupation des laiteries ont été totalement non violentes, et que des dirigeants d’entreprises doivent être en mesure de gérer plus intelligemment un conflit de ce type. Je tiens, en particulier à dire combien j’ai été scandalisé par l’attitude de la laiterie à laquelle j’ai, depuis longtemps, choisi d’adhérer, Berria Onetik, dont le directeur s’est permis d’envoyer un courrier à chaque producteur, leur disant que l’occupation de la laiterie ne permettait pas de collecter et transformer le lait, et que, s’ils avaient du lait, qu’il devaient le jeter et envoyer la facture à ELB! Alors que, et je réaffirme, la laiterie n’était pas bloquée… Quel triste comportement!