Face au ralentissement de l’activité, à la progression du chômage, au déficit public et au recul du pouvoir d’achat, que va réellement pouvoir faire le chef de l’Etat dans les premiers mois de son quinquennat? A-t-il les mains liées? Non. Ses marges de manoeuvre sont certes étroites, mais elles existent.
A en croire les sondages, les Français placent les questions économiques et sociales —pouvoir d’achat, emploi, dette, inégalités…— au premier rang de leurs préoccupations. Mais selon ces mêmes enquêtes, ils sont aussi très sceptiques sur la capacité du président à améliorer la situation du pays sur chacun de ces sujets. Il faut dire que les perspectives sont particulièrement moroses. Face au ralentissement de l’activité, à la progression du chômage, au déficit public et au recul du pouvoir d’achat, que va réellement pouvoir faire le chef de l’Etat dans les premiers mois de son quinquennat, si toutefois les élections législatives lui donnent une majorité parlementaire en juin prochain? La situation est d’autant plus délicate qu’une partie du problème (et donc de la solution) se joue à l’échelle de l’Europe et que celle-ci, prise au piège des politiques d’austérité, s’enfonce inexorablement dans le marasme. Bref, jamais sans doute sous la Ve République, un président n’aura pris le pouvoir dans un contexte aussi difficile.
A-t-il pour autant les mains liées? Non. Si les Français lui donnent une majorité parlementaire en juin, le nouveau chef d’Etat devra d’abord naviguer entre les écueils: celui des déficits, d’un côté, celui de la récession et de l’explosion du chômage, de l’autre. Ses marges de manœuvre sont certes étroites, mais elles existent. Si l’équation de la réduction des déficits publics est complexe, elle n’est pas insoluble, pour peu que sa politique budgétaire ne compromette pas, par un ajustement rapide et brutal, le peu de croissance attendu. De ce point de vue, même si les marges budgétaires sont faibles, il serait non seulement juste, mais économiquement utile, de défendre le pouvoir d’achat des plus fragiles et de revenir sur la hausse prévue de la TVA de 19,6% à 21,2%. De même, si les coupes dans les dépenses publiques risquent de pénaliser l’activité, des hausses d’impôts ciblées sur les ménages les plus aisés et les entreprises qui en ont le plus les moyens permettraient à l’Etat de trouver des recettes supplémentaires sans affecter la croissance. Par ailleurs, des mesures pourraient être prises pour favoriser la création d’emplois plutôt que le développement des heures supplémentaires, et une partie des nouvelles rentrées fiscales pourrait être concentrée sur quelques priorités, comme le financement d’emplois aidés et la création de postes dans les services publics qui en ont le plus besoin. Enfin, contrairement à une idée largement répandue, le nouveau président de la République peut trouver des alliés en Europe —en Espagne, en Italie, mais aussi aux Pays-Bas ou même en Allemagne— pour défendre, à l’échelle de l’Union, une politique de croissance cohérente avec les défis écologiques et énergétiques qui attendent le Vieux Continent. Ce sera nécessaire pour sortir l’Europe de la spirale négative dans laquelle elle s’est enferrée depuis des mois. Et ce sera sans doute aussi de nature à redonner un horizon positif à la construction européenne.
Article paru dans Alternatives Economiques
N° 313 de mai 2012